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sur 2923 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Épigraphe :
Je vais sortir. Il faut oublier aujourd'hui les vieux chagrins, car l'air est frais et les montagnes sont élevées. Les forêts sont tranquilles comme le cimetière. Cela va m'ôter ma fièvre et je ne serai plus malheureux dorénavant. (Thomas de Quincey, Confessions d'un mangeur d'opium.)

Ce livre de Thomas de Quincey qui l'accompagne sur les chemins noirs, Sylvain Tesson en fera cadeau à l'une de ces rencontres, Lucien l'ermite qui s'est établi en retrait près de la Chapelle Notre-Dame de Lure.

C'est en regardant la télé allongé sur son lit d'hôpital, où son plus fidèle compagnon est un arbre qui, "par la fenêtre lui insuffle sa joie vibrante", qu'il va entendre parler d'un rapport sur les départements hyper-ruraux restés à l'écart que n'atteint pas le réseau internet, "une France protégée de "l'aménagement" qui est la pollution du mystère". Il se fait une promesse "Si je m'en sors, je traverse la France à pied".
A partir de ce rapport qu'il se procure, il va établir un plan de fuite qui lui fera prendre, en diagonale, des chemins non balisés partant de l'extrême sud, la vallée de la Roya proche de la frontière italienne d'où il partira un 24 août pour atteindre un 8 novembre "le bord de la Carte et la fin du territoire", le sémaphore de la Hague, le point le plus septentrional du Cotentin. Il va fuir les médecins qui "dans leur vocabulaire d'agents du Politburo recommandent de se rééduquer ". Sa rééducation, il choisit de la poursuivre lui-même en s'en allant par "les chemins cachés bordés de haies, par les sous-bois et les pistes à ornières reliant les villages abandonnés."
Il y souffrira mais s'il fait allusion à ses souffrances c'est en passant, sans s'y arrêter. Ces notes sont aussi pleines de belles rencontres inattendues et d'amitié, celle de Cédric Gras, Arnaud Humann, Thomas Goisque, sa soeur qui l'accompagneront momentanément ainsi que des écrivains aimés : Giono, Karen Blixen, Jean Henri Fabre, René Fregni qui a écrit un roman intitulé "Les chemins noirs" qui raconte sa cavale, et d'autres...

Ce petit livre est une bouffée d'air dans notre monde de plus en plus formaté et uniformisé. Il nous montre que nous pouvons exercer notre liberté de dire non et faire un pas de côté pour rejoindre la "Confrérie des chemins noirs". Et ces chemins "dessinés sur la carte et serpentant au sol, ils se prolongeraient en nous-mêmes, composeraient une cartographie mentale de l'esquive".

