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A la question : est-ce que la littérature peut transformer le monde, nos mentalités et impacter notre société, je réponds "Les Mystères de Paris" d'Eugène Sue.
Je ne vais pas m'appesantir sur la trame de l'histoire que nous connaissons toutes et tous dans les grandes lignes et qui nous embarque encore tout autant, toutes ces décennies passées. J'avais en mémoire des souvenirs d'enfance de la série télévisée : Fleur de Marie dite la Goualeuse, Monsieur Rodolphe, le chourineur et surtout... La Chouette, personnage qui m'a valu quelques cauchemars à l'époque. Et c'est donc avec grand plaisir que j'ai découvert les multiples rebondissements et surtout la fin de cette histoire.

Par contre je souhaiterai pouvoir vous faire partager mon admiration pour tout ce qui tient "aux à-côtés" de cette histoire romanesque :
Dans un premier temps, Eugène Sue n'était pas convaincu par l'idée d'écrire sur le peuple (conseil que lui avait donné un ami). L'auteur est à l'époque un dandy de bonne famille, plus prompt à briller sur les bancs de la bonne société qu'à s'apitoyer sur les malheurs des gueux. Pas plus "emballé" que cela, il "descend" dans les basfonds de Paris et assiste à une rixe qui sera sa première source d'inspiration. Puis, il décide, contre l'avis de son éditeur, de répondre à l'offre de publication sous forme de feuilleton dans le journal des débats.

C'est un succès fulgurant : les gens de tous milieux font la queue pour acheter le dernier numéro et connaître la suite des aventures de la Goualeuse, de Rodolphe et du chourineur. Les malades s'accrochent à leur paillasse pour ne pas trépasser avant la fin de l'histoire, les illettrés quémandent à de bonnes âmes la lecture des épisodes... et la chambre des députés débat de façon houleuse des faits relatés par Eugène Sue et de ses propositions "scandaleuses" pour améliorer le sort des gueux, mais néanmoins honnêtes gens, qu'il soutient à grand renfort d'exemples et de comparaisons avec nos voisins européens, de théories scientifiques et ... de bon sens. Certaines les ont fait rire aux éclats, paraît-il...

A partir de là, c'est un engrenage qui va métamorphoser l'auteur et va contraindre les dirigeants de la France du XIXième à un débat dont ils se seraient bien passés...
Et tout cela se ressent au fil de la lecture. On sent cet investissement croissant, cet intérêt qui émerge pour "ces pauvres gens". D'un début somme toute, légèrement voyeur et divertissant, on approche petit à petit de la dénonciation de l'oppression des classes aisées et le social, la justice et l'équité montrent leur nez au détour des pages.
Eugène Sue "sort son drapeau rouge" et force les classes dirigeantes à poser les yeux là où l'indifférence, le dégoût et la supériorité de leur position les y détournaient...

Tout y passe :
- le système judiciaire et la mise en question de la peine de mort et de son utilité
- la pauvreté extrême des travailleurs qui face au moindre incident de la vie (chômage, maladie, ..) se voient pousser au crime pour survivre
- la condition des femmes à la merci des maris et des pères qui pouvaient à leur guise et en toute impunité les envoyer sur le trottoir après les avoir inscrites sur le livre de police
- le sort des malades dans les hôpitaux publics, plus cobayes soumis aux recherches de la médecine, que patients
- l'abandon des malades mentaux dans les mouroirs où on les enfermait
- ...
La liste est encore longue, je m'arrêterai donc là.

Eugène Sue ne fait pas que dénoncer : Il réfléchit aux solutions envisageables. Il se documente. Il interroge les spécialistes : médecins, juristes... Il propose des lois.
L'auteur livre au débat publique et au jugement populaire les grands faits sociaux et les questions éthiques de son époque et leurs solutions possibles. Un lanceur d'alertes, dirions-nous aujourd'hui ?

Justement, il est frappant de s'apercevoir que bon nombre de maux qui empoisonnaient les gens et la société de son époque sont encore présents et font toujours débat.
L'être humain n'est encore pas au centre des préoccupations des dirigeants de notre société. Il est toujours relégué derrière les intérêts financiers, gouvernementaux (puissance et pouvoir) de quelques uns au détriment de tous les autres. Est-ce une fatalité ? La démocratie participative, un mythe ?
Est-que tout cela n'est qu'une grande farce ? Un grand théâtre "où des idiots dirigent des aveugles" et nous, pauvres fous, nous y croyons ?
Tel ce magistrat du parquet de Toulouse écrivant à Eugène Sue "Continuez, monsieur, à faire servir votre voix puissante à signaler d'aussi déplorables lacunes dans notre législation : il est impossible qu'elle ne soit pas enfin entendue de nos législateurs."

