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EAN : 9782812604898
144 pages
Editions du Rouergue (06/03/2013)
3.56/5   35 notes
Résumé :
Comédienne dans les plus grands théâtres publics, Samira Sedira se retrouve à 44 ans en fins de droit, faute d’engagements, et obligée de faire des ménages pour survivre. Fille de travailleurs immigrés algériens, elle est alors renvoyée brutalement à ses origines sociales, elle qui croyait s’en être échappée. Dans ce journal du désenchantement, elle croise les fils de sa mémoire familiale, son quotidien de bonne à tout faire et son amour pour le monde du théâtre. >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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« Sans l'avoir cherché, j'avais convoqué la mémoire. »
Samira Sedira est une comédienne qui, pendant plus de vingt ans, a foulé les scènes de nombreux théâtres français et étrangers. Mais voilà que les contrats s'étiolent et que son seul moyen de subsistance consiste à faire des ménages. Passer de la lumière à l'ombre est douloureux.
Cette douleur, ce manque, cette absence font remonter en elle des souvenirs : ceux de l'arrachement à la terre natale, l'Algérie. Non pas qu'elle ait mal vécu cette période (sa jeunesse l'a sauvegardée de biens des désenchantements), mais c'est celle de sa mère qu'elle explore et compare à la sienne présente.

Très beau témoignage sur l'inéluctabilité de la vie, sur les conditions de vie des immigrés, sur le travail difficile effectué par les invisibles (femme de ménage, ouvrier spécialisé, caissière...). Mais aussi une peinture pleine de tendresse pour sa mère, celle qui a subi sa vie mais qui lui a aussi donné la possibilité de choisir la sienne.
« Le jour où je lui ai appris que j'avais rencontré quelqu'un que j'aimais et qui m'aimait, j'avais vingt-deux ans. Un sourire a tremblé sur ses lèvres. Elle m'a demandé en tordant son petit mouchoir brodé entre ses doigts. C'est vrai ce qu'on dit… ? qu'on a le coeur qui bat plus fort… ? »
Et bien sûr un cri d'amour pour son métier :
« Quand les lumières s'éteignent, que le rideau de fer se soulève dans un bruit d'orage et qu'apparaissent les premiers comédiens, je suis frappée de plein fouet par une odeur. Je la reconnais immédiatement. Un mélange subtil d'effluves de maquillage et de bois, l'odeur des planches. Cette odeur si particulière, si indissociable de ma vie d'autrefois, si chargée de souvenirs et d'émotions me fait monter les larmes aux yeux. »

Une écriture âpre et violente parfois qui dessine si bien l'arrachement brutal à un rêve que Samira Sedira croyait éternel.
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Dans L'odeur des planches, Samira nous livre son histoire. Elle passe ainsi de la lumière à l'ombre. Cette partie que nous ignorions jusqu'à présent de son passé. D'une écriture maîtrise, puissante, elle déroule aux lecteurs son enfance dans l'Algérie des premières années de l'indépendance. En 1969, elle quitte Oran pour la France avec sa mère. Son père les attendait de l'autre côté de la Méditerranée. Pour sa mère, ce fut un terrible déchirement. Pour elle une nouvelle vie qui commence.

Samira Sedira a vécu un temps au paradis, un hôtel tenu par un Kabyle où se retrouvait le lempen proletariat de l'émigration. « le Paradis » n'en était pas un, glisse-t-elle. "Sur les murs de la chambre des taches bizarres, auréolées de graisse ou urine séchée, des traces sur la moquette aussi, partout des traces de chiures, de la moisissure."

Changement de décor avec l'entrée dans un logement HLM. Des cubes en béton de trois étages, disposés en demi-cercle. L'intérieur tranche avec "le Paradis". Blancheur des murs et propreté. La famille a deux chambres. "Ma mère esquisse un sourire", mais elle ressent toujours autant de déracinement. Pour elle rien n'a changé au fond. "Ma mère, elle, ne fait rien. En général, après notre départ, elle lave la vaisselle, donne un coup de serpillière, s'assoit à la table de la cuisine, à la même place que le matin, puis lentement touille son café noir". Les gestes sont immuables pour cette femme.