On sait en lisant les mots qui suivent que Sylvain Tesson a pleinement réussi sa rééducation, même si des douleurs persistent ainsi que les nuits d'insomnies :
"Tout corps après sa chute -- pour peu qu'il s'en relève -- devrait entreprendre une randonnée forcée. L'effort, depuis le Mercantour, faisait son office de rabot, ponçait mes échardes intérieures. Je demeurai ce soir-là assis sur un banc de pierre contre le mur d'une maison, devant les prés salés. En face, la ligne de côte de Cancale. Au nord, la brume gazeuse de la mer et du ciel. Au sud, une lumière de tableau italien. C'étaient le moment de faire mes dévotions à la marche, à ma mue, à ma chance."
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Je venais de terminer " changer l'eau des fleurs" lorsque j'ai choisi de lire un plus " petit " livre ( 170 pages ) Et ce petit livre ( 170 pages ) , ce fut " sur les chemins noirs " de Sylvain Tesson .
Bon , soyons honnêtes , tout le monde ne se " casse pas la gueule " d'un toit , après avoir bu un coup de trop . Boire un petit coup , oui , mais monter sur un toit après ... Ceci étant, personne n'a à juger , c'est arrivé , point. Le corps médical a d'ailleurs été très professionnel en soignant sans jamais porter le moindre jugement , donc......Et puis , quand ça donne lieu à un bon livre....
La rééducation, aprés des mois d'hospitalisation, il la choisit lui - même : traverser la France à pieds , sur les " chemins noirs " , ces chemins ruraux où , normalement , on ne rencontre personne ...Il est vrai que cette " gueule cassée " effraie même ....les chiens , c'est vous dire . Le voilà en route , parlant très sommairement de ses très rares rencontres , relatant quelques anecdotes , analysant la politique mondiale qui , en transformant les paysages , modifie les rapports humains , critiquant les attitudes de ceux qui , aujourd'hui , choisissent les" chemins de lumière" pour briller à titre personnel . La leçon est brutale mais sage et de plus en plus d'actualité .Seule la nature peut nous guérir , nous sauver d'une destruction annoncée de notre civilisation .....
Prés de lui , pour un temps , ses amis , sa soeur Daphnée, dont la seule soirée commune déclenchera chez le lecteur le " fou - rire " qui manquait à ce récit, un " fou- rire " qu'on aura tout de même déjà pu vivre lorsque à La Courtine , en Creuse , les gendarmes arrêteront notre marcheur solitaire pour lui éviter d'être haché menu par les tirs d'une armée à l'entraînement...La Courtine , je connais , je suis creusois et j'y ai fait mon service militaire , on ne passe pas n'importe où, n'importe quand , ça " arrose ".... seuls les animaux savent " passer à l'ombre".
Et notre homme , parti en boitant , parviendra en marchant normalement dans le Contentin...comme quoi la nature....La leçon est claire , quand tout va bien , c est normal , non ? Et quand arrive la " tuile " (oui, vous savez , notre ami est tombé du toit....), il faut se réfugier , trouver la solution , et , d'après l'auteur , se ressourcer parmi les arbres ,dans les forêts, dans la nature , fuir ce monde dit " moderne "....marcher , observer , réfléchir pour rebondir...
Le beau récit d'une expérience personnelle , un récit sans pathos et sans morale, un récit à découvrir pour affiner sa propre conception des choses , ses propes idées , une simple image à creuser ,ou pas....J'ai aimé....
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Prendre les chemins noirs pour y trouver la lumière.
S'écarter du tapage de la ville, des campagnes défigurées et de leurs illusions.
Trouver un air de liberté oublié, s'échapper de la routine, du confort, du mimétisme.

Cette randonnée à travers la France par les sentiers non balisés est aussi une randonnée à travers le temps qui a bouleversé notre paysage, notre histoire, notre mode de vie.
C'est le moment tout en marchant, de poser un regard sur la vie qui s'écoule, de l'écouter vibrer. De se demander s'il ne faudrait pas mieux faire demi-tour, prendre les petits sentiers qui nous ressemblent, ceux qui enrichissent sans compter, ceux qui offrent la plus belle alliance de l'homme avec la nature.

Une balade qui donne envie d'enfiler ses chaussures de randonnée, de prendre le temps d'être soi, de dire non à la vie gadget. Un beau moment de lecture.
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Oh non, il n'allait pas commencer comme ça, à rouspéter sur tout !
Je sais que « l'aménagement du territoire » est quelque chose d'anti naturel, qu'il heurte les paysans, qu'il leur impose l'hyper productivité, qu'il entraine l'abandon de petits villages pittoresques au profit des Belges et des Anglais, « lassés du crachin sur les murs en briques »(grrr….croit-il qu'en Angleterre et en Belgique, la campagne soit moins verte et moins belle qu'en France ? Croit-il que ces peuples vivent dans un perpétuel hiver ? Ah ces stéréotypes que je supporte de moins en moins ! ).
Je sais tout ça. Je sais que la modernité a entrainé bien des désastres.
Et je me disais que cette grogne qui s'étalait sur des pages et des pages allait vite m'exaspérer.