Je vais ranger "mon drapeau qui n'a de rouge que le nom" et espérer vous avoir donner l'envie de vous plonger dans cette oeuvre d'une puissance de peu d'équivalence.
Quels auteurs soulèvent aujourd'hui des vérités qui dérangent et lancent à ce point des débats sociétaux d'une telle force ?
J'ai en tête certains noms. Plutôt des journalistes. Des poètes. Où sont les philosophes ? Et pour les romanciers ?
Qu'en pensez-vous, si vous êtes arrivés jusqu'au bout de cette encore fort (trop) longue chronique ?
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Quel grand livre ! Par la taille, certes, avec ses 1300 pages dans l'édition Bouquins, mais aussi et surtout par sa qualité ! Je me suis régalée tout du long et ne remercierai jamais assez Dixie pour ce conseil de lecture.

C'est d'abord l'histoire qui m'a séduite, en bonne grisette que je suis. La Goualeuse alias Fleur-de-Marie, le Chourineur, Monsieur Rodolphe alias le Prince de Gerolstein, la fantastique Louve, la gentille Rigolette, l'horrible notaire Ferrand, les effrayants Martial, les comiques concierges Pipolet... Je n'en connaissais aucun, n'ayant jamais étudié le feuilleton ou vu la série TV, et pourtant ils m'ont accompagnée toutes mes vacances.

Impatiente de découvrir la suite de leurs aventures après chaque interruption, j'ai souvent pensé aux grandes sagas d'Alexandre Dumas, et bien compris pourquoi les lecteurs du XIXè protestaient tant lorsque le Journal des Débats arrêtait le feuilleton pendant quelques jours.

Bien sûr, certains éléments sont assez datés. Je pense notamment aux princesses qui doivent absolument être différentes des autres femmes, plus éthérées, sans arrêt défaillantes, évanouies ou larmoyantes... Je pense aussi à la punition qu'imagine Eugène Sue pour remplacer la peine de mort : l'aveuglement, rien que ça. Ou même à ce paternalisme sous-jacent qui laisse entendre que les petits ne sont rien sans un puissant bienveillant pour veiller sur eux.

Cela dit, si ces éléments semblent datés, c'est bien parce que Les mystères de Paris sont un miroir fidèle de la France du milieu du XIXè, particulièrement de celle des classes pauvres. Un miroir, et même au-delà, un plaidoyer pour une réforme de la société dans son ensemble. Travailleurs misérables, prisonniers, malades ou aliénés, orphelins, malheureux vertueux, Eugène Sue a étudié leurs conditions de vie et fait des propositions concrètes d'amélioration, comme cette banque des pauvres, ces fermes modèles ou ce droit au divorce pour les femmes bafouées.

Pas étonnant que le livre ait fait débat, dans les cafés comme à l'Assemblée Nationale, tant son message est révolutionnaire et moderne : il défend des valeurs d'humanisme, de tolérance, de non-racisme, de justice sociale, de droits des femmes et des faibles. Dommage qu'il ne soit plus beaucoup lu aujourd'hui, car il est immensément riche et captivant. J'espère donner envie à d'autres...

Challenge XIX 6/xx et challenge Pavés 2015/2016 : 2 et 3/xx
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Les Mystères de Paris est typiquement le genre de livres qui, une fois refermé, nous fait dire : "youpee, je l'ai fait ! J'ai lu ces 1200 pages ! Et chose extraordinaire, je ne me suis même pas ennuyée !"

Il faut dire que notre regard de lecteur contemporain est bien loin de l'état d'esprit des lecteurs d'Eugène Sue, lorsque le feuilleton commence à paraître dans le Journal des Débats au milieu du XIXe siècle. Car, il faut poser cela tout de suite : ce roman-feuilleton a eu énormément de succès, a fait couler beaucoup d'encre, mais surtout a fait l'effet d'une bombe dans le milieu bourgeois bien pensant, faisant un scandale comparable à celui de la publication d'Indiana par George Sand quelques années auparavant. Preuve s'il en est, cette même George Sand fit partie des intellectuels qui défendirent Sue envers et contre tout.

