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EAN : 9782841621057
334 pages
Editions de l'Eclat (27/01/2006)
4/5   3 notes
Résumé :
Sur le "Banquet" de Platon est le premier grand ouvrage inédit de Leo Strauss (1899-1973) paru depuis plus de trente ans. Ce cours a été prononcé à l’automne 1959 à l’Université de Chicago. Il a circulé depuis sous forme dactylographiée et s’est transmis d’une génération d’étudiants à l’autre.
Il montre Strauss au mieux de sa forme, avec le style d’analyse subtile et quelquefois contournée qui a suscité presque autant de commentaires que le contenu de sa pen... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Bien que le Banquet de Platon ne semble pas constituer un texte explicitement politique, Léo Strauss, reconnu surtout comme spécialiste de la philosophie politique, lui accorde tout son intérêt en tant que « la lutte de Socrate avec la poésie est le Banquet » et qu'à partir de ce point, la réflexion sur les critères permettant de distinguer le droit positif du droit naturel pourraient être précisés. Par ailleurs, et puisqu' « en dernière analyse, […] on ne peut pas penser avoir totalement compris un dialogue quelconque de Platon si l'on n'a pas compris tous les dialogues », le Banquet pourrait nous servir à mieux comprendre la République, le Phèdre, Gorgias, les Lois, etc. Léo Strauss nous initie ainsi à une minutieuse méthode de lecture de Platon en se faufilant dans l'interstice des lignes du texte et en interrogeant la moindre anomalie rencontrée. Rien n'est gratuit : l'ordre des discours, les intermèdes, les rires, les répétitions, les apparentes contradictions. Nous ne sommes pas loin de la paranoïa, non pas critique, mais classique, c'est-à-dire initiatique, consistant en l'abandon si possible du plus grand nombre possible de réflexes de lecture.

Les protagonistes du Banquet, sommés de faire l'éloge d'Eros, se lancent chacun à leur tour dans la proclamation d'un discours qu'ils imaginent servir à la cause de ce Dieu. Phèdre, Pausanias, Eryximaque, Aristophane et Agathon interviennent, sublimes sophistes, délicieux poètes, tantôt savants, tantôt bouffons, leur discours honorant le thème choisi à l'occasion du Banquet et révélant à leur insu de quelle manière chacun se dispose quant à Eros de la place qui lui échoie en tant qu'aimé ou amant, en tant que faible ou fort ou en tant que socialement défini par un statut. Socrate, pour sa part, parle au nom de Diotime qui l'initia aux mystères d'Eros alors qu'il était encore jeune, idéaliste et poète, par un parcours passant de l'amour d'un corps à l'amour des beaux corps, puis de cet amour à l'amour des activités et des lois, enfin à l'amour des connaissances. A ce point une rupture, ces belles connaissances ne sont plus caractérisées comme des objets d'Eros mais comme des objets de contemplation. La vision succède à l'amour de concupiscence.

« le beau lui-même est le bien. Cela s'oppose de manière patente à l'enseignement de la République, selon lequel le bien est élevé au-dessus du beau. »

L'amour du beau triomphe complètement de l'amour de ce qui est à soi dans le Banquet. Il ne l'emportait pas, et n'était pas censé l'emporter, dans la République. D'un dialogue à l'autre, les interlocuteurs changent et le discours doit s'adapter. « Dans le Banquet, on discute d'Eros dans le contexte d'une lutte entre la poésie et la philosophie. » Dionysos, figuré sous les apparences d'Alcibiade, tranche en la faveur de la philosophie, représentée par Socrate, car les poètes n'aiment pas le beau en tant que tel mais le beau comme amour de ce qui est à soi. Aussi n'existe-t-il pas d'inclination naturelle vers la vertu morale ; aussi le droit positif se montre-t-il légitime.

Le droit positif ne serait-il qu'une oeuvre de poète, ainsi que nous le suggère Socrate par l'effet du contre-exemple ? Socrate n'a pas exercé d'activité politique et il n'a pas écrit, prouvant « la faiblesse de son thymos » ; « et dans cette mesure, la critique de Socrate par Aristophane, disant qu'il était un homme non-politique, contient une grande vérité. » Socrate, n'aimant que le Nien, qui implique le détachement de tous les affects, n'a pu être le producteur de cette forme de poésie qu'est le droit positif puisque celui-ci est amour de ce qui est à soi seulement, art d'honorer ce que chacun croit être bon pour l'autre plutôt que soumission au bien, c'est-à-dire au droit naturel. L'initiation aux mystères d'Eros consiste donc essentiellement en une catharsis de l'amour qui révèle, du plus grossier au plus subtil, l'orgueil qui se glisse jusque dans ses plus charmantes formes, jusqu'à la réalisation de la parfaite identité avec le Bien, dans l'aphanisis du beau.