Et puis, tout à coup, il a parlé des chemins noirs. Ces chemins de traverse, loin des sentiers fréquentés, ces passages difficiles hors du monde, traversant « l'hyper-ruralité », mot honni par les politiques, mais tant aimé par ceux qui recherchent l'authenticité et la non-conformité aux dictats de ce monde hyper connecté.
Et là j'ai aimé. Je l'ai suivi, je l'ai compris.


Après sa chute qui lui a coûté plusieurs fractures et une semi-paralysie de la face, Sylvain Tesson a voulu se rattacher à la terre, en marchant depuis le Mercantour jusqu'au Cotentin.
La France en diagonale, une France raccordée à la nature, au bon sens et à la simplicité.
Chemin de poussière, de broussailles, de boue, aussi.
La crête vivifiante des montagnes, la touffeur des forêts, la douceur de vivre des plaines, et enfin la mer, avec le mont Saint-Michel, vigile protecteur.
Quel voyage ! Fuite en avant, hors du monde moderne, cet itinéraire est aussi repli à l'intérieur de soi, à la recherche des racines de son être.
J'ai adhéré à sa réflexion qui me hante encore.


« Ne pas tressaillir aux soubresauts de l'actualité, réserver ses colères, choisir ses levées d'armes, ses goûts, ses écoeurements, demeurer entre les murs de livres, les haies forestières, les tables d'amis, se souvenir des morts chéris, s'entourer des siens, prêter secours à des êtres dont on avait connu le visage et pas uniquement étudié l'existence statistique. En somme, se détourner. « Dissimule ta vie », disait Epicure. » La liberté, quoi !


« Mon domaine est mon royaume. N'ayant pas de domaine, je tentais d'être souverain de moi-même en marchant sur les chemins noirs ».
Tout un programme…que je tenterai de suivre !
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Il y a déjà quelques mois que j'avais entendu parler de cette "randonnée" rééducatrice entreprise pas S Tesson suite à sa chute.
Je m'étais donc mis dans un coin de la tête l'info "livre dont la publication ne devrait pas tarder - à suivre"
Et c'est quand j'ai appris la venue prochaine de l'auteur chez mon libraire favori que j'ai découvert le livre... Arf. .. je ne pouvais pas aller à la rencontre d'un auteur sans avoir lu son récit. .... j'ai donc un peu bousculé ma PAL pour faire arriver ce petit volume en haut de la pile.
Et me voilà me jetant sur ce petit essai dès le jour de sa sortie.... pour d'autres c'était Harry potter.... Chacun son truc.
Dès les premières pages, la carte de l'itinéraire... Pfff. .. pour un "convalescent" c'est impressionnant.... et en 2 mois et demi... Moi, il me faudrait 6 mois pour faire une telle "promenade" (en étant en pleine forme).
Ensuite c'est une centaines de pages plus ou moins intéressantes selon les jours, réflexion sur la transformation de la France rurale ou sur les conséquences de son dérapage mal contrôlé sur un toit.

Ses descriptions de paysages aussi simples soient elles font rêver. Il y a ces endroits que l'on connaît et que l'on reconnaît dans ces quelques mots en se disant "mais c'est exactement comme ça que j'aurais voulu en parler".
Il y a ces autres endroits encore inconnus et qu'on a alors envie de découvrir....
Et aussi ces quelques endroits qu'on ne souhaite pas connaitre, comme vers le Cher pour croiser autoroute-Tgv-rivière.... tout en se rendant compte en voyant la date, qu'à quelques jours près on aurait pu faire un signe de la main à ce marcheur regardant passer les voitures depuis un pont.

Mais c'est aussi une invitation à prendre son sac à dos et partir soi même en virée... pas besoin de chasser le pokemon pour sortir de chez soi. Il suffit de chasser ces petites lignes noires sur un grand morceau de papier.
Et sur ce : je me sauve sur les chemins "rouges".... compte tenu de mon sens de l'orientation je préfère trouver une petite flèche m'indiquant la direction à chaque carrefour....

