Sabine Sicaud naît le 23 février 1913.
Sa mère publie des poèmes, son père, avocat, se lie d'amitié avec
Jean Jaurès.
La famille habite l'ancien domaine d'un prieuré à Villeneuve-sur-Lot (46).
Sabine vit une enfance insouciante et gaie. Elle écrit ses premiers poèmes dès six ans. À 13 ans elle publie son premier recueil préfacé par
Anna de Noailles.
L'été de ses 14 ans elle se blesse au pied lors d'un bain dans le lot. La blessure dégénère en gangrène des os. La maladie se repend dans tout le corps.
Après une année de douleurs, de fièvres et de souffrances elle meurt le 12 juillet 1928.
Elle avait 15 ans.
voici un de ses derniers poèmes.
Ah ! Laissez-moi crier
Ah! Laissez-moi crier, crier, crier …
Crier à m'arracher la gorge !
Crier comme une bête qu'on égorge,
Comme le fer martyrisé dans une forge,
Comme l'arbre mordu par les dents de la scie,
Comme un carreau sous le ciseau du vitrier…
Grincer, hurler, râler ! Peu me soucie
Que les gens s'en effarent. J'ai besoin
De crier jusqu'au bout de ce qu'on peut crier.
Les gens ? Vous ne savez donc pas comme ils sont loin,
Comme ils existent peu, lorsque vous supplicie
Cette douleur qui vous fait seul au monde ?
Avec elle on est seul, seul dans sa geôle.
Répondre ? Non. Je n'attends pas qu'on me réponde.
Je ne sais même pas si j'appelle au secours,
Si même j'ai crié, crié comme une folle,
Comme un damné, toute la nuit et tout le jour.
Cette chose inouïe, atroce, qui vous tue,
Croyez-vous qu'elle soit
Une chose possible à quoi l'on s'habitue ?
Cette douleur, mon Dieu, cette douleur qui tue…
Avec quel art cruel de supplice chinois,
Elle montait, montait, à petits pas sournois,
Et nul ne la voyait monter, pas même toi,
Confiante santé, ma santé méconnue !
C'est vers toi que je crie, ah ! c'est vers toi, vers toi !
Pourquoi, si tu m'entends, n'être pas revenue ?
Pourquoi me laisser tant souffrir, dis-moi pourquoi
Ou si c'est ta revanche et parce qu'autrefois
Jamais, simple santé, je ne pensais à toi.
Sabine Sicaud,
Les poèmes de
Sabine Sicaud, 1958 (Recueil posthume)