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EAN : 9782746519404
288 pages
Le Pommier (06/11/2019)
3.5/5   10 notes
Résumé :
« Voici sans doute mon dernier livre. Il varie sur les deux origines du mot religion, l’une probable, l’autre usuelle : relire et relier. Il ne cesse, en effet, de relire les textes sacrés tout en cheminant le long des mille et une voies qui tissent le réseau global de nos vies, de nos actes, de nos pensées, de nos cultures. En cela, il conclut quelques décennies d’efforts consacrés à lier toutes opérations de synthèse.À l’âge analytique – celui des divisions, décom... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Relire le relié, c'est comprendre ce « relieur universel » qu'est la religion, et mêler ainsi les deux étymologies du mot. Mais cette relecture n'est pas si simple que ça, tant le propos de l'auteur est elliptique et sibyllin. Michel Serres profite de son érudition manifestement immense pour passer d'une idée à l'autre sans se soucier de justifier pourquoi, laissant au lecteur le soin de réfléchir par lui-même à ce qui rend ces « liens » auxquels l'auteur tient tant si inspirants. de manière significative, l'ouvrage ne contient aucune note de bas de page, aucune référence.

La première partie est consacrée à une reliure verticale entre la terre et le ciel. Y sont décrits des « points chauds » dans lesquels un monde virtuel, fait d'information et de virtualité, se manifeste dans notre monde terrestre. La religion est source d'un grand nombre de « courts circuits » entre ces mondes, et elle dépasse par là en les récapitulant ces mondes d'abstractions créés par la science, le langage et la monnaie. Il s'agit incontestablement de la partie la plus intéressante de l'ouvrage, et aussi de la plus difficile : de nombreuses allusions culturelles et scientifiques s'y alignent, requérant toute la sagacité du lecteur pour être comprises.

Dans la seconde partie, consacrée à la reliure horizontale, portant sur les hommes entre eux, le propos semble moins original, d'abord proche des thèses de René Girard (qui ne sera étrangement nommé que 100 pages plus loin), puis s'apparentant à une critique assez convenue des cérémonies spectaculaires télévisuelles, et finissant par une injonction à l'universalité et à une délivrance par rapport aux déterminismes biologiques qui n'est pas très originale. A ce propos, la critique de la condamnation du mariage homosexuel par l'Eglise, présente p. 172-173, est si légère qu'elle nous donne l'impression que l'auteur se soucie à peine d'argumenter quand il le faut.

La dernière partie, la plus courte et la plus vague, nommée « le problème du mal », se contente de répéter qu'il faut cesser d'analyser et de délier les parties du monde et de la nature humaine entre elles, pour finir par l'espérance d'un plus grand effort de synthèse.

On ne sait s'il faut être agacé ou attristé par l'usage que fait Michel Serres du christianisme. le récit chrétien semble présenté comme le plus inspirant de tous les mythes, qu'il récapitule en les dépassant, et en même temps comme un récit vrai, un récit qui nous délivrera du mal dans le monde. L'auteur reconnait lui-même son indécision :

"Je crois en Dieu, je n'y crois pas ; je crois, pile ; je ne crois pas, face ; pile et face font la même chose et cette pièce, c'est moi. Credo, non credo, recto et verso, qui font la même feuille, et cette feuille, c'est moi." (p. 181)

Michel Serres le dit clairement : toutes ces pages qu'il a pu écrire ne suffisent pas pour lui redonner la foi. « La religion de mon adolescence me manque ; je reste inconsolable de l'avoir perdue. » (p. 213) Ce qu'il y a de plus touchant dans le livre ne réside peut-être pas tant dans son effort pour exposer un contenu sur la religion que dans cet aveu que fait un intellectuel de l'incapacité qu'a sa raison de lui faire croire en la vérité des Evangiles.
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Michel Serres est décédé le 1er juin 2019.