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Victime d'un grave accident, (chute d'un toit en état d'ébriété) Sylvain Tesson entreprend de faire sa rééducation en marchant, tels les Romantiques du XIXe siècle.

« Pendant ces semaines de marche, j'allais tenter de déposer sur les choses le cristal du regard sans la gaze de l'analyse, ni le filtre des souvenirs ». P 21

Tout en remettant son corps en marche, il va reprendre contact avec son moi intérieur, en traversant la France par les petits chemins noirs que l'on tend à oublier, qui persistent encore sur les cartes d'État-major (et encore !). Ce périple qui l'emmène du col de Tende dans le Mercantour, au nord du Cotentin, entre le 22 août et le 8 novembre est tout sauf facile, mais il le préfère à un centre de rééducation:

« D'où me venait ce goût pour les virées doloristes ? Peut-être de la jouissance que je tirais de leur conclusion ? » P 31

Il nous raconte la France qui s'urbanise, perdant au passage ses paysans, le non-respect de la Terre et les subventions de Bruxelles, ainsi que les ZUP, les ZAC et autres joyeusetés qu'on appelle aménagement du territoire.

Il nous fait partager ses rencontres humaines, les monastères, les ruines mais aussi les paysages, le silence qui enrichissent sa réflexion philosophique. On se nourrit des auteurs qu'il cite, Giono, Pagnol, Barbey d'Aurevilly, ou Epicure entre autres, qu'il cite sans chercher à étaler sa culture littéraire : les nourritures terrestres et les nourritures spirituelles qui s'interpénètrent de manière harmonieuse.

Surtout, il nous livre une étude au vitriol de la société : telle sa réflexion sur les Trente Glorieuses et leurs conséquences : exode rural, paysans qui sont devenus propriétaires terriens ou pire à mon sens, exploitants agricoles (une expression qui veut tout dire en fait !), perte du contact avec la Nature, puis avec l'avènement du numérique et de la dématérialisation le retour de certains citadins vers le monde rural (l'auteur les appelle « les saumons de l'Histoire ») pour retaper une ruine ou ouvrir des gîtes… et enfin un peu d'espoir avec l'émergence de l'agriculture biologique.

C'est ainsi que Sylvain Tesson nous fait partager sa théorie des quatre visages de la ruralité.

J'ai beaucoup aimé ce livre, la réflexion de l'auteur, sa philosophie de la vie, son pessimisme sur la nature humaine rejoint assez le mien (en fait je trouve le terme « lucidité » plus adapté que le mot « pessimisme ») et il rend au passage un très bel hommage à la Nature.

J'avais déjà beaucoup aimé « Les forêts de Sibérie » malgré la vodka qui coulait à flots, et je me suis glissée dans ses pas « sur les chemins noirs » avec un immense plaisir, notamment dans l'Aubrac, le Limousin et je vais continuer à explorer l'univers de Sylvain Tesson avec gourmandise.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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La cuite de trop. C'est "l'ironie du sport" qui s'acharne sur Sylvain Tesson tombé d'un toit.
Après un long séjour à l'hôpital, l'auteur préfère aux prises en charge habituelles se reconstruire dans ses milieux préférés: la nature et la solitude.
Montaigne, avant lui s'était prescrit une ordonnance personnelle où la guérison passait par le voyage et l'immersion dans la culture locale du pays.
Parti du Mercantour en août pour atteindre la Normandie en octobre. Tesson s'enfonce dans la France des chemins noirs. La marche sera son exercice quotidien pour dégripper son corps meurtri.
A l'aide de cartes IGN le voyageur chemine en déroulant des paysages, des villages ou des ruines croisés sur son passage. Devant l'ampleur de désertification des campagnes, il se désole de l'aménagement du territoire qui a précipité bon nombre de paysans vers le mode de vie de la cité.
Peu enclin au progrès qui entrave sa liberté, sa fuite sera accompagnée par quelques journées en compagnie de ses amis d'aventures: Cédric Gras, Thomas Goisque, Arnaud Humann. Au termes de ces kilomètres pédestres, le but semble atteint: "Partout, les chemins noirs m'avaient gratifié de leur double vertu: effacement du corps, liberté d'action."

