AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Geneviève Leibrich (Traducteur)
EAN : 9782021026603
169 pages
Seuil (06/01/2011)
3.84/5   174 notes
Résumé :
Victime de l'injustice de Dieu qui préfère les offrandes d'Abel aux siennes, Caïn, condamné à l’errance, part à l'aventure dans l'espace et le temps bibliques. Amant de l'insatiable Lilith, il est tantôt témoin tantôt protagoniste d'événements qui le révulsent et contre lesquels il s'insurge. Il arrête le bras d'Abraham, regarde épouvanté les enfants périr dans le brasier de Sodome, assiste impuissant à la colère de Moïse passant son propre peuple au fil de l'épée, ... >Voir plus
Que lire après CaïnVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (51) Voir plus Ajouter une critique
3,84

sur 174 notes
En ces temps vaguement bibliques, alors que les rois mages se sont déjà mis en route, parlons du dernier roman que ce grand auteur nous a livré, avant d'aller voir s'il n'avait pas mal parié, l'ami Pascal ayant fait preuve de davantage de prudence : la déférence envers un dieu —à l'heure d'éventuellement le rencontrer — n'est pas ce qu'il y a de plus cher à miser.

Comme lui, je ne vais pas m'embarrasser à mettre de majuscule au début d'un nom (pas vraiment) propre, ami imaginaire qu'une humanité toujours pas mature n'en finit plus d'invoquer, aberration que la modernité aurait dû corriger en premier, bien qu'elle en ait les moyens sans les intérêts…

La pagination Saramago, toujours surprenante, façon « Editions Cent Pages », utilise surtout ces majuscules pour marquer, dans les dialogues, les différents interlocuteurs, au lieu d'un retour à ligne.
Cette concentration du texte en bien peu d'espace n'est pas toujours évidente à suivre, et oblige le critique à en parler dans chacun de ses textes dédiés à ce canonisé au comité Nobel, comme de nous alourdir l'esprit avec la liste de ses derniers récipiendaires… (oh non…! encore…)

Au moins, on peut dire que son écriture est écologique : il concentre en moins de 200 pages une histoire qui en prendrait le triple chez une maison coutumière des textes remplis d'air ( coucou le Tripode ).

Donc notre vieux sage portugais prend quelques risques, réinterprétant à sa sauce acido-réaliste une grande part de l'Ancien Testament, ensemble de contes de qualités littéraires inégales, auxquels on préférera Grimm, Hoffmann ou Gripari pour endormir les enfants.
On ne peut que saluer une telle entreprise : enfin un auteur qui s'attaque à la littérature jeunesse sans tenter de leur faire croire que la Terre est plate.
Mais une telle démarche n'est pas là pour ravir nos chers libraires : souvenez-vous qu'il ne leur fera pas vendre beaucoup de papier… et sans s'intéresser au sexe des anges… bien qu'il y soit question de leurs épées de feu…

Quelque peu foutraque, l'organisation de son récit n'en reste pas moins très amusante, avec comme point d'orgue les différentes conversations entre Caïn et Dieu, saisissant effet miroir, où l'évidente absurdité de ces dogmes, ainsi que la notion de Bien et de Mal, éclatent sous la pression du simple bon sens.
L'auteur ne se sert pas du dangereux relativisme, mais d'un humanisme de bon aloi, passant en revue les mythes qui fondent aux trois grands ensembles religieux monothéistes, pour mieux les ridiculiser.

« Le chemin de l'erreur au début est étroit, mais il y aura invariablement quelqu'un qui sera toujours disposé à l'élargir, disons que l'erreur, pour reprendre le dicton populaire, c'est comme manger ou se gratter, le tout est de commencer. »