Mais laissez-moi vous emmener au coeur des Mystères de Paris.

Tout commence par une sombre nuit. Une jeune fille, la Goualeuse, se fait agresser par un truand présumé, le Chourineur. Au coeur de la lutte, un homme surgit, tel Zorro et sauve la jeune fille. le Chourineur calmé, offre à boire à son maître et à la Goualeuse pour marquer son respect. Après quelques bières, les langues se délient face aux questionnements de l'homme, Rodolphe. Les deux personnages des bas-fonds parisiens se livrent et racontent leur enfance et ce qui a mené à leur triste sort d'aujourd'hui, voleur pour le Chourineur, prostituée pour la Goualeuse. Ému, Rodolphe décide d'entamer un vaste plan d'action pour récompenser ces misérables malgré eux, qui ont gardé une humanité et une sensibilité malgré les malheurs qui les ont accablé.

Aidé par sa grande fortune, car bien sûr c'est un prince déguisé très riche, il va aider ici et là des familles pauvres et méritantes, au cours d'aventures variées dans lesquelles on découvre les secrets toujours à point nommé.

Mais le roman et les personnages ne sont que des prétextes pour Sue qui a écrit une oeuvre sociale. Très proche des saint-simoniens et de tous les penseurs de son époque qui commencent à s'intéresser à la question ouvrière, Eugène Sue a développé un certain nombre de thèses qui faisaient débat depuis des années et que son roman a ravivé.

« Nous n'avons pas reculé devant les tableaux les plus hideusement vrais, pensant que, comme le feu, la vérité morale purifie tout.

Notre parole a trop peu de valeur, notre opinion trop peu d'autorité, pour que nous prétendions enseigner ou réformer.

Notre unique espoir est d'appeler l'attention des penseurs et des gens de bien sur de grandes misères sociales, dont on peut déplorer, mais non contester la réalité. »

Envoie-t-il un personnage en prison que hop ! On a des pages sur la réforme nécessaire du système pénitentiaire.

Un personnage est envoyé à la guillotine, son fils part sur la même pente criminelle, et hop ! Des paragraphes de développement sur les devoirs de la société envers ces enfants abandonnés à eux-mêmes et frappés d'une telle hérédité.

« Qu'il soit démontré qu'un criminel lègue presque toujours à son fils le germe d'une perversité précoce …

Fera t-on pour le salut de cette jeune âme ce que le médecin fait pour le corps lorsqu'il s'agit de lutter contre un vice héréditaire ?

Non … Au lieu de guérir ce malheureux, on le laissera se gangrener jusqu'à la mort. »

Rodolphe agit tel un prince vengeur, aussi bien d'une manière sporadique que plus organisée par une banque de prêt pour les pauvres, très ingénieuse (qui sera mise en place dans plusieurs villes après la publication du roman).

Malgré tout, la morale est assez terrible : « Il voyait, avec un mélange de joie et d'amertume indicibles, que chez certains hommes, l'habitude de la souffrance et du malheur est telle, que leur raison se refuse à admettre la possibilité d'un avenir qui serait, pour un grand nombre, une existence très peu enviable. » Les miséreux sont frappés par un destin contre lesquels ils ne peuvent rien, telle cette femme travailleuse dont le mari disperse les économies, et qui ne peut se permettre de payer un divorce : « La loi était trop chère pour les pauvres. » Et Rodolphe a parfois du mal à introduire ces bienfaits.

Mais surtout, il se fait la remarque suivante, que l'histoire de Rodolphe et la Goualeuse illustre toute entière :

« Enfin tout ce qu'il y a d'admirable dans la créature et dans la création se révèle à la fois et en un moment à son âme étonnée. A ce spectacle imposant, son esprit s'agrandit, son intelligence se développe, ses nobles instincts s'éveillent … Et c'est parce que son esprit s'est agrandi, parce que son intelligence s'est développée, parce que ses nobles instincts se sont éveillés … qu'ayant la conscience de sa dégradation première, elle ressent pour sa vie passée une douloureuse et incurable horreur, et comprend, hélas !, ainsi qu'elle le dit, qu'il est des souillures qui ne s'effacent jamais. »

Une histoire qui fait que je ne relirai probablement jamais ce roman, tellement j'étais fâchée contre l'auteur .. mais pour en savoir plus, il faudra que vous le lisiez vous-mêmes !