Son dernier livre est bien celui qu'il pressentait être le dernier. Il y traite du fait religieux, considéré sous un angle inhabituel pour nous : la religion serait un phénomène énergétique et non un système dogmatique. Elle se manifesterait comme un arc électrique (un "point chaud") entre la croyance invisible et notre vie. L'éclat alors produit peut être si fort qu'il aveugle les hommes et la trace du choc si profonde qu'elle dépasse le temps de l'Histoire ...

Les références aux évangiles de Jean et de Matthieu sont nombreuses et le regard du philosophe sur l'Évangile éclairant : « La Pentecôte inverse la Passion : ou tout le monde se réconcilie en tuant la victime, ou la même victime, redevenue divine, fédère tout le monde ».

Michel Serres nous offre souvent un regard désynchronisé. Ainsi, à propos du reniement de Pierre, il se demande qui oserait mettre en accusation les serviteurs regroupés au coin du feu qui l'ont interpellé. Il souligne le fait que Jésus, le rural, n'est monté à la ville que pour y mourir alors que Paul, lui, ne voyage que de ville en ville. L'auteur se demande si notre époque, qui a basculé du rural vers l'urbain, ne connaîtrait pas un "nouvel âge axial" par référence à celui survenu des siècles avant Jésus-Christ quand se sont manifestés Confucius, Bouddha et Abraham.

Ce livre n'est pas seulement un recueil d'observations et de considérations sur la religion chrétienne, mais c'est aussi l'interrogation profonde d'un homme sur la religion de son enfance, celle qu'il regrette, aux portes de la mort, de ne pouvoir retrouver dans son entièreté.

Si la lecture du premier tiers du livre est un peu ardue, les deux derniers tiers font de nombreuses références aux repères de culture chrétienne qui balisent et facilitent la lecture des enfants de cette culture. En quelque sorte, après l'ascension, promenade sur le plateau... (Ceci pour rassurer ceux qui, séduit par l'écoute de Michel Serres, ont éprouvé quelque difficulté à le lire dans Petite Poucette).

La religion relie ; le ciel à la terre (axe vertical) et les hommes entre eux (axe horizontal).

Les métaphores empruntées aux mathématiques (intégrale, série de Fourrier, ...), les références allusives à Karl Jaspers, Spinoza et René Girard sont comme secondaires au regard de la prière que l'on trouve en fin d'ouvrage : « Ô Seigneur qui me voit te chercher, ne tarde pas à ouvrir la porte que ma raison ferme. Errant, pleurant, j'attends le changement de signe. »

NB- Il est probable que s'il en avait eu le temps, Michel Serres aurait peaufiné cet ouvrage et en aurait, je l'espère, facilité l'accès au plus grand nombre.
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L'auteur n'a pas eu le temps de réellement relire et réorganiser son écrit (Snif ! Il me manque, vous m'imaginez même pas !)
Les 2 premiers chapitres (200 pages environ) sont plus des notes accumulées qu'un écrit finalisé.
Il y a des redites, des recoupes et une organisation inachevée voire aléatoire.
Certes, cette lecture est complexe et non linéaire (il faut tenter de rentrer dans "sa tête"), mais ses idées sont fortes même non finalisées.
Il tente de rapprocher les histoires religieuses avec la réalité (? car parfois fantasmée) de l'histoire des savoirs.
Il prône la canalisation des énergies négatives (celles de la haine, de la recherche du pouvoir et autres dominations) vers une énergie positive (pour le bien , le bien-être, le vivre ensemble, le collectif...).
Merci à l'auteur !
Ce n'était pas mieux avant, le mieux est devant nous !
Intéressant et motivant, non ?
Amitiés.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Arrêt des coupures, aube des reliures, voilà notre avenir par la sauvegarde du monde.
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Bien nommé, le religieux est le relieur universel ; le divin est cette reliure.
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Certains les nomment génération Y ou "digital natives", les jeunes, (nouvelles ?), générations nous battent à plate couture devant un écran. Moi j'ai préféré les désigner sous le terme générique de ........?........

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