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EAN : 9782070107483
368 pages
Gallimard (30/11/-1)
3.97/5   16 notes
Résumé :
Ce livre propose la « biographie d’un lieu », Le Brady, dernier cinéma de quartier parisien. L’auteur, qui y fut projectionniste dans les années 2000, a tiré de cette expérience un texte foisonnant, drôle et informé. Il met en scène ses collègues, l’increvable propriétaire J.-P. Mocky, les fondus de films « bis » (fantastique, gore, kung-fu, western spaghetti voire moussaka, porno), mais aussi d’autres spectateurs atypiques (sans logis, retraités maghrébins, amateur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'histoire de Brady est si extraordinaire, qu'elle paraît être une fiction... Et pourtant, si : l'épopée carnavalesque de ce cinéma de quartier ouvert en 1956 et racheté par Jean-Pierre Mocky en 1994 (pour le revendre en 2011) est véridique - et drôle. À lui tout seul, le récit de Jacques Thorens - qui officia comme caissier et projectionniste dans les années 2000 -, donne à la fois un portrait incroyable d'une petite salle de quartier et de ses difficultés (le mot est faible) pour survivre, une petite bio' de Mocky lui-même (hilarant), une cartographie des nanars et du cinéma bis (horreur, western moussaka, taïwannerie martienne, ... avec un très petit budget) et de l'évolution des techniques cinématographiques sans parler d'un tableau des marginaux qui fréquentent le lieu. Car les spectateurs du Brady n'étaient pas beaucoup à être de vrais cinéphiles... avec la formule "double programme" établie dans les années 70, le cinéma propose deux films pour le prix d'un et attire dès lors les clochards qui viennent roupiller quelques heures au chaud - ou des homos qui viennent s'y rencontrer dans "les toilettes dont on ne revient pas". Mais lorsque le cinéma projette Baise-moi de Despentes et Coralie Trinh Thi, les clochards supportent assez mal la scène de viol qui les empêche de dormir et finit même par les terrifier après plusieurs jours ! le Brady était un lieu hors-norme, ailleurs. Aujourd'hui on n'y passe plus Zorro et les trois mousquetaires, le sadique aux dents rouges ou encore L'île de l'enfer cannibale, mais plutôt Mon Roi de Maïwenn (qui est une horreur tout de même, mais d'un autre genre), mais au moins : le cinéma existe encore. Un beau bras d'honneur au monde moderne dont ce livre est une extension jouissive en forme de doigt.
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critiques presse (1)
Telerama
04 novembre 2015
Signant là son premier récit, Jacques Thorens invente une forme originale : une série de fragments, qui reviennent, litanie kaléidoscopique et encyclopédique de ce lieu damné.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Un spectateur venait régulièrement pour nous demander "quand est-ce que vous passez Le Manoir de l'étrangleur ?". Chaque fois la même question. On ne savait pas pourquoi il faisait une fixation sur ce film. Un grand binoclard avec des cheveux longs et une barbe qu'il n’arrêtait pas de frotter énergiquement. On l'appelle "Barbapoux". Il travaille comme archiviste dans une bibliothèque et peut, dans une discussion vous sortir, le nom de l’assistant machiniste d'un nanar inconnu des années 40. Après une séance, il lui arrive de retrouver un groupe d'amateurs de cinéma bis pour discuter.
Un jour, il parait, qu'il a tapé un scandale parce que le générique de début était déjà commencé. Il est sorti de la salle furieux, tremblant, les yeux mouillés. Christian avait lancé la projection trop tôt. Mon collègue a trouvé qu'il charriait un peu.
- C'était Tarzan à Moscou. Tu parles d'une connerie.
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"Quand je suis arrivé, la formule "deux films pour le prix d'un" avait toujours cours. Un Mocky, en alternance avec de l'horreur ou une série Z. Le spectateur qui se présentait vers 17 heures pouvait même en voir trois, car on en passait un autre pour une séance unique vers 20 heures.