Et me direz-vous (et vous aurez raison), finalement, qu'est-ce qui a choqué à l'époque ?

Eh bien c'était la première fois qu'un roman abordait de telles questions, montrait de telles misères. Un peu comme un reportage d'aujourd'hui sur les conditions de vie d'un pays lointain dont on soupçonnait l'existence sans connaître la profondeur de leur misère. Sauf qu'ici, Sue a mis les bourgeois face à un monde qu'ils côtoient chaque jour. Et ceux-ci ne le croiront pas.

On le qualifie de « tableaux les plus révoltants, les moeurs les plus abjectes, le dialogue le plus hideux qui se puissent imaginer ? », on l'accuse de « travestir la vérité littéraire, de tracer un type menteur qui ne peut exister, qui n'existe pas. » Pour beaucoup, c'est l'enfant monstrueux de la presse quotidienne et de la littérature romantique, littérature de bagne ou d'échafaud qui excuse le vice et exalte les réprouvés. On lui reproche en effet d'excuser le crime, de le justifier, alors qu'il fait simplement état de faits et de quelques pistes pour améliorer les conditions de vie de la population.

Bref, on dit qu'il a créé un « un monde de fantaisie ».

Le roman est mis à l'Index en 1852.

On peut se demander si justement toute l'encre qu'il a fait couler n'est pas une preuve qu'il a touché sa cible. En donnant à voir « une misère exclue de la littérature », il s'inscrit pleinement dans les questionnements de l'époque, en particulier en jouant sur l'intérêt du public pour le paupérisme (nouvelle misère provenant de l'exploitation et de la faiblesse des salaires plutôt que du manque d'emploi) ou en discutant sur la réforme de l'administration pénitentiaire.

Et c'est ainsi que ce roman aura un grand succès, sera traduit dans de nombreux pays (même en hébreu biblique !), adapté même (The Mysteries of London, G. Reynolds, 1844, quoique avec un langage plus cru).

Mais aujourd'hui, il nous est difficile de le lire. du fait de la diffusion sous forme de feuilleton, Eugène a pu adapter son récit aux demandes des lecteurs, et au fur et à mesure que son audience grandit, les digressions sociétales sont de plus en plus longues. Ce dont il se défend parfois : « Les exigences de ce récit multiple, malheureusement trop varié dans son unité, nous forcent de passer incessamment d'un personnage à un autre afin de faire, autant qu'il est en nous, marcher et progresser l'intérêt général de l'oeuvre. »

En bref, un grand roman qu'il faut lire en se replaçant dans le contexte de l'époque, et se préparer à suivre les débats qui en fait un reflet très complet des problèmes les plus courants.

Ce livre fut par la suite la source de quantités de mystères urbains ; de nombreux motifs furent repris, dans la littérature policière par exemple. Léo Mallet lui a rendu un hommage ironique, près de 100 ans après avec Les Nouveaux Mystères de Paris.

