Années 1970. Mississipi. Un jour de fête des mères dans l'endroit le plus sombre de sa cour, le jeune Robin, 9 ans, est retrouvé pendu à un arbre. Ce meurtre ne sera pas élucidé et la famille est à jamais marquée : la mère devient incapable de s'occuper de qui que ce soit, à commencer par elle même, le père part vivre dans un autre état et les deux jeunes soeurs alors âgées de 4 ans (Allison) et 6 mois (Harriet) grandissent dans le souvenir artificiel de ce grand frère méconnu qui faisait l'admiration de tous.
Douze ans plus tard, Harriet, poussée à se trouver un but dans la vie le trouve. Elle doit débusquer le meurtrier de son frère et se met à questionner son entourage : sa mère, Edie sa grand-mère, Ida sa chère nounou. Ses soupçons se portent bientôt sur Danny, un garçon qui jouait avec Robin en ce temps là. Un enfant pauvre qui peut-être, était jaloux de la famille et des jouets de Robin.
Mon avis
Hum, que dire sinon trop. Trop de choses à dire, trop d'images, trop de bonheur. Enfin.
Donna Tartt est une sorte de fée, une conscience qui entre en nous et crève tout ce qui est trop fragile, trop mou, trop sensible. C'est bon. John Irvin est de cette trempe. Ils vont bien ensemble. j'ai retrouvé dans cette histoire quelque chose de Owen.
Du haut de leurs douze ans, Harriet et son ami Hely entreprennent une chasse à l'homme. Il y a quelque chose de pathétique dans cette histoire d'enfants plus ou moins livrés à eux-mêmes, faisant face à leur promesse, leurs frayeurs, leurs secrets. Rois libres mais princes déchus, enfermés dans leur corps, dépendants et faibles. Ils doivent combattre le dragon avec des armes toutes émoussées.
De nombreuses références dans le monde de Donna :
Lewis Caroll :
Ce n'était pas un vrai docteur - un médecin, s'entend - mais seulement un genre de chef de fanfare chrétienne auréolé de gloire ; un Américain de la côte Est avec d'épais sourcils broussailleux, et des longues dents de mule. C'était une huile du circuit de la jeunesse baptiste, et Adélaïde avait fait remarquer - à juste titre- que c'était le sosie parfait du célèbre dessin, par Tiennel, du Chapelier fou d'
Alice au pays des merveilles. (p.528)
Sir James Matthew Barrie :
Tu peux quitter cet endroit. En pensées. T'en aller, tout simplement. Qu'avait dit exactement
Peter Pan à Wendy ? "Ferme les yeux et songe à des choses très agréables." (p.586)
David Lynch :
Danny - trop défoncé et accablé pour parler - acquiesça. Il entendait toutes sortes de petits bruits effrayants : des arbres qui respiraient, des fils électriques qui chantaient, l'herbe qui crépitait en poussant. (p.686, scène ressemblant à Twin Peaks avec le murmure des fils électriques).
Terry Gilliam :
lorsqu'il est question d'enfants abandonnés par des parents trop abrutis, ou trop défoncés pour pouvoir s'occuper d'eux (cf Tideland).
Les effets de la drogue sont par ailleurs très réalistes (cf.p.670).
D'autres passages émouvants et notés "à la volée" :
p 221 : la relation entre Harriet et Ida sa "nounou"
p 268 : quand Harriet regarde la photo de son frère dans l'album de classe
p 294 : où il est question d'
Helen Keller
pa 303 : très drôle : "la barbe noire broussailleuse et la combinaison lui donnait l'apparence d'un dictateur fou d'Amérique du Sud"
p 687 : très amusant aussi la scène du berlingot à la main identique antre le réel et le dessin animé.
Si comme moi, vous vous êtes demandé ce qu'était le Sanka (la boisson que boit Adélaïde car elle ne supporte plus le café) ne cherchez plus : il s'agit d'une boisson décaféinée (on s'en doutait un peu, mais quand même). Je n'avais jamais entendu parler de ce produit apparemment encore vendu.
Je disais qu'il y avait trop à dire. C'est vrai mais je n'en dirai pas plus. Sauf que Donna sait vraiment tenir en laisse son lecteur, elle le dresse et nous lui donnons la patte, reconnaissant de tant de miséricorde, des personnages aboutis que l'on sonde dans l'âme, que l'on a du mal à quitter, avec lesquels on vivra jusqu'à la fin de la vie. Je songe à Robin, Ida Rhew, Harriet et Hely, Danny -
le petit copain-, Curtis son petit frère, Odean la petite souillon qui ressemble à une pauvre plante sur laquelle est greffée sa fratrie à l'instar d'une colonie de pucerons.
Et même si la fin nous laisse sur notre faim, nous sommes rassasiés. Car le pouvoir d'un livre est peut-être celui de ne jamais nous quitter, de nous imbiber, de nous hanter.