Jonas, journaliste à ses heures, divorcé, chômeur, au bout du rouleau se voit contraint d'accepter un poste d'instituteur dans un petit port du nord de l'Islande, bien qu'il n'ait jamais enseigné. Au moins, pense-t-il, il aura du temps pour lire et il pourra enfin échapper à l'hypocrisie de la capitale!!
Pourtant, malgré les promesses de son cousin, les choses ne s'engagent pas aussi bien qu'il l'aurait espéré: le logement promis n'étant plus disponible, Jonas devra habiter chez son directeur, homme peu sympathique, en tout cas aux yeux de Jonas, passablement amer au vu de la tournure des événements. A moins qu'il loue l'appartement proposé par Maria, la prof de dessin...
Mais Jonas ne va pas tarder à découvrir que la vie à la campagne est bien moins paisible qu'il ne l'avait supposé. Maria lui révèle qu'Halldor, son prédécesseur, n'est pas parti à Copenhague, comme tout le monde semble le croire, mais qu'il a été assassiné par Bjorn, son frère. Que croire? Que faire? Où est Halldor? Pourquoi est-il parti brusquement, en laissant toutes ses affaires? Et que penser des naufrages, des incendies à répétition, de la mort du mari de Maria et de sa mère? Jonas décide de mener une discrète enquête sans réaliser qu'il s'engage sur une route emplie de périls...
Comme souvent chez les auteurs scandinaves, et particulièrement les romanciers islandais, le décor constitue un élément important du récit: "Le car se traînait sur une route étroite, boueuse, bordée par la paroi abrupte de la montagne. le brouillard noyait les contours du paysage et, faute de repères, renforçait l'impression que le car était en train de chuter dans un vide sans fin...Je clignai des yeux et collai mon visage à la vitre maculée de boue pour regarder au dehors. le parapet d'un pont vétuste défila devant moi. Au-dessous dévalait un torrent bouillonnant." (Page 19).
Litla-Sand, petit village de pêcheurs édifié sur les dépôts de sable entre la mer et les laves échappées du glacier formant deux langues en forme de fer à cheval, séparée en deux par un torrent qui serpentait au fond d'une profonde ravine avant d'atteindre la grève. "Côté ouest, on avait édifié une très longue digue renforcée par un enrochement, et c'est là que venaient accoster les bateaux de gros tonnage. Au bout de la digue était le phare. Les maisons étaient disposées au tour du port ou s'étageaient le long du torrent." (Page 31). => Voilà le décor peu accueillant dans lequel débarque Jonas plein d'espoir.
Bientôt, Jonas se rendra compte qu'ici comme ailleurs les rapports de pouvoir entre les individus sont la base de la vie du village. "Les gens sont où ils doivent être, répond l'homme, flegmatique. Les hommes en mer, les femmes à l'entrepôt frigorifique et les lardons à l'école. Ceux qui ne travaillent pas ce sont les malades qui sont au lit ou les morts qui sont au cimetière." Tout est dit !!
Le fait est que l'état d'esprit qui règne dans le village ne va certainement pas le rassurer: Bjorn et ses amis détiennent "la majorité dans toutes les administrations, tous les conseils et toutes les commissions de la région...Ils se vautrent dans le satin et dans la pourpre, tandis que les petits gens vendent des lampes et des ampoules électriques dans les ténèbres du désert." (Pages 99-100).Le fait que les perspectives d'avenir pour les jeunes du village se bornent au pont d'un navire de pêche ou au carrelage de l'entrepôt frigorifique rend inutile de les envoyer à l'école plus que nécessaire. Ils deviendront ainsi des hommes plus faciles à manipuler.
La vie de Litla-Sand est rythmée par les rancunes et les querelles. Ici, c'est la richesse" qui fait la loi. Il était évident que ceux qui possédaient les moyens de production décidaient et régentaient tout. Habituellement, cela se faisait avec un large sourire, ou cela entraînait une hostilité ouverte. L'emprise de Bjorn et de sa clique sur la ville était aveugle. Mais tout aussi aveugles étaient la jalousie et la haine de certains qui étaient toujours prêts à lui nuire à la première occasion." (Pages 161-162).
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Le cadavre dans la voiture rouge", unique roman policier d'
Olafur Haukur Simonarson, est un roman bien plus noir qu'il n'y parait, passant au crible d'une plume acérée la société islandaise, dénonçant ses défaillances, ses défectuosités qui ont nourri les rancoeurs de ceux qui ont cru que, sur cette île sculptée par ses glaciers, une vie moins conventionnelle, plus authentique serait possible. Ici, l'enquête policière sert de prétexte à l'analyse sociologique. Ce qui ne le rend pas moins intéressant, ni moins captivant, bien au contraire...Et nous donne l'occasion de découvrir des paysages fabuleux !!