J'ai un problème avec
Spinoza … Ou du moins, je n'ai pas un problème avec Baruch
Spinoza en personne mais plutôt avec l'exploitation pompeuse que l'on en fait. Pour faire simple, je n'ai rien contre une citation surtout quand elle est bien placée et qu'elle apporte un complément fort à un argument ou qui synthétise la pensée que l'on veut exprimer car on ne sent pas capable de le faire. En règle générale, cela marche avec tous les philosophes les cours de philo ont toujours été pour moi d'une « chiantise » profonde, car donnés en méthode ex cathedra sur un ton monocorde à peine audible, rendant la pensée de
Spinoza indigeste, pour ne pas dire hors de portée.
Alors que je feuilletais plusieurs catalogues des nouveautés qui seraient publiées au printemps, je tombe sur la description accrocheuse et comme le hasard fait bien les choses, l'auteur me propose de découvrir son roman. Je me dois de remercier
Jacques Schecroun et les éditons Albin Michel pour me l'avoir fait parvenir. Je ne vais pas tourner autour du pot, c'est à l'heure d'aujourd'hui mon coup de coeur de l'année et il aura probablement une très bonne place dans mon classement de fin d'année.
Qu'est-ce que ça raconte ?
Jacques Schecroun nous dévoile un roman biographique ou une biographie romancée du célèbre philosophe. Appelez ça comme vous le voulez. Issu de la communauté juive portugaise d'Amsterdam, on rencontre Baruch
Spinoza dès son jeune âge jusqu'à sa vie d'adulte et son excommunication (herem). L'un des nombreux coups de génie de l'auteur, c'est le processus d'identification qu'il met en place en rendant son héros attachant en l'appelant par son diminutif, Bento.
Dans le Amsterdam du milieu du 17ème siècle, la communauté juive est composée des expulsés ou des réfugiés des villes et pays voisins mais surtout des « nouveaux chrétiens » ou « conversos », c'est-à-dire des juifs ibériques convertis de force au christianisme mais pratiquant le judaïsme en secret. Menacés par l'Inquisition et autres formes d'autorités, plusieurs familles sont contraintes de quitter l'Espagne ou le Portugal et de prendre la direction du nord avec les Provinces-Unies. Une terre réputée plus tolérante. C'est dans ce cadre que nous suivons les aléas de la vie de Bento
Spinoza.
C'est le grand plongeon dans le Amsterdam du 17ème siècle. On présente Barcuh « Bento »
Spinoza comme un futur grand rabbin. Sa parfaite connaissance de la Torah, son érudition et son questionnement permanent font de lui un personnage plus complexe qu'il n'y paraît. Mais alors qu'est-ce qui pousse un jeune homme au destin tout tracé à changer du tout au tout ? Bento s'intéresse à tout et à tout le monde, ce qui est à la fois sa force et sa faiblesse. En tant que force, c'est son envie d'ouverture sur le monde ou dans un premier temps vers la société amstellodamoise, les personnes d'un autre culte. En tant que faiblesse, il va être confronté à la méfiance de son père, des gens de sa communauté et forcément attirer la haine, la rancoeur et la colère de ceux-ci. le questionnement de
Spinoza fait étrangement écho avec ce que nous vivons. La défense de nos idéaux face à l'obscurantisme moderne. de quelques groupuscules.
Pourquoi faut-il lire ce roman ? On peut le diviser deux parties. La première est en quelque sorte la plaidoirie qui défend Baruch de
Spinoza. On nous montre les évènements de sa vie, l'évolution de sa pensée, les changements qui ont été opérés. Forcément en tant que lecteur, on est tenté de prendre la défense du jeune
Spinoza. le dernier acte est à proprement parler le procès, l'excommunication et forcément toute l'injustice qui en découle.
J'aime bien les parallèles que l'on peut faire avec la
Franc-maçonnerie et la démarche intellectuelle de Bento à travers ce roman. En particulier, l'épisode de la cave et la rédaction de son testament. Je ne vais pas m'étendre sur l'épisode maison prend dès lors conscience de toute la démarche initiatique du personnage. Il y a bien entendu d'autres événements mais dans mon esprit, celui-ci se démarque parce qu'il nous prouve que notre héros est un humain comme les autres.
Malgré quelques petites longueurs qui ne sont pas sans déplaire car c'est une façon de prolonger le plaisir de lecture,,
Jacques Schecroun distille l'une ou l'autre citation du philosophe. On notera que le principal tour de force de ce roman, c'est de rendre la pensée de
Spinoza accessible et quand on n'est pas sensible comme moi, cela fait mouche. Il tient au lecteur de faire la part entre la réalité et la fiction mais l'approche est ludique et d'une efficacité redoutable.
En conclusion, je suppose que vous aimez ces journées qui se terminent sur une note positive. Un moment inattendu qui vous donne du baume au coeur et bien, ce roman vous l'offre. Une agréable surprise dans un cadre historique lointain mais qui résonne avec l'actualité. Pensez à le mettre sur votre liste des vacances !