Le Brady a fini par être la dernière salle spécialisée dans le fantastique, la dernière à proposer du permanent et du double programme avec les copies d'époque qui circulaient encore. Un monument peu visité où l'on collectionnait l'obsolète. Expliquer chacune de ses particularités revenait à me plonger dans l'histoire des cinémas de quartier. Le Brady portait les traces de chacune de ses mutations : blaxploitation, giallo, kung-fu, western-spaghetti, porno, étrangleurs, bossus, femmes fouettées en prison, morts-vivants, lézards en plastique, érotico-cannibales, nazisploitation, j'en passe et des meilleures. J'observais les strates et les restes. Bien avant que Tarantino et d'autres relancent l'intérêt pour ce mauvais genre.
L'Étrange festival ou une cinémathèque belge pouvaient appeler pour un renseignement, afin de savoir où dénicher une copie, mais ce n'est pas ça qui ramenait des spectateurs en nombre. En 1993, le Brady n'était plus seul, le tract de la première soirée des "vendredis du cinéma bis" à la Cinémathèque française précise : "dans le cadre d'un double programme, dans la tradition des défuntes salles de quartier".
Gérard, notre programmateur, rêvait de ramener davantage de cinéphiles "classiques", pour pallier la défection des fantasticophiles, presque tous partis à la Cinémathèque ou dans les vidéoclubs. Certains considéraient que leur Brady était mort avec l'arrivée de Mocky. Gérard débusquait des films rares, quelques fois abîmés, qu'il faisait rénover par Christian le projectionniste - plus expérimenté que moi. Régulièrement les distributeurs ne se rappelaient même plus qu'ils avaient les droits de ces titres et encore moins l'existence de ces bobines égarées. Comme Jules César de Mankiewicz qui malheureusement avait mieux marché au Quartier latin, quand ils avaient récupéré la copie réparée par Christian.
Au désespoir de Gérard, les cinéphiles n'avaient pas la réflexe d'aller au Brady. Les vieux homos, si.
Aujourd'hui le titre à l'affiche c'est Sodome et Gomorrhe, un péplum.
- Si bon ça. Y a soudoumie, une place, si vous plaît, dit Ahmid goguenard.
Nos clients c'était plutôt ce genre-là."
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Alors qu’à onze heures je rentre me coucher, nos clients entament leur périple. Des marcheurs de nuit encombrés de sacs à dos, des boiteux qui repartent clopin-clopant dans l’obscurité, après la dernière séance.
Ils marchent sans s’arrêter. Pour ne pas se faire attaquer par des voyous. Ou mordre par des rats, quand ils dorment par terre. L’hiver, ils marchent pour ne pas crever de froid.
Certains fouillent les poubelles et revendent ce qu’ils peuvent le jour. D’autres font la manche le matin, puis viennent passer leur « nuit » au Brady l’après-midi.
Vivre à la rue est un labeur épuisant. Certains ont en plus un emploi pénible. Ou un demi-job, payé au noir, un quart de salaire. Ou vaguement rétribué. Ou payé avec un coup de pied au cul et une insulte.
Le soir, quand je ferme, des habitués dorment encore. Souvent les mêmes. Je suis obligé de les réveiller en annonçant du fond de la salle : « On ferme ! »
En espérant qu’ils auront fini d’émerger quand je reviendrai.
Mon collègue Christian crie :
— Allez, on change les draps ! 
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Une dame sort de la salle, et interpelle Gérard.
— Monsieur, il y a un homme nu dans la salle. 
— Qu’est-ce que vous dites ? 
— Oui, un homme tout nu, à poil. 
Gérard descend, dubitatif, et voit un homme complètement déshabillé, assis, les jambes croisées étendues sur le dossier du fauteuil de devant, les vêtements posés sur le côté. Gérard, sec :
— Monsieur, vous faites quoi là ? 
Le type, détendu :
— J’ai trop chaud… j’aime bien être à l’aise… vous voulez mon billet ? 
— Non, je veux que vous vous rhabilliez. 
— Mais j’ai payé mon billet, c’est quoi le problème ? 
Gérard, consterné, prend les habits et se dirige vers la sortie, suivi par le type. Les spectateurs pouffent de rire. Arrivé dans le hall, il les jette dans la rue. L’homme outré et nu explose.
— Je vais porter plainte ! C’est une honte ! J’ai payé ma place ! 
Des passants s’arrêtent et rient.
— Je vais appeler la police ! 
— Ouais, ouais c’est ça ! Va la chercher.
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