Gageons qu'en s'extrayant du dispositif (contraintes, sollicitations, influences) qui entrave fortement l'écrivain, sa mélancolie ne l'empêche pas de trouver une résilience salutaire.

Troisième livre de Tesson que je lis, j'avoue que parfois les descriptions des paysages m'ont lassé. D'autant que je devais souvent consulter le dictionnaire tant le vocabulaire était précis.
Les ruminations sur les entraves de la vie citadine m'ont semblé aussi répétitives.

Mais rien ne sied mieux à Tesson que de voyager sur les traces du passé: les évadés du goulag ou les grognards de Napoléon.

Je salue toutefois le courage et la persévérance de cet homme hors du commun.
Prenez soin de vous , Monsieur Tesson.
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Je viens de faire à grands pas une traversée en diagonale de la France bocagère et rurale, du col de Tende au cap de la Hague.

Par les chemins de traverse, ces fameux " chemins noirs " par lesquels on échappait, avec de l'adresse, à la conscription.

Aidé d'un rapport administratif sur "l'hyper ruralité" , recensant avec commisération ces régions deshéritées où n'arrivent ni Google, ni Amazon, ni le haut debit- et doté de merveilleuses cartes d'état-major qui sont le sésame -ouvre- toi du pays dérobé, Sylvain Tesson, fraîchement tombé d'un toit savoyard un soir de biture et rafistolé de partout, entreprend, un jour de juillet cette Longue Marche d'un nouveau genre.

Celle de la santé et de la reconquête de soi.

Celle d'une exploration presque aussi extrême que celle des steppes mongoles: le pays proche,et si lointain pourtant - encore intact, derrière la modernité menaçante, le remembrement délétère, la monoculture intensive ou la désertification des villages.

Tout un programme.

On marche donc, avec lui, et, au passage, on glane mille réflexions parfois pertinentes, parfois impertinentes. Parfois convenues aussi, avouons-le.

Philosophie de la marche ou philosophie en marche? Un peu des deux. Ce n'est pas ce que j'ai préféré dans ces Chemins noirs.

Ce que j'ai adoré , en revanche, ce sont ses démêlés avec le paysage, ses rencontres , ses corps à corps avec lui.

Mention spéciale pour ĺe plateau d'Aubrac, bien sûr- je le guignais, l'attendais comme on attend un amoureux- mais aussi avec la lande et les grèves du Cotentin où j'ai retrouvé mon cher Barbey d'Aurevilly, romantique, décalé, un peu gentilhomme, un peu brigand- tant aimé !

Un livre qui mérite le succès qu'il a eu: bien écrit, bien décrit, stimulant..

Il m'a donné envie de remettre mes croquenots, d'enfiler mon vieux sac à dos, et de partir à l'aube dans les sentiers pleins de fils de la vierge et humides de rosée.

Me faufiler encore une fois dans la lisière secrète des forêts, sentir les odeurs de feuille et de miel, enfoncer mon pas dans les mousses, sentir l'élasticité des tourbières.

Reprendre mes courses sur les chemins de douaniers, retrouver la molle aspiration des grèves à marée haute.