Son père est un ouvrier spécialisé. Un OS de la soudure. Il va trouver une place de soudeur dans une entreprise de construction maritime. Samira a d'abord les langues étrangères à la FAC, puis sous l'impulsion d'une amie, elle a rejoint le groupe de théâtre universitaire. Ce fut une révélation. Samira a tout de suite apprécié les tréteaux. «Les premiers mots que je prononçai furent ceux de Shakespeare. le roi Lear. Je ne sais plus quels étaient ces mots, mais je reste à jamais marquée par le silence de mes partenaires, leur incroyable écoute, si dense». Un nouveau chemin était tracé pour elle.

Après sa réussite au concours de l'école supérieure d'art dramatique de Saint-Etienne, elle enchaîne les expériences théâtrales. Comédie de St Etienne, TNP de Villeurbanne, Théâtre national de Toulouse, etc. "Rien ne me prédestinait au théâtre, rien", écrit-elle. Ses parents "ne savaient même pas que cette forme d'expression existait". En clair, ils vivaient les conditions d'ouvriers émigrés, souvent à mille lieues de la culture.. A chacun de ses passages, un souvenir de ce bout de vie qui démarre en trombe. Cependant, l'effervescence des planches ne dura pas. le chômage pointe. En février 2008, Samira Sedira reçu un courrier des Assedic. Trois mots retiennent son attention : fin des droits. C'est le couperet et le début de la galère pour la jeune comédienne. Pendant deux décennie, elle a joué de nombreuses pièces de théâtre, puis plus rien. L'enfer du chômage. Elle se sent anéantie. Mais elle n'a pas le choix, elle doit quand même trouver un travail. La comédienne est engagée comme femme de ménage. "Quinze heure par semaine", six cents euros par mois. Pourtant, "au théâtre on ne comptabilise pas ses heures", car pour son dernier spectacle, son salaire s'élevait à 4000 euros.

Mais toute la force de ce roman vrai est surtout dans le style d'écriture. La rythmique du récit est palpitante, sans fioritures. Avec des flashs sur l'enfance, l'Algérie. Samira Sedira se livre. Elle confie combien c'est désagréable de devenir servante des autres. L'ingratitude des patrons qui n'ont aucune décence, ni respect de l'hygiène. La vie dans sa dureté a fait oublier à la comédienne, un temps, "l'odeur des planches".

Le récit est émouvant, juste sur une expérience de vie. Un changement de trajectoire qui peut arriver à tout le monde. Nul n'en est à l'abri. Il y a de la pertinence dans ce roman et une forte dose de courage à se livrer aux lecteurs
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J'ai mal à Platonov

Petite ampoule restée allumée, « la servante », assure la permanence des planches, du théâtre. La servante c'est aussi le nom de la femme dans le travail domestique chez autrui « Franchir le territoire privé, l'intérieur méprisable ». Ce travail avilissant « Toujours les mêmes gestes. Indéfiniment. de la lente dépossession de soi », ce travail de ménage toujours à recommencer, cet agencement de gestes et de dégoût « Personne ne devrait en arriver à passer ses journées à laver la souillure des autres ».

Le passé comme rupture dans les lieux, les existences, surtout pour la mère, l'installation en France, puis l'appartement en cité. La mère et son corps « Sans doute charge-t-elle son corps de dire à sa place ses peurs, ses doutes, la question obsédante de son identité troublée ». Sans oublier l'histoire du mariage, de ce lien, de ce trop, imposé à la mère, comme sera imposé le départ. le hier passé c'est donc l'Algérie.

Le passé moins passé, ce sont les premières vies en France, et des images marquantes, comme cette visite avec le père au bidonville « Là finissait le bidonville. Là aussi commençait l'autre monde, avec sa ville, ses habitants, et ses chaussures propres ». Un récit comme à distance mais des regards chaleureux envers ces deux proches.

Et la lourde fatigue de ces nettoyages « La fatigue m'empêche aussi de réfléchir. C'est le plus terrible. Ma tête se vide, s'assèche, rien à y mettre, rien qui s'y passe, un grand hall vide et froid », l'accablement d'une activité dévalorisante « Et la déprime qui guette, le mépris de soi, la culpabilité ». le quotidien des femmes précarisées et la mémoire des gestes de la mère. Les surgissements des différents passés en miroir « je me vide, c'est sans fin, au fond de l'évier, tu es là, tes yeux noirs immenses me fixent dans l'eau trouble, tes traits peu à peu se mêlent aux miens, tu es là, toi et la répugnante condition dont tu me fais l'héritière »

Et le souvenir du théâtre « Dans ma robe légère, j'aillais rejoindre mon obscurité, ma nuit à moi. J'allais au théâtre ». le théâtre comme activité, comme source d'être, de joie.