Anathème et blasphème sont dans un bateau : une bien belle histoire, qui ferait passer Salman Rushdie pour un militant du Femyso.
Et pour finir de s'en convaincre, faîtes un tour du côté de la jolie critique de viou1108, elle qui n'aurait pas laissé flotter l'arche de Noé
Commenter  J’apprécie          8310
Dieu, si tu existes et que par hasard tu te promènes sur Babelio ou sur les blogs de lectures, ne lis pas ce roman de Saramago, cet hérétique (d'après le Vatican), car tu t'en prends plein la gueule. Ou alors, si tu es beau joueur et intelligent (quod non, d'après l'auteur précité), lis-le et tu sauras alors que ton piédestal, bâti sur la crédulité (pardon, la croyance) millénaire d'un peuple d'âmes égarées dans le désert, n'est, pour certains mécréants, pas plus stable ou plus solide qu'un pouf rempli de granules de polystyrène. Car, Dieu Tout-Puissant, il en existe, des gens qui osent te contester, te contredire, te désacraliser et même te ridiculiser. A ce jeu-là, le « jeune » Saramago dont je te parlais, est plutôt doué. Il nous emmène en balade à travers l'Ancien Testament, sur les pas de Caïn. Caïn, tu te rappelles, c'est celui que tu as condamné à une errance éternelle après qu'il ait tué son frère Abel, par dépit et jalousie, parce que tu avais préféré les offrandes de ce dernier. Et tu vois, la différence ici par rapport au canon biblique habituel, c'est que l'auteur prend parti pour Caïn, qui est pourtant le premier assassin des Ecritures. Mais voilà, ce brave Caïn est en l'occurrence posé en victime d'un Dieu mesquin et pas miséricordieux pour un sou, qui a ses petits chouchous, et tant pis pour les autres. De plus, Caïn est présenté comme un homme intelligent, qui pose un regard lucide sur les agissements irrationnels d'un Dieu qu'il se permet même de contredire. On est donc loin de la créature soumise et dévouée à son maître.
A travers ses déambulations spatio-temporelles, Caïn assiste aux épisodes de Babel, Jéricho, Sodome, du Veau d'Or, et rencontre Abraham, Job, ou Moïse. A certaines occasions, il interviendra, parfois par hasard, pour atténuer ou même contrecarrer les plans de Dieu, mais le plus souvent, il ne pourra que contempler le désastre de massacres autorisés ou voulus par celui-ci. Toujours il s'interroge et se révolte contre le comportement insensé d'un Dieu rancunier et caractériel. Et quand arrivera le Déluge, Caïn décidera que « L'histoire est terminée, il n'y aura rien d'autre à raconter ».

Je n'avais jamais rien lu de Saramago, et voilà que je le découvre avec son dernier roman, publié alors qu'il avait 87 ans.
Passé l'obstacle d'une écriture qui défie la ponctuation et se joue des majuscules, on est embarqué dans une relecture iconoclaste de l'Ancien Testament dans laquelle, entre l'humour sarcastique et des scènes carrément désopilantes, sont posées des questions vertigineuses : pourquoi l'homme a-t-il créé Dieu, qui lui-même a créé l'homme à son image ? Pour justifier sa propre méchanceté, ou pour inventer un bouc émissaire pour la racheter ? Si l'homme est mauvais, est-il à l'image de Dieu ? Et si Dieu est bon, pourquoi l'homme est-il mauvais ? Et pourquoi agit-il alors parfois en son nom ? Est-ce parce que Dieu est mauvais que certains ne croient pas en lui ? Etc...
Contrairement à ce que disait Caïn à la fin du roman, je ne pense pas que « l'histoire est terminée »...
Commenter  J’apprécie          734
Le roman Caïn m'a laissé surtout perplexe. D'abord, le style de son auteur, le grand José Saramago, ne m'a pas interpelé du tout. Tout au contraire, je l'ai trouvé rebutant. Qu'était-ce que tous ces noms propres sans majuscules ? Assurément il y a une raison mais je n'ai pas poussé de ce côté-là. Pour moi, ça faisait seulement étrange. Puis, tous ces dialogues insérés à même la narration, qu'on pouvait deviner à l'aide de quelques expressions introductrices mais surtout de l'emploie de majuscules, à l'intérieur des phrases cette fois-ci ! Ça me faisait rappeler vaguement le style biblique mais je ne suis pas convaincu de cet usage dans un roman moderne. Mais bon, c'est une question de goût…

J'ai essayé de faire abstraction de ces éléments de style, espérant que l'histoire allait compenser un peu. J'ai liu quelques réécritures des évangiles ou d'autres récits bibliques, je les aime bien de manière générale. le début allait, Adam et Ève expulsés du Paradis, Caïn qui jalouse son frère et s'en débarrasse. Puis, rapidement, des éléments de l'intrigue. Par exemple, assez rapidement, Lilith fait son apparition. Cette femme n'est pas une des plus connues des récits bibliques mais, de mémoire, elle n'intervient pas dans les péripéties de Caïn mais plutôt d'un autre. Mais bon, peut-être que je me trompe. Dans tous les cas, José Saramago ne s'embête pas de la «chronologie», alors autant faire venir Abraham, Noé et d'autres encore, et que tous soient témoin de la chute de Sodome et Gomorrhe et se réfugient dans l'Arche.

