Certains livres, qui pourtant s'avèrent être bons et bien écrits, ne parviennent néanmoins pas jusqu'au bout de leur propos.
Un roman peut-il être empêché ?
C'est, je crois, le cas de ce dernier roman de
Gilbert Sinoué, "A l'aube du monde" qui est paru en mai 2023 aux éditions "Robert Laffont".
Entre rivalités et transmission, la longue marche du clan des Mahalis les mènera des confins de l'Histoire jusqu'à la porte de l'espace du centre spatial de Taneghisma au Japon ...
Ce roman est agréable à la lecture.
Mais très vite, passées les premières pages, une sorte de gêne, légère au début, s'y installe, comme une sorte de décalage entre le son et l'image.
Question de temps !
Question d'âge !
Certaines parties des dialogues résonnent faussement comme ce mot "semailles" qui arrive tout juste quelques minutes après la première graine plantée.
De plus, le propos n'est pas parvenu à s'arracher des préoccupations et des formes contemporaines à l'auteur du livre ... y sont mêlées des réflexions typiques des temps que nous vivons :
Un enfant, par exemple, demande à son père s'il peut aller jouer ...
Une femme, Larama, a donné son corps pour conserver le feu au clan, et la réflexion postérieure de Kaloum, son homme, écartelé entre l'honneur et le sacrifice, semble déplacée et incongrue.
Et surtout ce que peut en dire postérieurement Sahar, l'ancien du clan, semble contenir en plein une forme de féminisme qui apparaît comme totalement anachronique.
Plus grave, l'odyssée manque de souffle, de force et de corps.
La tribu progresse au fil des des découvertes et des inventions, des émotions premières et des sentiments nouveaux.
C'est souvent bien amené, mais parfois trop vite posé dans le récit.
De plus quelques tableaux reportent la lectrice, le lecteur, presque malgré eux à des références qui portent ombrage à la force de conviction du roman de
Gilbert Sinoué :
- le chef des Khazams se nomme Hô comme le chaînon manquent de Picha ...
- le collier de coquillages porté par Kaloum, le chef, est promis à son fils Gam, et l'on ne peut s'empêcher de songer à Rahan, fils de Crâo le sage ...
Il me semble même avoir croisé un personnage dont le nom sonnait quelque peu comme celui de Tounga ...
Au final, si ce roman se lit avec plaisir, il ne tient pas les promesses faites sur la couverture et sur sa quatrième.
Il ne viendra pas faire date, je crois, ni dans le genre où il aura prétendu s'inscrire, ni dans l'oeuvre riche et talentueuse de
Gilbert Sinoué ...