La vie encore Editions du Pourquoi pas ? (9, 50€ - 52 pages) (1)
Texte de
Thomas Scotto – Illustrations de
Zoé Thouron
Ce livre, né de la commande de six musées des Vosges, à l'occasion des commémorations de 2004, marque un tournant dans l'oeuvre de
Thomas Scotto.
Le thème qui devait être en lien avec le Centenaire de la Grande Guerre, dépasse le cadre littérature jeunesse et fut présenté aux lycéens.
En exergue, une citation d'
Aragon, rappelle la fragilité et finitude de l'être humain.
Le récit s'ouvre sur un futur soldat, taraudé par le mot : « Mobilisé ». Prenant conscience du danger encouru, il est d'autant plus enclin à capter la lumière.
C'est alors que l'auteur donne la parole à la guerre. Celle-ci s'interroge sur les mobiles du déclencheur. On n'est plus dans la virtuelle que se livrent les enfants.
Les dessins qui accompagnent le texte commencent pas les lignes de front, les barbelés, puis apparaissent les frères d'armes, solidaires, « camarades de rires nerveux ».
Zoé Thouron montre leur dérivatif, « leurs tentatives d'évasion » de l'esprit : « sculptures de bouchons », « instruments de musique ». l''illustratrice zoome sur les lettres, seuls liens entre les familles, avec « quelques larmes en guise de signature ». Puis sur des femmes aux champs, en pleine fenaison, sur des infirmières, témoins du carnage, des mutilations : « Elles approchent l'horreur, elles réconfortent ».
Thomas Scotto et les dessins de
Zoé Thouron, mettent en exergue le rôle des femmes durant la première guerre mondiale, travaillant pour remplacer, « coûte que coûte le poids des absents », ces hommes appelés sous les drapeaux. Les « munitionnettes » travaillent dans les usines de guerre, fabriquent « les armes, les balles, et les explosifs ». Elles ne comptent plus leurs heures et leur statut reste archaïque.
Une parenthèse s'offre, musicale, le temps d'une permission, grâce à « ce luthier qui avec les caisses de munitions s'est fait un violoncelle », image de la couverture. La musique pour « réchauffer les arrières ». Au final, un tableau de désolation, de « paysages dévastés ». Gros plan sur une femme, consignant dans son journal ses pensées, sa rage ou sur une affiche, invitant ceux qui restent à s'impliquer, à souscrire « à l'emprunt de la victoire ».
L'art de
Thomas Scotto réside dans sa délicatesse, le choix des mots pour dire l'innommable. « La garance de certains tissus trop rouges » évoque, d'une façon détournée, bain de sang, blessures et syndrome post traumatique. C'est en filigrane que la violence éclate, que la souffrance mine des êtres. L'auteur souligne la folie des dirigeants, l'absurdité de la guerre. le lecteur perçoit les tirs, « le cri des canons », les grenades. L'espoir renaît quand la guerre renonce à ses ravages au profit de la Paix.
La forme choisie rappelle celle que
David Foenkinos a adoptée pour son roman
Charlotte : une sorte de long poème narratif, sans rimes, des phrases courtes, et cette nécessité d'aller à la ligne pour « respirer ». Une élégie aux Poilus.
Thomas Scotto signe un texte mémoire, émouvant, à portée universelle, illustré avec sobriété mais d'une puissance indicible, qui offre un éclairage sur ce qui déclenche les conflits, sépare, divise les hommes depuis des lustres.
Il décline un vibrant hommage à ceux qui ont connu l'horreur de la Grande Guerre, un hymne indirect à la vie, à la Paix
(1) le projet « La vie encore » a obtenu le label « Centenaire » et a été soutenu par la Mission du Centenaire, le Conseil Général des Vosges et les Villes d' Épinal, Mirecourt, Remiremont et Saint-Dié-des Vosges.
Où se le procurer ?
Éditions du Pourquoi pas
15, rue du Général de Reyffe
88000 Epinal
Tel: 09 29 69 64 64
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