La faute à l'avalanche de livres qui ne cesse de croître et d'encombrer ma table de nuit, mon lit et le dessous de mon lit, j'ai passé quelques temps sans prendre de nouvelles du jeune Jim Hawkins. Ici, ça se compterait même en années.
Puisqu'il faut noter les livres, et bien que je trouve toujours délicat de discerner ce qu'on évalue, je conserve les cinq étoiles depuis longtemps attribuées.
Lorsque j'ai lu ce roman pour la première fois, j'avais dix ou onze ans. L'amiral Bembow et la fameuse litanie de l'aveugle battant le pavé, tout me paraissait authentique et bien meilleur que n'importe quel film ou série qui traitaient de la piraterie. J'étais le jeune Jim et moi aussi, je craignais Silver autant qu'il me fascinait. En fait, dans l'esprit de
Stevenson qui destinait
l'île au trésor à son jeune neveu (en fait, le fils de sa femme), je tombais pile dans la cible. Oh, bien entendu, à l'époque je n'avais que faire du style, du narrateur et de la concordance de l'action. Non, je voulais découvrir le trésor et mater la mutinerie. le roman faisait absolument sens pour moi.
Maintenant que je lis à nouveau, mon regard, élargi, se porte autant sur le roman de
Stevenson que sur le Moonfleet de Falkner ou
l'Ancre de miséricorde de
Mac Orlan. J'ai la vue plus large même si, autant l'avouer, je vois moins bien. Pour autant je peux plus facilement juger des qualités littéraires indéniables de l'Île au trésor.
Comme je l'expliquais, il y a d'abord ce coup de génie, cette immersion franche et totale dans l'histoire puisque nous la vivons par les yeux du jeune Jim Hawkins. Il est aussi naîf que le lecteur et même si étonnamment courageux pour son âge, ses nombreuses bévues font avancer le récit et renforce sa position dans l'histoire.
J'imagine que des cohortes d'universitaires ont déjà disserté sur le sujet et je n'ai pas grand chose de plus à dire, sinon que l'immersion opère dès les premières pages. Celles-ci sont d'ailleurs indéniablement les meilleures du roman. Je parlais de l'aveugle, Pew, mais il y a aussi l'ouverture du coffre, le vieux capitaine Billy Bones et son addiction au rhum, la tache noire ! La situation de huis-clos où l'on sent l'Amiral Bembow vibrer sous la pression de la piraterie. La première partie est magnifique.
Mon regard de presque quarantenaire oppose un autre sentiment à la suite du roman que je trouve plus décousue et dont on dirait presque qu'elle a été écrite au fil des mots, à mesure que l'intrigue faisait sens dans la tête de
Stevenson. Je me garderais bien de dire qu'elle est vacillante ! Non, elle se tient, mais aurait gagné à être plus massive dans certains passages : notamment le voyage en mer complètement éclipsé ou le récit de Ben Gumm un peu expédié.
Pour le reste, l'Île au trésor reste un fameux roman d'aventure auquel peu de livres peuvent se targuer de rivaliser en terme de forme et de contenu. Bien entendu, des yeux adolescents sont préférables à qui voudrait en profiter pleinement.