Sans vouloir me donner des airs de puriste, je me questionne sur la pertinente de mélanger tous ces épisodes distincts de la Bible. Toutefois, passé ces points que, moi, je trouve négatif (tout en étant conscient que d'autres pourraient trouver cela génial et innovateur), j'ai continué ma lecture. J'ai apprécié l'humour et les messages/questionnements qu'il était possible de voir se dégager de cette aventure. On peut difficilement refermer ce livre et arrêter complètement d'y penser. Les derniers mots sont : «L'histoire est terminée, il n'y aura rien d'autre à raconter.» Eh bien non, il y a toujours autre chose à raconter, voire à réécrire, à réinventer. Il y a autant d'histoires que d'individus…
Commenter  J’apprécie          322
Avec quelques appréhensions eût égard à la particularité stylistique de José Saramago, dont m'avait parlé mon libraire, je me lance dans l'univers du Prix Nobel avec Caïn, son dernier ouvrage. Très vite, je trouvai mes appréhensions ridicules tant la prose de l'écrivain portugais est un bonheur de lecture. On se fait très vite à ses phrases à la ponctuation toute personnelle.

Avec Caïn, Saramago revisite à sa manière les grands moments du Pentateuque, à commencer par le début - ou peu s'en faut - c'est-à-dire Adam et Ève. Le tout est d'arriver au protagoniste principal de l'histoire, Caïn après le fratricide. A travers lui et sa réprobation et sa colère s'exacerbant toujours plus, l'auteur dresse un réquisitoire envolé contre "le seigneur, aussi connu sous le nom de dieu". Qu'il s'agisse du sacrifice d'Isaac par Abraham, la destruction de Sodome et Gomorre, Job et tant d'autres faits, Caïn interpelle sur l'iniquité, la cruauté, la partialité, le caractère rancunier et amateur en tant que créateur de dieu. le Caïn de Saramago pourrait serrer la main avec plaisir au russe Vitaly Malkin, auteur des Illusions dangereuses parues en mai 2018.

Au-delà de la critique sarcastique des agissements divins se fait sentir également une réflexion sur le destin contre l'envie de libre arbitre qui était sensé revenir à l'humanité après sa création. Caïn, personnage meurtrier, réprouvé et marqué au front du sceau du seigneur afin que nul n'attente à sa vie, cherche au fil de ses pérégrinations à briser l'emprise de dieu sur son existence et acquérir ainsi sa liberté.

L'auteur met une verve extraordinaire dans son récit, recourant à de longues phrases de haut vol, au lexique parfois rare et très recherché (comme l'adjectif coruscant pour définir les yeux furibards de dieu au moment du péché originel - lexique très précieux dont il se moque lui-même en en reconnaissant le caractère inusité).

Rompant régulièrement avec la trame de son histoire, José Saramago se lance dans des digressions dans lesquelles il s'adresse directement au lecteur. Pour faire un point épistémologique ou exégètique, pour le prendre à témoin, pour le plaisir de rajouter son grain de sel aussi sans doute.
Chaque page ou presque transpire une ironie vive et mordante, offrant des scènes parfois proprement désopilantes. Et une lecture assurément jubilatoire.

Connaissant encore très mal la personnalité de José Saramago, je me dis néanmoins qu'avec de tels textes (L'Évangile selon Jésus doit être pas mal aussi, sur ce sujet), il n'a pas dû se faire que des copains au sein de l'Église et des religions en général.
Une chose est certaine, cette première incursion dans la prose du Portugais ne sera pas la dernière tant j'imagine ses autres romans fascinants, abordant des thèmes aussi intéressants que variés. Et aisément polémiques, j'ai l'impression.
Commenter  J’apprécie          303
Une histoire bien connue mais remaniée à la sauce Saramago.

