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Minna Sif (Autre)
EAN : 9791030703726
195 pages
Au Diable Vauvert (24/09/2020)
2.71/5   7 notes
Résumé :
" Inna disait souvent : " Nous sommes de passage et merde à la lune ! " Pourtant nous trois, nous ne nous sentions guère de passage.
Un pays, ce n'est pas comme un appartement que l'on quitte pour un autre, clair plus vaste. " Méchamment berbère est la chronique d'une famille d'immigrés marocains, dans le vieux Marseille, au milieu des années 1970. Le pittoresque y côtoie la pauvreté, la tendresse et la folie. Une mère qui assume le quotidien, un père qui aba... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
L'un des bonheurs que nous offre la littérature, est sans aucun doute le bonheur de voyager depuis son fauteuil qu'il soit de salon ou de train vers d'autres horizons, de nous transporter vers d'autres cultures que jamais peut-être nous n'approcherons, ou au contraire de nous préparer à ces rencontres que nos désirons.
Et "Méchamment Berbère" fait partie de ces livres autobiographiques qui nous permettent de connaître une de ces cultures éloignées de la nôtre, une culture que certains même, rejettent avec force et dédain voire avec dégoût...le monde de ces familles d'un autre monde, celui de la pauvreté, celui de ces immigrés originaires d'Afrique du Nord, le monde de ces gamines "mariées à treize ans, enceintes à quatorze et battues à partir de quinze ans", le monde de ces femmes passant leur vie dans leur appartement, entièrement dépendantes d'un Vieux, qui n'a strictement aucune considération pour elles
Un monde dérangeant....un monde glauque qu'on connaît grossièrement à coups de poncifs, de on-dit, un monde source de débats politiques et d'idées toutes faites, préconçues...mais que peu ont approché..
"Quand on est de Marseille, on est condamné à ne plus croire à rien!" écrivait Gaston Leroux
Et pourtant comment ne pas croire Minna Sif?
Babelio et Masse critique m'ont offert ce livre en échange d'un commentaire. Un commentaire qui fera suite à quelques heures de trouble grandissant au fur et à mesure de cette lecture, de cette baffe parfois glauque.
Ecriture coup de poing car elle décrit un monde violent, celui de ces familles venues en France pour fuir la pauvreté de leur Maroc originel, et en découvrant une autre encore plus violente, celle de ces immeubles sordides dans lesquels vivent aux cotés des rats, ces hommes, responsables de familles, qui plaqueront femmes et enfants, sans état d'âme, pour courir vers une gamine qu'ils plaqueront plus tard,elle aussi, quand son ventre sera déformé par les grossesses qui suivent les grossesses, quand ils en auront marre de lui balancer des claques chaque fois qu'elle osera le contredire.Ces hommes qui captent les allocations familiales pour construire une maison au Maroc.
La vraie héroïne de ce texte, ce n'est pas un roman, c'est Inna, la maman en langue berbère, faite pour enfanter et tenir le foyer et plaquée pour une plus jeune par le vieux qui l'avait eue alors qu'elle était encore ado.
Inna qu'on admire !
"Elle nous a tirés du tiers-monde sans nous accoler la fameuse étiquette d'enfants d'immigrés prêts à un emballage d'infortune."
Comment ne pas être perturbé par ces phrases et cette langue brutes, sans aucune rondeur ni douceur...mais comment comment parler de la brutalité de cette vie sans employer cette langue...il y aurait un décalage incompréhensible !
Comment ne pas être ému par cette crasse, par ces fils et frères qui sont sortis de cette fange et qui dorénavant la regardent avec dédain, elle et ceux qu'elle habille, par ces femmes répudiées ou mises dans ces bordels crasseux, par ces superstitions d'un autre temps, par ces gamins placés par les services sociaux, et par ces promenades dominicales dans les beaux quartiers pour découvrir un monde inconnu qui fait rêver....
J'ai été percuté par cette écriture coups de poings...Au pluriel. Ému par ces femmes seules personnages auxquelles le roman rend hommage. Tout le travail, tout le peu de bonheur reposent sur elles. Les hommes sont jetés au pilori. Comment pourrait-il en être autrement quand on lit leur faible considération, pour leur épouse kleenex qu'on peut jeter à la rue, à tout moment ?
Il est bon de lire ce qui se passait dans ces tours et ces barres d'immeubles des quartiers dans lesquels on n'ose s'aventurer. Est-ce toujours d'actualité ?
Au moins faites le depuis votre fauteuil... au risque d'être dérangé, fortement perturbé par ces portraits de femmes et de familles déracinées abandonnant lentement leurs traditions pour l'émancipation.
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Premier roman de Minna Sif, Méchamment berbère a été publié en 1997. Il est ici repris dans Les poches du  Diable ( Au Diable Vauvert). le récit, narré par l'une des trois soeurs ( ce "nous" persistant") est axé autour des femmes de la famille berbère : la mère, Inna (=maman en berbère) et les fameuses trois soeurs, "méchamment" surnommées le Chameau, le Tonneau et la Merguez par le père qui sait à peine les distinguer et les considère donc comme une entité. Tout l'immeuble dans lequel vit la famille de la narratrice repose sur une dynamique féminine puisque les pères et maris sont absents.    Fuyant devant les responsabilités, ils sont partis sans laisser d'adresse,  ils ont parfois une autre famille ailleurs et ne donneront plus ou si peu de nouvelles.   Ou bien,   ils sont décédés suite à des accidents de travail.   Les frères ne sont pas mieux. Ainsi, les deux frères aînés des narratrices : l'un a changé de vie, changé de nom, reniant sa culture berbère, dénigrant aussi sa famille,  l'autre souffre de troubles psychologiques et ne veut pas se faire soigner, restant un poids pour la mère.
