Sans pouvoir vous en donner une explication qui ferait sens, j'aime beaucoup les cover de cette collection. Et j'apprécie particulièrement que l'éditeur veille à ne pas changer de ligne, de taille, de format… à chaque parution. Ici, une belle photo, avec un clair-obscur très réussi, d'un homme pris de profil, attire l'oeil.
Précisons aussi qu'il s'agit d'un court roman. Alors que les livres ces derniers temps font rarement moins de 300 pages – une longueur que l'histoire et les rebondissements ne justifient pas toujours -, on est ici en présence d'un livre qui compte « seulement » 188 pages.
Sur l'histoire elle-même, elle est dérangeante et ce à plusieurs titres. Je ne sais pas si ce n'est que moi, mais je dois reconnaître que les patients psychiatriques ont souvent tendance à me mettre mal à l'aise. Faut-il y a voir des traces d'un après-midi passé face à une pauvre femme qui, considérée comme « simple », avait été placée dans diverses institutions toute sa vie, et dont le regard fixe et éteint est resté sur moi ?
Toujours est-il que, face à un Ilyas, un Hans, un Kader, un Nadir, un Mircea, je sais que je ne sais pas comment réagir. Et ce livre me place face à cela, alors que j'aimerais pouvoir être capable de plus d'ouverture d'esprit…
Mais ce livre est également glauque, avec ces meurtres commis pour venger le harcèlement de plusieurs garçons sur un de leur camarade, choisi comme souffre-douleur parce que trop faible pour se défendre, humilié, rabaissé, violé… Une histoire horrible comme on aimerait pouvoir penser qu'elle n'est pas possible dans un groupe humain, mais qui, malheureusement, se répète de génération en génération. Comment des ados peuvent-ils tomber si bas ?
La structure même du livre est assez déroutante. On a l'impression de prendre l'histoire en cours, et de la quitter alors qu'elle n'est pas réellement arrivée à son terme. Mais en même temps, nous avons tous les éléments, donc on ne reste pas non plus sur sa faim.
Et puis… dans toute cette fange, du plus profond de toute cette violence, émergeant du parcours contrefait de tous ces personnages – dont aucun ne semble en capacité de vivre « normalement » -, il y a une sorte de magie. Je ne saurais pas, là non plus, expliquer d'où me vient cette image, mais, notamment lors des passages qui se déroulent dans la forêt, j'ai eu la sensation d'observer, dans une version sombre, le Grand Meaulnes. Magie, mélancolie, mystère, mais comme en négatif.
Enfin, ce livre parle de la fuite, du recul, du refus d'affronter. Anna est partie. Dapper refuse de lire jusqu'au bout les documents du Docteur Tristan sur l'évaluation effectuée lorsque Théo a été retrouvé. Théo a préféré s'éloigner. le journaliste part, disparaît, et fait le choix de ne pas raconter, une fois qu'il a compris quelle histoire se cache derrière le suicide qui l'a fait revenir. Hélène, au bord de l'effondrement, ne veux pas affronter la réalité en face, et adopte une attitude de déni. Chacun semble parer au plus pressé, sans réaliser que ce n'est que reculer pour mieux sauter.
Une histoire intrigante, portée et servie par des personnages mystérieux, dont chacun semble être au bord du gouffre, à la limite de la rupture, au seuil de l'effondrement. Cela ne déborde, évidemment, pas de joie de vivre. C'est sombre, presque désespéré… Oserez-vous venir faire face au tigre qui est – aussi – en vous ?
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