Par son roman-feuilleton, Eugène Sue a enfin contribué au mythe moderne de Paris, au même titre que Balzac ou Baudelaire.
Lien : http://wp.me/p1Gkvs-169
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Il existe deux types de lecteurs : ceux qui ont lu les Mystères de Paris et les autres.
Cette oeuvre est bien plus qu'un simple livre, qu'une aventure que la quintessence du roman feuilleton. Cette chronique est une certaine manière de voir la société parisienne du XIXème siècle. Bien vite l'objet est dépassé. Non, il n'est pas simplement question des classes dangereuses chères à Louis Chevalier. le monde ouvrier (de toute époque) trouve ici un manifeste en faveur de sa réhabilitation. Car Eugène Sue livre certes une histoire unique mais celle-ci laisse progressivement la place à un pamphlet. Des nombreuses idées qu'il développe, certaines ont vu le jour et d'autres non. Celles-là restent toutefois solidement ancrées dans les représentations des temps actuels (condamner les méchants, récompenser les bons citoyen pour ne citer que cette arlésienne). Ne serait-ce que pour les leçons de morale, l'oeuvre conserve une actualité troublante, dérangeante même.
Le scénario est certes long mais il se suit avec plaisir. Certains passages sont certes un peu ardus et guère passionnants, mais ils sont bien vite oubliés, sans doute car ils sont peu nombreux. La modernité du style de Sue étonne encore. Quelle prétention (et quelle leçon) pour le lecteur contemporain que de découvrir un style qui emprunte moins à cette manie du détail (chère au couple Dumas – Naquet) qu'aux prémices du thriller : les derniers chapitres (bien plus que les premiers bien plus souvent cités pour leur modernité) sont difficiles à quitter.
Les rebondissements, surprises sont légions. Les personnages sont tous attachants et ont marqué la littérature (Rodolphe, Fleur-de-Marie). Ceux-ci sont nombreux mais étrangement ils semblent tous graviter au sein d'un même cycle. de Paris il n'est pas vraiment question. Certes la ville sert d'écrin, l'emprise des rues, des murs, des maisons, des quartiers est omniprésente, mais elle n'occulte jamais le sujet principal. Celui-ci est et demeure le mode de vie des classes pauvres.
Le nombre de pages, l'aspect d'un apparent monolithique ne doivent aujourd'hui être compris que comme autant de défis et donc autant d'invitations à découvrir un oeuvre majeure de la littérature française.
Lien : http://kriticon.over-blog.co..
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Au coeur de la nuit dans les rues de Paris, le prince Rodolphe de Gérolstein, grimé en homme du peuple, tire Fleur de Marie, une jeune prostitué, des mains brutales du "chourineur".
Pourtant Fleur de Marie et le chourineur se liant avec Rodolphe, lui racontent dans une taverne, où ils échouent tous trois, leur triste destinée. le meurtre et la prostitution ne sont que les tristes conséquences d'une enfance abandonnée à la misère.
Rodolphe qui, durant un moment de folie, a lui-même menacé son père de son épée, décide de venir en aide à ses deux nouveaux amis. Il les aidera à sortir de ce milieu qui les avilit.
Pour cela il devra affronter "la chouette" à qui Fleur de Marie fût confiée enfant et "le maître d'école" son associé maudit. Aidé du "chourineur", auquel il offre la rédemption, il vole au secours des pauvres et des opprimés qu'il rencontre au gré de ses errances dans Paris. Il châtiera Ferrand le notaire corrompu, il sauvera François-Germain le fiancé honnête de "Rigolette", une amie de Fleur Marie, du déshonneur et de la prison, il empêchera Clémence d'Harville de sombrer dans les affres de l'adultère...
Au fil de ces aventures et de ces péripéties un mystère semble s'éclaircir. Qui est vraiment Fleur de Marie ? et que deviendront tous les protagonistes de ce grand roman ?
Cette grande fresque littéraire, imposant feuilleton initialement paru dans le "journal des débats" en 1842 et 1843 est un roman populaire d'aventures passionnant, mettant en scène les apaches de Paris avec leur langage et leurs moeurs, mais aussi tout le petit monde évoluant dans les rues de la capitale. Eugène Sue nous offre là une irremplaçable carte postale, peut-être un peu retouchée, d'un Paris "mystérieux et inconnu, dévoilé dans ses recoins les plus secrets".
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Bon gros roman feuilleton du XIXe siècle, l'un des plus fameux de son temps semble-t-il. Un espèce de justicier menant double vie prends sur lui de réparer les injustices et de sortir de la misère ceux qui le méritent. Lui et Eugène Sue se démènent avec brio à travers un fatras d'intrigues impliquant une palette de personnages issus de toutes les classes et tous les milieux. Les actes sordides sont dilués par des épisodes drôles et divertissants (ma première pensée va à Pipelet et son tortionnaire Cabrion). Beaucoup de choses se passent au fil des nombreuses pages, et l'ennui est efficacement tenu à l'écart.

Je découvre en même temps cet auteur intéressant, qui d'une jeunesse aisée et turbulente se transforme graduellement en activiste de la justice sociale, et ce de façon fortuite avec la rédaction de ce roman qui eu un grand retentissement. Critiques et revendications sociales du temps abondent et ajoutent une dimension sérieuse et politique.

