Double objectif pour
Sylvain Tesson : marcher pour guérir, chauffer à blanc des articulations très abîmées suite à une chute presque mortelle et se détourner de notre monde en parcourant les chemins noirs, chemins pénétrants les replis, les friches, les jachères, chemins que l'IGN, miraculeux service public à la française, vous savez : coûteux, inutile, à réformer ( sic!) a réussi à garder en mémoire et en plus disponible pour tous ! Amis des cartes ce livre est pour vous, c'est une motivation suffisante pour le découvrir.
Le récit comporte une succession de tableaux et de pensées qui partent des lieux vestiges de l'histoire. le style est concis, précis, nous sommes du côté de l'huile essentielle : dense, petit volume grands effets, sens de la formule genre iku, personnellement j'aime beaucoup.
Sur notre époque, la critique des processeurs technologiques est centrale, tant ils forgent notre rapport au monde et à nous mêmes. La crise bien installée est celle du "trop de tout soudain", notre époque est celles des flux, la nature et les paysages dont réduits à des décors et on se prive de la science de ceux qui restent ancrés, taiseux des territoires délaissés.
Sylvain Tesson insiste sur l'humilité du marcheur, qu'il semble d'ailleurs découvrir suite à ses épreuves, il cite
Miguel Torga : l'universel c'est le local moins les murs. Les murs il en est de toute sorte dans ce livre, ruines de murs, traces des bocages, des terrasses de culture...il est beaucoup question des pierres, des pays de calcaire, de granit, de laves si différents les uns des autres. le mur de la solitude n'est pas abordé, sans doute parce que cette stratégie radicale de retrait se voit comme une cure de jouvence. La note positive est pour la toute fin du livre, j'en reste là bien sûr ! En espérant vous avoir donné envie de la connaître !
À bientôt sur nos chemins noirs ?