L'auteur raconte l'histoire biblique de façon parfois humoristique, mais surtout en soulignant les éléments qui défient la logique. Par exemple, si dieu ne voulait pas qu'adam et ève mangent le fruit de l'arbre, pourquoi a-t-il placé l'arbre dans le jardin? (Les minuscules aux noms propres sont de l'auteur…)

Pour en faire un roman, Saramago va plus loin que l'a Genèse avec Adam et Éve et leurs enfants, il fait en sorte qu'après son bannissement, Caïn, qui erre dans le monde, fasse aussi des sauts temporels. Il est donc présent lorsque Abraham est sur le point de tuer son propre fils, il assiste à la destruction de Sodome et Gomorrhe, il navigue sur l'arche de Noé et suit les massacres guerriers du peuple d'Israël.

Dans ces périples, Caïn s'étonne de la cruauté de ce dieu. Pourquoi brûle-t-il les enfants innocents de Sodome? Pourquoi encourage-t-il à passer par l'épée tous les vaincus d'une guerre?

Et même, pourquoi ce dieu pervers est-il jaloux et veut-il détruire de la tour de Babel plutôt que d'être fier des réalisations de ses enfants? Et pourquoi punir la femme de Lot, alors qu'il n'y a rien de plus normal (et de plus sain?) que de regarder derrière soi?

Les lecteurs qui ont peu de connaissances de l'Ancien Testament s'étonneront avec Caïn devant ces histoires parfois bizarres. D'autre part, les croyants ne tireront vraisemblablement pas beaucoup de plaisir de cette lecture.

Mais on pourra aussi se rappeler que la Bible n'est pas qu'un livre religieux, c'est aussi un fondement de la culture. Peut-on alors s'étonner que les guerres et la violence fleurissent si facilement au nom des dieux?
Commenter  J’apprécie          300

Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
J'ai une pensée qui ne me quitte pas, Quelle est cette pensée, demanda abraham, Je pense qu'il y avait des innocents à sodome et aussi dans les autres villes qui furent incendiées, S'il y en avait eu, le seigneur aurait respecté la promesse qu'il m'a faite d'épargner leur vie, Les enfants, dit caïn, ces enfants-là étaient innocents, Mon dieu, murmura abraham, et sa voix était comme un gémissement, Oui, il est peut-être ton dieu, mais il n'a pas été celui de ces enfants.

[P. 97, roman seuil]
Commenter  J’apprécie          10
Voici ce que dit le seigneur, dieu d’Israël, prenez chacun une épée, retournez au camp et allez de porte en porte, chacun d’entre vous tuant le frère, l’ami, le voisin. Et ce fut ainsi que moururent près de trois mille hommes.

(Points, p. 105-106)
Commenter  J’apprécie          202
(...) l'imprévoyance du seigneur est criante, car si réellement il ne voulait pas quon mange de ce fruit, le remède était facile, il lui aurait suffi de ne pas planter l'arbre, ou de l'installer ailleurs, ou de l'entourer d'une clôture en fil de fer barbelé.
Commenter  J’apprécie          170
… comme on le savait déjà à cette époque, la chair est suprêmement faible, et pas tellement par sa propre faute, car l’esprit dont, en principe, le devoir serait d’élever une barrière contre toutes les tentations est toujours le premier à céder, à hisser le drapeau blanc de la reddition.

(Points, p. 58-59)
Commenter  J’apprécie          120
Que notre dieu, le créateur du ciel et de la terre, est complètement fou, Comment oses-tu dire que le seigneur dieu est fou, Parce que seul un fou sans conscience de ses actes accepterait d’être le responsable direct de la mort de centaines de milliers de personnes et de se comporter ensuite comme si de rien n’était, sauf que, finalement, il ne s’agît pas de folie, de folie involontaire authentique mais bien de méchanceté pure et simple [...]
Commenter  J’apprécie          60

Videos de José Saramago (80) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de José Saramago
Charlotte Ortiz, traductrice de "Traité sur les choses de la Chine" de Frei Gaspar da Cruz (ouvrage à paraître) nous fait le plaisir de nous parler de deux livres importants pour elle. "L'aveuglement" de José Saramago, roman parlant d'une pandémie ... elle vous en dira plus et, "Européens et japonais, traité sur les contradictions et les différences de moeurs" de Luís Froís où il est question, entre autres, de genre, de cuisine et de belles perspectives ;) !
autres livres classés : littérature portugaiseVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (378) Voir plus



Quiz Voir plus

Le voyage de l'éléphant

En quelle année le voyage commence et en quel année le voyage se termine ?

1552-1554
1551-1553
531-534

3 questions
2 lecteurs ont répondu
Thème : Le voyage de l'éléphant de José SaramagoCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..