Pour ceux qui ont grandement apprécié et qui recherchent quelque chose d'approchant, jettez un oeil sur ''Les mohicans de Paris'' d'Alexandre Dumas (le titre est un clin d'oeil au roman d'Eugène Sue). Il m'avait personnellement grandement plu !
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Il est impossible de résumer cette histoire ! Les personnages sont innombrables et tous entretiennent des liens connus ou inconnus les uns avec les autres. Les enfants perdus sont retrouvés, les amours malheureuses ont des dénouements charmants et la justice, toujours, abat son glaive aveugle sur la population. le récit nous transporte des ruelles les plus sordides de Paris aux salons des plus beaux immeubles particuliers, en passant par les riantes campagnes de province et les sinistres cours des prisons de la capitale. « Le lecteur, prévenu de l'excursion que nous lui proposons d'entreprendre parmi les naturels de cette race infernale qui peuple les prisons, les bagnes, et dont le sang rougit les échafauds... le lecteur voudra peut-être bien nous suivre. Sans doute cette investigation sera nouvelle pour lui ; hâtons-nous de l'avertir d'abord que, s'il passe d'abord le pied sur le dernier échelon de l'échelle sociale, à mesure que le récit marchera, l'atmosphère s'épurera de plus en plus. » (p. 37) Je ne cite qu'un lieu en particulier, le Lapin-Blanc, bouge infâme où commencent les aventures rocambolesques de Rodolphe, Fleur-de-Marie, Chourineur, La Chouette, Rigolette, le couple Pipelet et de tant d'autres figures mémorables.

Eugène Sue, en plus de mille pages, a écrit un roman d'édification morale où il défend ses positions en faveur de l'éducation du peuple et contre la peine de mort. Les bons et les repentants sont récompensés et les méchants et les récidivistes sont châtiés : le manichéisme est simple. « J'ai presque toujours eu le bonheur de voir punir, oh ! cruellement punir les méchants que je connaissais. » (p. 386) Il faut évidemment lire cette oeuvre dans son contexte : le paternalisme du riche envers le pauvre méritant est assez indigeste vu de notre époque, tout comme la notion de pureté sans cesse attachée ou arrachée aux pas des jeunes filles. L'auteur montre avec force détails que les manigances de la haute société n'ont rien à envier aux vilaines moeurs des bas-fonds. La vertu existe chez les miséreux, tout autant que l'abjection dans la société noble. Être bien né ne suffit pas si cette supériorité sociale n'est pas également une supériorité morale. Là encore, rendons à Eugène ce qui appartient au 19e siècle bourgeois, à savoir une certaine idée que la pauvreté est choisie et qu'il ne tient qu'à l'indigent d'en sortir, à force de travail et de sacrifice. C'est étrange, le discours me semble très actuel dans certains rangs de la droite rance...

La figure centrale est évidemment celle de Rodolphe, altesse richissime qui prodigue ses largesses aux pauvres qu'il juge dignes de son intérêt et de sa miséricorde. « Rodolphe sentait qu'il y avait quelque chose de solennel, d'auguste, dans cette espèce de rédemption d'une âme arrachée au vice. » (p. 114) Avec son goût du travestissement, de la dissimulation et des intrigues, ce personnage préfigure un peu les super-héros des comics. Rodolphe, c'est un peu Bruce Wayne/Batman, aussi à l'aise en société que dans les vapeurs morbides de Gotham/Paname.

Eugène Sue maîtrise à merveille les codes du roman-feuilleton : les péripéties ne manquent pas, chacune plus improbable que la précédente ! Et il faut admettre que Paris est bien petit, et pas uniquement pour ceux qui s'aiment d'un si grand amour : c'est à croire qu'il n'y a qu'un notaire à qui toute la bonne société se réfère et que le 17 rue Du Temple est the place to be. Lisez et vous comprendrez ! Évidemment, pour ménager ses effets et combler/frustrer l'attente avide de ses lecteur·ices, Eugène Sue se plaît à laisser en fâcheuse posture un personnage pour aller suivre les déboires d'un autre. « Les exigences de ce récit multiple, malheureusement trop varié dans son unité, nous forcent de passer incessamment d'un personnage à un autre, afin de faire, autant qu'il est en nous, marcher et progresser l'intérêt général de l'oeuvre. » (p. 362 & 363) Aujourd'hui, nous attendons fébrilement l'épisode suivant de la série télévisée du moment : j'imagine que l'impatience était la même quand il fallait attendre la parution du prochain numéro du journal pour avoir sa dose d'aventures !