Un livre de « celle avec qui on aime parler la nuit », un récit sur ce « seul métier qui donne droit au don d'invisibilité », une histoire de déracinement et d'espoirs relégués dans un tiroir si personnel. Une écriture comme une arête soulignant le non visible, la réduction d'une femme au journalier répétitif, un retour de la lumière à l'ombre.

Une écriture dépouillée qui induit la présence, l'émotion. Des regards de femme sur soi, sur la mère, etc. Peut-être cette femme croisée dans l'escalier, dans le métro…

L'odeur palpable de la souffrance, de l'émotion, du corps travaillant, du quotidien qui se délite ; l'odeur enfouie du théâtre comme espoir. A découvrir.
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la vie épouvantable menant à la dépression de certains émigrés en France surtout de certains Algériens rescapés de la guerre terminée en 1962.
dépression des Mamans, envol d'une fille vers le théâtre puis chômage ...
écriture dépouillée : on entre dans cet univers cruel ; on n'en ressort qu'à la dernière page. à lire absolument. Nous montre aussi le monde des femmes de ménage épuiisant ; je ne veux pas dévoiler l'histoire mais elle est riche


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Hier soir j'ai voulu commencer "L'odeur des planches" de Samira Sédira genre "Juste quelques pages avant de me coucher"... A deux heures du mat', je tournais la dernière page. Je ne peux même pas dire que j'ai dévoré ce livre : c'est lui qui m'a dévorée. Les mots de Samira qui disent la souffrance de l'exil de soi, les mots de Samira qui disent l'amour, qui disent le mépris, qui disent... Non ! Les mots de Samira ne disent pas : ils sont, ils caressent, ils coups de poings, ils percutent, ils font mal, ils.... Mais que puis-je en dire moi de ces mots, avec mes mots ? Simplement que "L'odeur des planches" m'a remplie... Lisez-le ! Vraiment !
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critiques presse (2)
LeMonde
14 février 2014
En ce sens, L'Odeur des planches dépasse largement le théâtre. C'est un témoignage sur la grande crise d'aujourd'hui.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
15 mai 2013
Elle dresse un beau et doux portrait de cette mère dépressive qui avoue, les larmes aux yeux, ignorer comment faire les courses ou signer un papier, et dont le seul luxe était le savon Lux Beauté, à l'odeur aussi tenace, dans la mémoire de sa fille, que celle des théâtres.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
« Grekova : Où avez-vous mal ?
Platonov : J’ai mal à Platonov »
(Ce fou de Platonov, Anton Tchekhov)
...tout un monde résumé en une seule phrase.
J’ai mal à Platonov.
De la douleur d’exister, de la détestation de soi-même, vivre avec soi : le pire des supplices. C’est simple, bref et profond à la fois, d’une extraordinaire limpidité.
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Un dimanche par mois mon père achetait le journal. Il s’asseyait sur le canapé, prenait une respiration profonde, tendait les bras droit devant et l'ouvrait pile au milieu. Il tournait les pages, s'attardait sur chacune d'elles, semblait y pendre plaisir. Un dimanche, il a ouvert son journal à l'envers, avec le gros titre en bas. Il a tourné les pages, s'est attardé pareil, puis l' a tranquillement refermé. Le monde a bien commencé par là, puisque d'emblée il nous a séparés des astres.
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La fatigue m’empêche aussi de réfléchir. C’est le plus terrible. Ma tête se vide, s’assèche, rien à y mettre, rien qui s’y passe, un grand hall vide et froid
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L’homme est le maître de son destin, c’est ce qu’on dit, du moins une partie d’entre nous, car il y aussi les adeptes de la guigne, ces prophètes assommants, ceux, nombreux, qui pensent que les hommes sont les jouets de la fatalité.
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J’ai toujours pensé que le théâtre ne pouvait rien changer à l’évolution du monde, qu’en réalité il ne servait à rien. Mais il était ma vie. L’art nécessaire de l’inutile ; une vie entière consacrée à ça. Il y a dans cette façon qu’ont les acteurs d’être ensemble, une vision commune du monde, un amour commun, le même pour tous : le sens profond des mots, le miracle de la parole lumineuse.
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Videos de Samira Sedira (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Samira Sedira
Samira Sedira "Murmure" 13 avril 2020 "Murmure": instantanés de confinement sur desmotsdeminuit.fr
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