Procédant à une lecture classique du Banquet l'ouvrant à l'intertextualité, Léo Strauss donne à son lecteur les moyens d'en saisir les enjeux sans s'aventurer dans une spéculation anachronique. Cette analyse se complèterait à merveille de celle proposée dans le séminaire sur le transfert de Jacques Lacan.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
L’implication de la philosophie platonico-aristotélicienne est donc qu’il ne peut pas y avoir de société rationnelle, c’est-à-dire une société composée d’êtres humains pleinement rationnels. La polis en tant que polis se caractérise par une résistance essentielle, irrémédiable, à la raison.
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La politeia désigne le caractère du gouvernement, les pouvoirs du gouvernement. Cependant, en deuxième lieu, et c’est là la signification la plus importante, politeia désigne un mode de vie. Le mode de vie d’une société est déterminé de manière décisive par sa hiérarchie – sa stratification, comme on la nomme aujourd’hui.
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[…] la lutte de Socrate avec la poésie est le Banquet.
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Précisément, Socrate a compris le politique en tant que tel, à savoir que le politique se caractérise par une résistance particulière à la philosophie.
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Or de quoi s’agit-il entre la philosophie et la poésie ? C’est un concours de sagesse. Permettez-moi d’illustrer cela par les Nuées d’Aristophane : Socrate y est présenté comme un homme qui fait des recherches sur la nature, sur la nature de toutes choses, ou sur le Tout, et également comme un maître de rhétorique. Il est présenté comme un corrupteur de la jeunesse en faisant représenter à un jeune homme la victoire de l’argument en faveur de l’injustice sur l’argument en faveur de la justice. Il dépasse la vie éphémère, ordinaire, de l’homme, tout ce qui est simplement humain, et dévoile le caractère conventionnel des choses que tous les hommes considèrent comme sacrées. Bien qu’il soit un maître de rhétorique, il est incapable de l’emporter à la fin – il ne peut pas persuader le grand nombre. Son « pensoir » - son école – est entièrement réduite en cendres. Aristophane suggère ainsi que la philosophie, contrairement à la poésie, est incapable de persuader ou de charmer la multitude.
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Vidéo de Leo Strauss
C'est à la philosophe Corine Pelluchon que nous consacrons notre épisode 5 de la série Filature : sa relation avec le mot “amour”, son engagement pour la cause animale, son approche de la philosophie entre science et art. La meilleure façon de terminer un livre ? Il n'y en a pas, on le sent.
Spécialiste de philosophie politique et d'éthique, Corine Pelluchon est aujourd'hui professeure à l'université Paris-Est-Marne-la-Vallée (rebaptisée université G. Eiffel à partir de janvier 2020). Elle a commencé par une thèse soutenue en 2003 sur Leo Strauss et sa critique des Lumières, puis, dès le milieu des années 2000, elle s'est intéressée aux défis anthropologiques et politiques que soulèvent les techniques médicales, les biotechnologies, et la prise en compte de la finitude de la planète et des intérêts des animaux. Parmi ses ouvrages les plus récents, on retrouve Pour comprendre Emmanuel Levinas. Un philosophe pour notre temps, janvier 2020 ; Réparons le monde. Humains animaux, nature, mars 2020, Rivages/Poche. C. Pelluchon a reçu en 2020 le prix de la pensée critique Günther Anders pour l'ensemble de ses travaux. Corine Pelluchon était l'invitée de la Fête du Livre de Bron 2023 pour “Grandeur nature” un dialogue avec l'écrivain et directeur de la rédaction de Philosophie Magazine Alexandre Lacroix.
Chaque semaine, retrouvez un invité dans un format court de 4 minutes et écoutez un peu de leur univers littéraire et personnel. À découvrir sur le Média et les réseaux sociaux de la FdLB.
© Collectif Risette/Paul Bourdrel/Fête du Livre de Bron 2023
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