J'avais lu cet énorme roman quand j'étais très jeune adolescente et j'en gardais un souvenir puissant et enchanteur. Ma relecture est à la hauteur de ma première découverte : j'ai évidemment anticipé certains retournements de situation, pas tant parce que je me les rappelais, mais parce que les ficelles sont assez grosses pour comprendre ce qui va suivre. Pour autant, cela n'a pas diminué mon plaisir. Pendant 12 jours, j'ai replongé dans cette histoire ébouriffante et j'en sors un peu tris
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Voilà au moins une lecture avec sa petite histoire car il faut avouer que, n'ayant jamais entendu parler d'Eugène Sue et encore moins des "Mystères", la probabilité pour qu'un jour je prenne le temps (car il en faut pour lire cette somme!!) d'ouvrir ce gros pavé était faible...
Or, en habitant momentanément Paris 18ème, je passais régulièrement rue Eugène Sue pour aller prendre mon métro mais Paris étant une ville où tant de noms plus ou moins connus ornent ses rues, je ne me suis pas fait plus curieuse que je ne suis.
Et c'est en flânant au gré des rayons de ma bibliothèque municipale 2 ans plus tard que mes yeux s'arrêtent sur un gros livre "Les mystères de Paris" d'Eugène Sue! Là, ma curiosité est alors piquée et me voilà me plongeant avec enthousiasme dans cet énorme volume aux feuilles papier cigarette!!
Et là, un bonheur, oui, vraiment, un régal que toutes ces lignes révélant tout ce qui fait le charme de Paris au XIXème siècle, le côté mystérieux, intrigant, le non-dits, les histoires de vies, des personnages pittoresques, dépeins par un auteur génial qui nous fait suivre leurs aventures heureuses et malheureuses, dans un style et un vocabulaire fantastique, qui interpelle le lecteur (c'est un feuilleton à la base) et surtout qui ménage tout le long de ces plus de 1300 pages suspense et rebondissements dont tous les personnages vont être acteurs ou témoins car tous se croiseront à un moment donné, ou se frôleront, ou agiront ou subiront les actes des uns et des autres. Et nous, lecteurs, nous souriront, auront un voile de tristesse, nous attendrirons, nous énerverons au fil de toutes ces aventures car obligés de lire encore et encore pour connaitre le fin mot de l'histoire!!
La caractéristique également de cette oeuvre est qu'elle sert de tribune à l'auteur pour faire passer des sujets de société au premier plan et interpeler le lecteur sur cela. En effet, Eugène Sue traite de la peine de mort, de l'univers carcéral, de l'état et le traitement réservé à la population miséreuse mais laborieuse par les institutions, la bourgeoisie et les aristocrate, etc. Ainsi, un certain nombre de sujets sociétaux sont abordés et donnent une dimension autre que purement littéraire de l'oeuvre.
Alors certes, j'ai mis du temps à le lire mais j'ai trouvé toujours le plaisir d'y retourner pour avancer de centaines de pages en centaines de pages et je le conseille à toutes et tous!!!!
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Si les sondages avaient existé en 1842 -1843, lors de la parution des « Mystères de Paris » d'abord en feuilleton dans « Le Journal des débats » puis en volumes (le pluriel est de rigueur), il est probable que le top 50 de l'époque aurait été pulvérisé : le succès a été phénoménal tout au long du XIXème siècle, et dans une bonne partie du XXème, avant d'être sanctuarisé comme oeuvre littéraire majeure (toujours pas par la Pléiade, par exemple, mais il est vrai qu'il est en bonne compagnie dans le Purgatoire avec Thomas Mann, John Steinbeck – il paraît qu'il arrive… à pas mesurés ! -, John Dos Passos, le Pirandello des nouvelles, etc.).
« Les Mystères de Paris » tous les grands auteurs romantiques l'ont lu… et adoré. Ce n'est pas étonnant, rien de plus romantique que ce roman : priorité aux sentiments, personnages manichéens et attachants, décors fantastiques qui font réellement partie de l'histoire… Ce que l'auteur apporte de nouveau, c'est cette dimension sociale et politique (que reprendront entre autres Victor Hugo et surtout George Sand – et après eux Emile Zola, bien entendu). L'autre innovation qui accompagne ce roman, c'est bien sûr le format du roman -feuilleton : il permet d'apporter l'oeuvre au plus bas des couches sociales, comme au plus haut des classes nobles, accentuant ainsi une « conscience » politique, qui jusque-là se cantonnait aux lecteurs aisés qui pouvaient acheter les livres.
Raconter toutes les péripéties qui couvrent ces 1360 pages (dans cette excellente édition Bouquins, préfacée par Armand Lanoux et annotée par Francis Lacassin) constituent une gageure que je ne pourrai honorer dans le cadre de cette humble chronique. Sachez simplement que l'histoire est « mystérieuse » et qu'elle se passe à « Paris ». Paris est le principal personnage du roman : avec ses maisons bourgeoises et ses bas-fonds, ses couloirs sordides, ses égouts, ses tripots mal famés. Paris, « ville-foule, ville-château, mais aussi ville-cancer qui attire et qui dévore, use, corrompt, ouvrant à la fois toutes les avenues du pouvoir et tous les chemins de la perdition » (Jean-Louis Bory). Il aurait pu ajouter, pour faire bonne mesure : … et tous les chemins de l'amour. L'autre grand personnage c'est Rodolphe : une espèce de demi-dieu, il a toutes les qualités, il est surtout généreux, au point de cacher sa véritable identité (il est grand-duc de Gérolstein) pour venir en aide aux pauvres gens. Autour de lui évolue une nuée de personnages sympathiques (Fleur de Marie, le Chourineur), pas sympathiques (le Maître d'école, la Chouette), pittoresques (les Pipelet) et beaucoup d'autres. Côté nobles et bourgeois, l'intérêt pour les classes inférieures n'est pas à l'ordre du jour.
« Les mystères de Paris » représentent donc un moment-phare dans l'histoire de la littérature, et plus encore dans l'histoire du roman. le plus curieux dans l'histoire, c'est que l'auteur en a été le premier surpris : en écrivant le premier chapitre, pour répondre à une commande, il pensait faire un ou deux volumes. Il n'avait pas vraiment de conscience politique ou sociale. Au contraire c'était un bourgeois dandy, qui n'avait pas d'autre ambition que « paraître ». le succès inattendu l'a obligé à orienter un peu son oeuvre, pour en faire finalement le chef-d'oeuvre que l'on sait.
Certes c'est une mythologie bien typée, celle des bas-fonds, des malfrats, des apaches… Mais elle a fait école : Beaucoup d'écrivains se sont engouffrés dans ce créneau : on a eu ainsi les « Mystères de Londres » (Paul Féval), les « Mystères de Marseille » (Emile Zola), les mystères d'un peu partout dans le monde, si ça se trouve il y a peut-être les « Mystères près-de-chez-vous » (s'ils n'existent pas encore, lancez-vous, écrivez-les !)



