L'habit ne fait pas le moine, dit-on, mais l'on entend régulièrement parler de " délit de faciès ", voire, lorsqu'on utilise plus avant les possibilités ordurières de notre langue, de " délit de sale gueule ". Qu'est-ce à dire ?
Nous avons tous, je pense, fait l'expérience de cruelles déceptions auprès de personnes dont l'apparence avait tout d'engageant et, réciproquement, constaté notre méprise auprès de personnes vis-à-vis desquelles, a priori, nous avions une forme de répulsion.
Voici l'un des piliers sur lequel s'appuie ce conte philosophique adapté par Béatrice Tanaka de la tradition vietnamienne (et qui semble aussi fortement inspiré du conte de Grimm Les Trois Cheveux D'Or Du Diable). Mais ce n'est pas le seul. Il y est également question de l'apitoiement dont on est capable, sur soi-même ou sur les autres.
Ce conte nous suggère qu'il existe des sortes de vases communicants de l'un à l'autre : à mesure que l'on est capable de prendre en considération le malheur des autres, on minore sa perception de son propre malheur. La spirale fonctionne également en sens inverse : plus on s'apitoie soi-même sur ses propres misères, plus on est susceptible d'être l'objet de raillerie de la part des autres, qui peuvent ainsi exorciser leurs propres déconvenues personnelles.
En somme, si l'on y regarde de près, nous sommes tous frappés, à des degrés divers, par des coups du sort, des infirmités, des dommages, des vexations qui, pour nous, paraissent insurmontables ou catastrophiques mais qui, dans l'absolu, ne le sont peut-être pas.
S'oublier quelques instants et prendre en considération la détresse de l'autre peut s'avérer tant un baume qu'une aide pour les autres, qui deviendront redevables et pourront, en retour, apaiser les malheurs qui nous assaillent. Cette démarche est susceptible d'élever notre crédit auprès des autres, mais surtout auprès de nous-même, nous aidant à nous percevoir avec bienveillance et non du haut de tout ce qu'on n'a pas et qu'on aimerait avoir.
Je pense avoir dégrossi deux des thèmes principaux de cet album, je vous laisse bien entendu le soin de le découvrir dans le détail si le cœur vous en dit. Sachez toutefois que ceci n'est qu'un avis qu'il peut être bon de questionner par trois fois car, peut-être ne représente-t-il pas grand-chose.
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Un jeune homme qui se trouve laid décide d'entreprendre un voyage pour savoir pourquoi la Nature l'a affligé ainsi. Il veut rejoindre la Montagne où le Ciel rencontre la Terre et poser la question à des génies. Mais durant son voyage il rencontre des personnes qui, elles aussi, ont des questions à poser. Il va donc promettre de poser les questions pour ces personnes. Il arrive en haut de la montagne et là c'est l'heure de choisir : trois questions doivent être posées mais le jeune homme en a quatre. Privilégier les questions des autres ou se privilégier soi-même ?
Un très beau conte avec une belle morale : doit-on penser aux autres avant de penser à soi-même ? Et cela peut-il nous être bénéfique au final ?
Très intéressant !
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Le jeune homme disparaît dans le brouillard. Il grimpe en cherchant à tâtons son chemin parmi les rochers. Il escalade des parois lisses, monte de plus en plus haut, à travers pierrailles et nuages.
Il atteint le sommet. C'est comme un petit balcon suspendu, comme une barque dans le ciel. Trois vieillards souriants semblent y monter la garde.
- Puisque tu as entrepris ce voyage difficile, ta question doit être très importante, dit le premier, et sa voix ressemble au vent du matin dans les bambous.
- Le Ciel nous a envoyés à ta rencontre, comme récompense pour ton courage et ta persévérance, dit le deuxième, et sa voix est comme le bruissement des cocotiers à midi.
- Nous te dirons ce que nous savons, dit le troisième, et sa voix est comme la brise du soir sur la mer.
Avec courage, il avance, à l’écart des hommes et bravant les différents phénomènes météorologiques. Mais un orage terrible le persuade un soir de demande asile dans une ferme isolée. Nullement effrayé, un vieil homme prend soin de lui et se confie. Il est malheureux car son unique fille est muette. Voulant lui cacher sa différence, il a souhaité habiter en retrait de tout village. Le jeune homme promet de demander pourquoi aux génies.
Plus loin, il trouve la hutte d’un ermite à qui il révèle sa quête. L’ermite lui répond que lui aussi éprouve du malheur car seul un de ses trois orangers, qu’il soigne pourtant avec la même attention, produit des fruits. Le jeune étudiant promet de revenir avec la réponse.
Enfin la montagne se profile, et bientôt il commence son ascension. Mais il est stoppé par un torrent très tumultueux, jusqu’à ce que surgisse une carpe qui lui propose son aide contre une question. Pourquoi ne peut-elle sauter par-dessus le Pont-au-Dragon afin de se transformer alors que toutes ses amies y sont parvenues ?
Un jeune étudiant, dont tout le monde se détourne, se moque ou se méfie en raison de son apparente laideur, décide un jour d’entreprendre un long voyage.
Se rappelant les paroles d’une comptine maintes fois chantée par sa mère, il marche en direction de la montagne qui touche les nuages ! A son sommet, vivent trois génies qui pourront lui dire pourquoi il est si laid.
Il était laid. Avait-il le nez rouge? Les cheveux verts? Les oreilles trop grandes? Les yeux de travers? Personne ne le sait plus aujourd'hui.