Chemin des hauts plateaux et sentiers des landes marines, attendez-moi ! Merci, Sylvain Tesson, pour avoir réveillé un appel si puissant!
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J'avais déjà entendu parler de Sylvain Tesson sans avoir jamais rien li de lui jusqu'à CECI et cela n'est pas n'importe quel récit de voyage. L'auteur nous narre comment après avoir été hospitalisé suite à une très mauvaise chute en raison de l'excès d'alcool, il entreprend la traversée de la France à pieds. Attention, pour pouvoir être en paix avec lui-même et la nature, il choisit des sentiers hors-normes, les plus ruraux qui soient ceux qu'il appelle "les chemins noirs" car la civilisation y ait quasiment exclue. Ce qu'il veut, c'est comme dirait Giono, retrouver les "vraies richesses", contact avec la nature, parler avec des hommes sans être plongé dans toute cette pollution, qu'elle soit urbaine, numérique ou encore avoir à faire face à ce qui nous bouffe un peu plus chaque jour, à savoir la mondialisation.

Si il entreprend ce voyage seul, il sera rejoint lors de certaines étapes par deux de ses amis fidèles et par sa soeur. Cependant, si ces derniers lui apportent aide et réconfort, c'est avant tout en lui qu'il doit trouver le courage de se pardonner et d'être en harmonie avec lui-même. Dorénavant, toute consommation d'alcool lui est interdite et, même si il doit parcourir ce long challenge qu'il s'est fixé en ne consommant que de l'eau et du bouillon et en s'autorisant le cigare et autre nourriture plus solide , Sylvain Tesson l'a fait et à cela, je ne peux que dire bravo. Il est tombé mais a su se relever et il nous offre ici un magnifique témoignage en nous disant qu'il ne faut jamais abandonner. Il a le visage déformé, est sourd d'une oreille et a bien cru qu'il finirait ses jours sur un lit d'hôpital mais de tout cela, il n'en ressort que plus fort. Une merveilleuse leçon de courage et de communion avec la nature...et surtout, on ne vit qu'une fois alors faisons attention à ne pas gâcher la chance qui nous est offerte, on n'en aura pas une seconde. A découvrir et à faire découvrir !
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La meilleure façon d'aborder un chemin est-elle toujours de mettre un pied devant l'autre ?
Il aura fallu à Sylvain Tesson de tomber d'un toit, une chute de huit mètres qui aurait pu lui être fatale, pour entreprendre un chemin. Sur les chemins noirs est l'itinéraire de sa reconstruction.
Sylvain Tesson sait qu'il est rescapé. Il va chercher à renaître de ce corps cassé en mille morceaux.
C'est le voyage d'un homme, né d'une chute et qui se relève.
Le temps de recoller les morceaux, voilà l'auteur déjà parti sur ces chemins mystérieux, il va à la rencontre de leurs replis, de leur pur silence, de leur vide miraculeusement sauvegardé au sens physique.
Il est amoché, encore tout cabossé. Son corps lui fait mal. Il avance clopin-clopant. C'est une thérapie. C'est toujours mieux que les tapis roulants des salles de rééducation. On pourrait penser que le premier intérêt de ce livre est de découvrir la géographie insolite d‘un territoire méconnu : celui de ces chemins, ceux de nos ancêtres paysans.
Mais dans nos veines cheminent aussi nos propres chemins noirs, nos dédales faits de mystères et de territoires inconnus. Que l'on tombe d'un toit ou bien du fil d'un funambule, que l'on trébuche dans les trous béants de nos propres vies, qu'importe, le résultat est le même. Une chance parfois surgit de pouvoir se relever. Il faut juste évaluer quel sera le prix de l'effort et, justement, le chemin à parcourir.
Les chemins noirs, c'est la France rurale, ce sont les chemins non balisés, sentiers que l'on devine à peine sur une carte, parfois devenus inexistants. Aucun panneau, aucun signe ne les indique. Pour ce qui est des cartes, il faut aller les chercher sur des cartes IGN au tracé précis.