Quant au père, le Vieux, il n'existe que par le souvenir de la narratrice  puisqu'il a
rapidement abandonné sa famille à Marseille pour s'en retourner au Maroc. Il symbolise l'ancrage dans la culture traditionnelle.
Les femmes, elles, se tournent vers l'extérieur, vers ce nouveau pays, cette nouvelle culture  -- les enfants font le lien entre les deux cultures. Les femmes constituent l'ouverture.
L'immeuble peuplé de femmes et d'enfants est situé -- et c'est amusant de le noter -- au 15 bd des Dames à Marseille. Encore un élément féminin.
Inna (maman) est donc le pilier de la famille, celle qui intervient durant les bagarres. Elle jure, elle a une stature puissante, une force de caractère forgée par une vie qui ne fait pas rêver : "mariée à 13 ans à un homme de vingt ans son aîné, enceinte dès la première année, mère de cinq enfants, battue, abandonnée par son mari qui prend deux autres épouses encore plus jeunes qu'elle. "
Pourtant, Inna, une fois seule avec ses enfants, va se débrouiller. Et plutôt bien.  Une fois le mari parti, une fois la violence disparue, elle va prendre les choses en mains, en femme indépendante, bataillant même avec la paperasse et l'administration française.
Il faut ajouter qu'elle ne sait pas lire, comme la plupart des femmes immigrées de cette époque, et que ce sont ses filles qui se chargent de toutes les traductions. le récit est riche et malicieux, parfois drôle. La langue est habile, maîtrisée et agile. J'ai adoré l'utilisation par petites touches des termes en arabe dialectal et en berbère (il y a un lexique pour les personnes qui ne comprennent pas -- et surtout, le texte n'en abuse pas si cela fait peur).  Méchamment berbère est un récit passionnant, souvent poignant.
(merci à Babelio-Masse Critique et les éditions Au Diable Vauvert pour cette lecture)




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Minna Sif chronique une période précise : la fuite d'un père lâche, qui concentre tous les défauts possibles et le portrait d'une mère qui doit faire face, dans des conditions de pauvreté, avec ses deux garçons et ses deux filles. le roman nous plonge dans le quartier de la porte d'Aix, avant la destruction des vieux immeubles. Ce qui aurait pu être un mélodrame ressemble souvent à une farce sociale. L'humour est acide, jaune, cynique, omniprésent. La langue est riche, aux forts contrastes, parfois proche du parler, vulgaire, et souvent lyrique, torturée, hachée, poétique au risque de rebuter certains lecteurs. Au final, la honte des origines, du milieu, semble l'emporter sur les espoirs déçus, sur un ton doux-amer, sans pardon. Minna Sif a dans ce roman réussi à capturer l'essence d'un entre-deux monde, dont il est difficile d'en sortir indemne, mais dont on peut apprécier toute la richesse.
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Un livre vivant, troublant, inventif, joueur avec le langage, poétique et cru, ce qui permet de transmuter une enfance terriblement pauvre et marquée par la violence du père, du frère. Un livre où le concentré de tomate sur du pain est la seule confiserie, - sauf quand on arrive à taxer la moitié du goûter des petites bourges de l'école, la moitié, hein, on n'est pas des sauvages.
Les narratrices, les trois filles d'Inna, "maman" en berbère racontent en utilisant un "on/nous" qui ne les distingue pas, - sauf à la fin. Elles font parler leur mère au style indirect libre, et la parole maternelle se trouve ainsi incorporée à la parole des filles. Quant aux frères ... il y a celui qui a réussi et qui veut à la fois montrer sa réussite, et ne pas côtoyer de trop près son passé. Et il y a le frère devenu violent, délirant, avec de très déchirantes pages sur la place du fou dans notre société. Quant au père, le "vieux", après des années de violence, il abandonne sa famille et part construire une maison au Maroc pour une nouvelle jeune épousée, avec les allocs de ses enfants. Et il vide entièrement leur appartement, dévissant jusqu'aux ampoules...
Une histoire sur des émigrants, sur les femmes d'un immeuble insalubre de Marseille, sur une culture autre, mais aussi et surtout une image de notre société, de nous, ici et au-delà de la Méditerranée.
L'écriture m'a un peu fait penser à La vie devant soi de Romain Gary, en plus "naturelle". Un livre poignant qui nous fait rire quand nous devrions pleurer.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
[Les narratrices ne veulent plus aller chez leur frère aîné enrichi qui les méprise et l'ont dit à leur mère, qui refuse de les entendre]
Aussi quelle impudence de venir lui couper les cheveux en quatre avec un tas de méchantes histoires ! Et merde à la lune ! Si elle ne pouvait plus disposer de son cœur comme elle l'entendait. Son aîné, elle l'aimait plus que sa propre peau. Elle lui faisait cadeau de toutes ses divagations de Maghrébin honteux (...). Plus souvent qu'on vienne lui dicter ses sentiments de mère. (...) Faudrait voir nous autres à nous tenir tranquilles, on avait pas encore l'âge d'afficher la couleur de nos idées.
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