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Michel Deutsch (Traducteur)
EAN : 9782070336647
304 pages
Gallimard (21/06/2007)
3.5/5   52 notes
Résumé :
Duncan Chalk est à la tête d'une entreprise de divertissements florissante, les plus grands sites touristiques lui appartiennent, et il a la particularité de se nourrir des émotions et des souffrances d'autrui.
Afin d'assouvir ses appétits et ceux d'un public toujours plus avide d'images-chocs, il met sous les feux des projecteurs deux êtres brisés, deux monstres que tout sépare : Lona Kelvin, une adolescente de dix-sept ans à qui on a prélevé des centaines d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« Les gens ont besoin les uns des autres. Pour s'entredévorer, aussi bien. »

Robert Silverberg résume ainsi, en postface, sa nouvelle « Les Mouches » de l'anthologie bavarde d'Harlan Ellison Dangereuses visions. Ce court texte tourne autour de Cassiday, un astronaute capturé par des extraterrestres qui décident d'opérer sur lui des améliorations afin de le rendre « plus réceptif aux sentiments de [ses] semblables ». de retour sur terre, il va expérimenter ces nouvelles capacités auprès de ses proches et ainsi goûter leurs souffrances.

Silverberg reprend ce point de départ dans Un Jeu cruel, en dédoublant le personnage de Cassiday : Minner Burris, l'astronaute reconstitué, devenu un monstre aux yeux de ses semblables, et Duncan Chalk, un magnat de l'industrie du spectacle qui se nourrit des émotions d'autrui. Chalk hérite du pouvoir de Cassiday — le vampirisme. Burris de sa malédiction — l'isolement. Entre eux, Silverberg introduit un autre être isolé : Lona Kelvin, une jeune ingénue, la vierge aux cent bébés nés in vitro.

L'intrigue est simple : Chalk espère que la confrontation entre deux êtres de souffrance — Lona et Minner — va donner lieu à un divertissement de télé-réalité rentable, tout en le nourrissant de nouvelles sensations exquises. Il organise donc leur rencontre et leur lune de miel stellaire, le tout sous les feux des caméras.

A l'instar des « Mouches », Un Jeu cruel se dévoile peu à peu comme un roman sur le besoin des êtres à s'entredévorer. Ce postulat ne s'appuie pas uniquement sur le don surnaturel de Chalk mais aussi sur le vampirisme psychique inné de l'humain ; sur sa capacité à rechercher et provoquer la souffrance. Ainsi, la relation Burris/Kelvin s'inscrit comme un jeu de cactus où chacun y va de son épine pour faire souffrir l'autre (le titre américain du roman est Thorns, épines). La souffrance de l'autre devient un moyen d'évacuer sa frustration, sa propre souffrance.

Silverberg se sert de Chalk, de l'utilisation de cette relation conflictuelle en divertissement populaire, pour étendre ce vampirisme à une plus vaste audience. le public se nourrit du sang qui jaillit de ces piqûres d'épines. Il n'est pas venu voir/goûter une histoire d'amour entre deux êtres télégéniques, mais il est venu les voir/goûter leurs souffrances. Un Jeu cruel s'inscrit donc comme un roman cruel mais aussi dangereux au sens où Ellison l'entendait. Silverberg utilise la science-fiction, et son cortège d'extravagances — ce sera un des derniers romans de l'auteur encore empreint de l'héritage de l'Age d'Or — pour pousser à son paroxysme ce culte de la souffrance, du cannibalisme intra-espèce. Elle lui permet d'imaginer des souffrances toujours nouvelles. Toujours plus intenses.

Silverberg met en perspective et sur une croix la société humaine et son goût du spectacle permanent (en historien appliqué, il n'a pas oublié les jeux du cirque romains), ainsi que l'instinct de chaque être à causer du tort, avec ou malgré lui.

Ce type de conflit relationnel deviendra une base de départ récurrente des oeuvres à venir de Silverberg — ses héros s'interrogeant en permanence sur leurs relations aux autres et sur leurs manières de les affecter. Silverberg se met également en danger et inscrit de fait sa science-fiction comme une littérature définitivement dangereuse (cf. la postface susmentionnée : « Aucune excuse n'est offerte. Aucun alibi. Rien qu'une histoire, une vue de l'esprit, une fantaisie sur les temps à venir et les autres mondes. Rien de plus. »). Silverberg met en scène ses personnages : ce n'est pas Chalk, c'est Silverberg qui trame la rencontre Burris/Kelvin. C'est lui qui perçoit leurs souffrances, et qui est le vecteur/vampire de leur retranscription vers les lecteurs — lecteurs qui n'ont sont pas moins voyeurs de ces souffrances. Chalk est autant le jouet de Silverberg que Minner et Lona sont les siens.

Cependant, au-delà de cette froideur désincarnée — et incarnée par un Burris de marbre — se trouve une échappatoire pour les personnages, les humains et Silverberg C'est ce que paraît introduire le personnage de Lona — une innocence, une naïveté. Son geste maladroit d'offrir un cactus à Minner démontre une volonté de comprendre l'autre. A l'instar du vampirisme, l'empathie est une capacité innée de l'humain. La compréhension, l'effort et l'union de Minner et Lona finiront par inverser la courbe de la destruction et se jouer du flux vampirique.

