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EAN : 9782749108254
128 pages
Le Cherche midi (26/06/2006)
3.33/5   3 notes
Résumé :
Les entretiens qui composent ce livre ont été menés sur cinq ans.Aujourd'hui, ils apparaissent comme le prolongement naturel du dernier roman de Philippe Sollers, Une vie divine (Gallimard), dont le personnage principal est Nietzsche.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Vincent Roy : Prenons, si vous le voulez bien, les premières lignes de La Fête à Venise, un roman que vous publiez en 1991 : « Comme toujours, ici, vers le dix juin, la cause est entendue, le ciel tourne, l’horizon a sa brume permanente et chaude, on entre dans le vrai théâtre des soirs. II y a des orages mais ils sont retenus, comprimés, cernés par la force. On marche et on dort autrement, les yeux sont d’autres yeux, la respiration s’enfonce, les bruits trouvent leur profondeur nette. Cette petite planète, par plaques, a son intérêt. » Voilà une écriture poétique ! Comment se produit cette écriture ?

Philippe Sollers : Premièrement, il est dit que c’est « ici ». Où ? On ne sait pas ... Et que c’est « comme toujours », c’est-à-dire un temps immémorial. Ensuite, il y a le dix juin. Nous sommes donc dans une saison. Le début de l’été. Il y a une accumulation de temps, une précision de lieu (ici et maintenant). « La cause est entendue » : qu’est-ce que ça vient faire là ? Quand on dit qu’une cause est entendue ... bon ... c’est réglé, évident, bouclé. Mais « entendue » ? Quelque chose passe aussi par l’oreille. Puis il va y avoir une série de propositions où les cinq sens vont être convoqués ... La nature est un temple où de vivants piliers ... Qu’est-ce que la poésie ? C’est, en effet, forcément, un appel à la coalescence des cinq sens. Il y a très peu de choses, dit Lichtenberg, que nous pouvons goûter avec les cinq sens à la fois. Ce qui est une façon insidieuse, sournoise, très efficace, de dessiner l’acte érotique lui-même où les cinq sens jouent. Ou alors ça veut dire qu’on n’a jamais fait l’amour ...

Donc, « Comme toujours, ici, vers le dix juin, la cause est entendue ... » La cause, c’est ce qui fait signe comme étant bouclé. « Le ciel tourne, l’horizon a sa brume permanente et chaude, on entre dans le vrai théâtre des soirs. Il y a des orages mais ils sont retenus, comprimés, cernés par la force. » Ces orages ne débordent pas, ils sont vite réglés, ce qui peut laisser supposer qu’on est à Venise. Qui a vécu à Venise (et j’y ai vécu au printemps et en automne, pendant quarante ans, parfaitement incognito) connaît ces phénomènes. « On marche et on dort autrement, les yeux sont d’autres yeux », changement de vision, « les bruits trouvent leur profondeur nette », oreille. « Cette petite planète ... », qui rime avec « nette » sans en avoir l’air, « par plaques, a son intérêt ». « Par plaques », qu’est-ce que ça signifie ? Que dès ce moment-là, on va être dans une représentation d’intervalles. Il y a deux idées : d’abord que la planète est en cours de mondialisation donc qu’elle est invivable pratiquement partout mais que, malgré cela, par plaques - il s’agit de déterminer les endroits, les sites -, ça va être brusquement vivable, c’est-à-dire susceptible d’avoir une éclosion, un fleurissement ... Vous avez ça dans tous mes livres : on se met dans un lieu, on forme une société plus ou moins discrète et on laisse fleurir la situation. Immédiatement, vous êtes dans un angle philosophique ... « Cette petite planète, par plaques, a son intérêt. » Cela veut dire que va arriver la philosophie du Jardin ... Épicure. Les dieux sont des animaux indestructibles et heureux ... , n’est-ce pas, mais les dieux ne sont plus là. Parce que la poésie sans les dieux, non, ça n’existe pas. Si vous poursuivez mon texte La Fête à Venise, vous voyez apparaître Neptune...
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« Chinois » : d’abord parce qu’il y a maintes occurrences chinoises dans mes aventures à Venise, à commencer par le fait qu’on arrive à l’aéroport Marco-Polo, le premier Occidental à avoir donné vue sur la Chine. Mais aussi parce que je raconte l’irruption en 1969, à l’automne, d’un bateau chinois sur la Giudecca (si j’avais eu une caméra, ça aurait été amusant de le filmer comme un appendice au Cuirassé Potemkine), donc un bateau couvert de drapeaux rouges (on est en pleine Révolution culturelle), vision étrange. Une voix, haut-parleur, tous les marins sur le pont ... Cette voix appelle la population de Venise à l’insurrection immédiate. Contre le capitalisme, cela allait de soi, mais surtout, ce qui était considéré à l’époque comme un blasphème épouvantable, contre le Parti communiste italien dont l’officine se trouvait là, sur les quais. C’est l’époque où les partis communistes occidentaux (français et italiens) sont d’une puissance considérable, ce que tout le monde a tendance à oublier. Il y a ici une question qui a l’air politique mais qui en fait ne l’est que si on se réfère à l’histoire et à son envers, à savoir : quel a été exactement mon rôle dans toutes ces affaires ? « Chinois discret », c’est presque un autoportrait d’époque. C’est-à-dire que personne, à ma connaissance, n’a jamais su ce que je pouvais faire en dehors d’écrire beaucoup à Venise ou en Italie.
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« On ne va pas s’appuyer sur des textes érotiques, comme le font les libertins [...]. Il ne s’agit pas du tout de redoubler, mais de faire jouer la contradiction. La contradiction étant ce qu’elle est, on la franchit en montrant à quel point l’histoire religieuse et philosophique de l’humanité est non seulement collée à cette affaire (dite « sexuelle »). Mais chaque fois tout à fait à côté de la plaque. Il ne faut pas ignorer la plaque, il faut montrer où elle est. Bien entendu, ce que je propose là est très à contre-courant de toute manifestation, ou utilisation, de l’érotisme industrialisé, qui est tombé dans le marécage qu’on connaît. »
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« Ce qui « a été » ne passe pas. C’est pour toujours. C’est à l’instant même où on en parle. Ce n’est donc pas dans le passé. Mozart n’est pas un musicien du passé. Le XVIIIe siècle est interrogé dans son coeur comme quelque chose qui dure. Il faut bien comprendre cela sans quoi on est dans l’historiographie et pas dans le coeur des choses. »
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Cette citation illustre l’art du paradoxe cultivé par Ph. Sollers. Figure de style efficace et non gratuite. Ici, elle introduit une question de Truffaut à Hitchcok « Est-ce que vos films ne portent pas tout un poids de culpabilité ? il pense à I confess avec Montgomery Clift, qui joue un jésuite. »
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Vidéo de Philippe Sollers
Dialogue autour de l'oeuvre de Philippe Sollers (1936-2023). Pour lire des extraits et se procurer l'essai SOLLERS EN SPIRALE : https://laggg2020.wordpress.com/sollers-en-spirale/ 00:04:45 Début
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