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Je termine tout juste ce mastodonte qui m'a occupé presque une semaine pleine. 1600 pages, ça ne se lit pas en un jour. ^^

Roman feuilleton, roman social, les Mystères de Paris ont surtout une "fâcheuse" tendance: exaltation religieuse - si on n'est pas croyant, on est une mauvaise créature. Sinon on a également quelques digression politique et une foi obstinée et idéaliste en la nature humaine.

Mais ce qui fait une part de la force e l'histoire est aussi cette dénonciation de réalité sociale et part de très bon principe égalitaire, notamment entre homme blancs ou noirs avec une scène ou une paysanne reproche en partie la couleur de peau du docteur David.
On a aussi cette appel contre la peine de mort, et un appel à l'équité de traitement entre pauvres et riches.
Enfin toujours du point de vue égalitaire, Eugène Sue désigne celle entre les hommes et les femmes au niveau du mariage - le mari peut prendre la femme de sa fille pour la pervertir, à droit sur tout les bénéfices qu'elle peut faire et ainsi de suite, au niveau de l'adultère - plus particulièrement celui conduisant à l'infanticide.

Tout ces reproches envers la société de son époque lui en on valu pour lui même.

Sinon un récit riche en péripéties, ou l'auteur nous pousse de l'espoir le plus sûr à l'angoisse la plus terrible et joue fort bien du pathos.
La plume n'est pas désagréable, mais un peu trop ... manichéenne?

Globalement une lecture dont je ressors plutôt satisfaite, même si je dois avoué avoir d'avantage aimé les six premières parties du récit et fort peu l'épilogue - et pas uniquement car j'aurais souhaité une autre fin.
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