Cette compréhension mutuelle a nécessité une compréhension de soi, une acceptation de ce que l'on est afin d'accepter ce que l'autre est.

le leitmotiv du roman, « la douleur est instructive », prend ainsi son sens : les épines deviennent la preuve de l'existence, l'affirmation de soi ; je souffre donc je suis.

Roman charnière dans la carrière de Silverberg, premier roman de sa phase sombre, écrit en dix jours, Un Jeu cruel est la première dangereuse vision long size de son auteur. Elle surpasse une genèse d'oeuvres S-F mineures (mais pas inintéressantes pour autant) et pousse l'oeuvre de Silverberg vers une maturité, une prise de risques et une prise de conscience de sa fonction. Elle pose également les bases du fil directeur de ses oeuvres à venir : l'acceptation du monde, des autres, de soi et du changement. En cela, Un Jeu cruel est le premier roman via lequel Robert Silverberg trouve un sens à sa science-fiction et en devient l'un des auteurs majeurs du XXe siècle.

Arkady KNIGHT
dans Bifrost 49
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Robert aime brouiller les pistes dans ses romans. Un jeu cruel ne déroge pas à la règle. On part pour lire un livre de science-fiction sur la société du spectacle, avec un peu de téléréalité avant l'heure et des extra-terrestre très méchants et au final, on lit une histoire de couple assez proche de la réalité : la rencontre, provoquée par un personnage qu'on aurait pu croiser dans la saga Dune, la naissance des sentiments mais aussi les conflits.
Lui est un être modifié génétiquement par des extra-terrestres fous et elle une victime d'expérience à grande échelle de fécondation in-vitro. Ils vont vivre une rencontre et connaître les différents stades de l'attraction entre deux êtres.
Un peu compliqué de rentrer dedans mais au final un roman agréable à lire !
Lecture réalisée dans le cadre du Challenge Silverberg.
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J'ai l'impression de me répéter avec Silverberg, mais quand je tombe sur un de ces livres, il n'y a que deux options : soit c'est vraiment très bien, soit on ne le relira jamais.

Un Jeu Cruel entre malheureusement dans la seconde catégorie. 2 êtres blessés, fracturés, traumatisés, qui, sous la houlette d'un pervers, vont se rencontrer et être obligés de cohabiter pour voir si leurs malheurs vont les rapprocher.

Au final, si on retire les extra-terrestres, les manipulations génétiques, les voyages dans l'espace, ce roman n'est pas vraiment de la S-F, plutôt un roman dramatique, et j'ai même envie de dire que si Silverberg ne s'était pas embourbé dans le rayon SF, il aurait pu trouver une autre fin à son roman, plutôt que celle navrante, vieillotte et dépassée qui se retrouve ici.

D'accord, le roman date des années 60, donc pas mal de choses sonnent datées, notamment les relations hommes-femmes, même si j'avoue que certains passages m'ont rappelé le souvenir de certaines relations personnelles douteuses, signe que, finalement, soit l'auteur a injecté une part de son histoire dans ce couple, soit il manifeste tout de même une finesse psychologique qui s'avère assez souvent absente dans le reste du récit.
Restons sérieux tout de même : le mâle paternaliste et la petite gourde, en 2016, le schéma commence à être un peu lourd et nuit considérablement à la crédibilité de cette histoire d'amour.

Bref, un faux roman de SF un peu long, un peu pénible, pas complètement mauvais, mais que personnellement, je ne relirai jamais.
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Ils sont deux paumés , cabossés par des évènements improbables : Lana ,la vierge aux cent enfants et Minner l'astronaute customisé par des ET sadiques . Bêtes curieuses , monstres de foire , ils tombe aux mains de Duncan Chalk , une sangsue (don il a le physique) psychique qui se repaît des souffrances morales qu'il leur inflige. Arriveront-ils à échapper aux manigances de ce sinistre marionnettiste ? Un des bons romans de Silverberg qui peint un futur utopique dont la soupape de sécurité est le divertissement ,sous toutes ses formes.
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La SF est un prétexte dans ce roman. Robert Silverberg nous livre un affrontement entre des mondes divergents, une lutte de modèles de société, de modes de vie.

Robert Silverberg nous donne à voir une série d'écorchés vifs, physiques ou psychiques. Des douleurs internes et externes. Mais il aborde aussi les aspects de la vie en société, du sens de l'existence, et de l'orientation que nous voulons lui donner.

En ce sens, c'est un grand roman. Un coup de poing dans la figure. Un plaidoyer pour une société vivable, où l'humain est au centre, pas l'instrument dont une minorité favorisée peut se servir, user et abuser. Roman visionnaire compte tenu de l'année de son écriture.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Les gens ont besoin les uns des autres. Pour s'entredévorer, aussi bien.
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Ses bras et ses jambes étaient rattachés de manière bizarre à son tronc et n'étaient pas exactement à leur place. Son thorax était trop large par rapport à ses hanches .Ses genoux n'avaient pas de protubérance rotulienne et , quand il bougeait, ses muscles ondulaient de manière singulière.
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Ancienne colonie, la planète Belzagor a été rendue à ses deux espèces intelligentes. Des scientifiques décident d'assister à leur rituel secret, la cérémonie de la renaissance... Dessin : Laura Zuccheri Oeuvre originale : Robert Silverberg Scénario : Philippe Thirault
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