Les chemins noirs, ce sont des chemins en marge de nos routes.
Peut-être que l'auteur répond à cette sentence d'Hippocrate qui dit que « la force qui est en chacun de nous est notre plus grand médecin. » Marcher, c'est guérir dès lors.
Sylvain Tesson décide d'entreprendre une diagonale entre le Mercantour et la pointe extrême du Cotentin. Ce n'est pas la diagonale du fou, c'est la diagonale d'un homme fou d'azur et d'espace qui se relève dans tous les sens du terme. Il a beaucoup bu avant sa chute, il buvait beaucoup lors de ses escalades fantastiques, et cela aurait pu lui être fatal ce soir-là où il cherchait à tutoyer les étoiles et où il est tombé d'un toit. Alors, il arrête de boire et s'en va sur les chemins.
Lui qui a arpenté les larges étendues des steppes de Russie, le voici dans ce réseau étriqué des chemins de l'hyper-ruralité française.
C'est un corps à corps avec le paysage qui ne lui fait pas de cadeau. C'est un corps à corps avec lui-même.
Il souffre, il a mal, l'effort est rude, mais il sait que l'épreuve lui permettra de retrouver l'usage de son corps. Et puis sans doute le reste aussi...
Car les chemins noirs serpentent dans l'argile et le calcaire et se prolongent en nous-mêmes, dans nos veines, dans les rivages de notre cœur, dans les méandres de nos solitudes intérieures, que nous n'avons jamais fini de visiter.
La renaissance d'un homme est toujours un moment merveilleux.
Il y a bien sûr l'éloge de la nature et du déplacement, hors des sentiers battus, les chemins de traverse, les chemins buissonniers...
C'est un éloge de la lenteur et de l'esquive du monde des écrans et du bruit.
Sur les chemins noirs, c'est aussi un voyage intérieur. L'amitié est au rendez-vous. Il y a de belles rencontres. Des amis, sa soeur, d'autres gens de temps en temps cheminent à ses côtés. Il emporte aussi des livres dans son sac à dos, comme nous le faisons aussi à chaque voyage comme si ce geste était essentiel. Il l'est sans doute, mais pas forcément...
Sylvain Tesson est drôle, il est cultivé, il est intelligent. Mais je reconnais parfois que le « c'était mieux avant » a le sentiment de m'énerver.
Bien sûr il a raison sur certains points, il est ce personnage bourré de paradoxes, outrecuidant sans doute, mais je le lui pardonne volontiers car il est devenu un auteur atypique dans le paysage littéraire français et reconnaissons-le aussi, il en joue un peu dans l'auto-dérision.
Ainsi dans cet ouvrage, j'avoue à certains moments m'être un peu agacé de son point de vue sur l'aménagement du territoire, la fin de la ruralité ou bien notre société remplie d'écrans. Mais oui on le sait... Au risque de m'attirer les foudres des ligues antialcooliques, je le préfère plutôt buveur de vodka que de Viandox et amoureux des grands espaces sibériens, cela lui va mieux car plus inspiré et plus poétique dans son texte. Cela dit, le livre ne manque pas d'intérêt. Et n'oublions pas que l'homme se reconstruit sur ces chemins noirs. L'écriture lui est donc aussi ce parcours vers la verticalité... Étonnamment, j'ai trouvé ce récit trop court alors que certains reprochent à l'auteur d'avoir trop délayé... Je pense qu'il aurait pu creuser davantage certains personnages dans ses rencontres, leur donner un peu plus d'épaisseur.
Et enfin, que voulez-vous il est aussi amoureux des vaches, il leur parle à voix haute et moi aussi. Et puis elles ont des cils magnifiques, à faire craquer le moindre cœur d’artichaut... Nous avons donc ce point commun qui, dès lors, m'oblige à lui pardonner quelques excès pour lesquels j'aurais pu exprimer une forme de réserve... Je reconnais que ce dernier argument ne pèse pas lourd, mais c'est ma façon à moi de dessiner un chemin, noir ou pas je ne sais pas la couleur, vers l'auteur, un chemin non balisé, non écrit sur les cartes, même sur les cartes IGN, c'est juste un chemin du cœur.
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