Un ouvrage collectif impressionnant et ce d'autant plus quand on sait que l'instigatrice avait à peine 19 ans quand elle l'a réalisé.
Un document doté d'une couverture (4ème, puis 1ère, livre ouvert et retourné) constituée d'une série de bandes verticales de couleurs, une par année de 1600 jusqu'en 2021, illustrant l'augmentation de la température moyenne de la planète. Tout au bout à droite, le rouge clair, qui devient rapidement sombre. Une image saisissante !
Moins de 450 pages et, pourtant, j'ai rarement éprouvé autant de difficultés à progresser dans une lecture, réellement accablante psychologiquement. Tant de cupidité, de soif de pouvoir, de déni et de stratégies de désinformation qui pénalisent nos vies à tous, nous le vivant, humains, animaux et végétaux, et plus encore celles de nos successeurs sur Terre !
Cet ouvrage rassemble les données les plus récentes (en 2022) sur le climat sous tous ses aspects, en cinq grandes parties ; son fonctionnement, les changements violents actuels, l'impact sur l'humanité, ce que nous (n') avons (pas) fait jusqu'à présent, ce qu'il faut faire dès maintenant.
Greta Thunberg a rédigé elle-même les pages d'introduction de tous les chapitres des cinq parties du livre, mais elle a laissé la parole à de nombreux contributeurs :
- des enseignants en écologie et biologie évolutive, en climatologie, en sciences de la Terre, en analyse des systèmes climatiques, en énergie et changement climatique, en écologie végétale et systèmes terrestres, en écophysiologie intégrative, en biogéochimie, en sciences de l'atmosphère, en météorologie, en politiques de développement durable, en politiques énergétiques et climatiques, en psychologie environnementale, en justice climatique, etc.
- des chercheurs issus de CICERO, du centre de recherche climatique Woodwell, de l'Institut de recherche de Postdam, de l'agence géologique GNS, du musée d'histoire naturelle de Londres, de l'Institut de recherche Grantham, des universités de Leeds, Manchester, Oxford, Harvard, Sanford
- des médecins épidémiologistes
- des journalistes scientifiques ou d'investigation
- des géographes et des hydrologues
- des rédacteurs au GIEC
- le directeur général de l'OMS
- des militants auprès de Greenpeace, Fridays for Future, Pacto X el Clima, Unite for Climate Action, Fossil Free University
- des politistes
- des écrivains.
Ces témoignages et ces synthèses de recherches émanent de nombreuses nations du globe, Etats-Unis, Canada, Jamaïque, Brésil, Argentine, Colombie, Allemagne, Autriche, Norvège, Suède, Royaume-Uni, France, Espagne, Ethiopie, Tchad, Namibie, Ouganda, Kenya, Afrique du Sud, Japon, Inde, Bangladesh, Philippines, Nouvelle-Zélande, Australie.
L'erreur fréquente du grand public est de confondre météo et climat. Si une augmentation de 2° de la météo locale est bénigne, une élévation globale du climat de 2° provoquera des catastrophes :
- des phénomènes extrêmes tels que sécheresses et désertifications, inondations, ouragans, canicules, incendies, problèmes sur le cycle de l'eau
- l'intensification de la 3ème vague d'extinction d'espèces, avec la mort des coraux, de beaucoup d'espèces d'arbres, d'innombrables insectes (dont les pollinisateurs si indispensables à l'alimentation humaine) et oiseaux et une perte générale considérable de la biodiversité
- la fonte des calottes polaires et l'élévation du niveau des mers de plusieurs mètres (la hausse des températures dans l'Arctique est deux à trois fois plus rapide que la moyenne mondiale), l'inondation des ports et d'une partie des villes côtières, la disparition partielle ou totale d'îles
- des risques sanitaires dramatiques, car de vastes zones du globe vont devenir inhabitables en raison d'une température létale, des pandémies, des famines, une pollution exacerbée, un accès de plus en plus problématique à l'eau potable
- des problèmes sociaux et politiques, avec la migration climatique de plusieurs milliards d'humains (en 2020, déjà 30 millions de personnes déplacées pour des raisons climatiques) et un effondrement probable des démocraties.
Or, nous en sommes déjà à un réchauffement global de 1,1°. Une climatologue anglaise, rédactrice du rapport du GIEC, énumère les perturbations qu'entraînerait un réchauffement à 1,5°, à 2° et à 4°.
Certains des participants à cette oeuvre sont bien pessimistes, face à l'hypocrisie de nos dirigeants et aux mauvais choix dans lesquels ils s'entêtent :
- ce professeur d'énergie et de changement climatique anglais qui fait le bilan scandalisé de ses participations aux COP et de l'idéologie du déni qui y règne, en des termes incisifs
- cette journaliste suédoise qui découvre les mensonges de son pays, pourtant considéré comme à la pointe de la stratégie climatique, sur la réalité (habilement réduite) de ses émissions
- cet Autrichien, rédacteur principal au GIEC, enseignant chercheur sur l'usage des terres émergées, qui dénonce l'usage actuel du bois comme biomasse
- ce responsable allemand d'un institut de recherches sur le changement climatique et ces experts anglais en systèmes alimentaires, devant l'utilisation déraisonnable des terres, les systèmes de production alimentaire étant la première cause de dégradation environnementale
- ce professeur et cette chercheuse, Anglais, qui dénoncent une cartographie mensongère des émissions de CO2, les pays les plus consommateurs ayant délocalisé leur production industrielle dans les pays émergents
- ce journaliste indépendant norvégien qui dévoile les mensonges de l'industrie, celle-ci assurant toujours maîtriser prochainement le captage et le stockage du CO2, alors que les solutions technologiques sont inexistantes
- l'énorme problème des transports, de la surconsommation, des emballages et des déchets, le mythe du recyclage des plastiques,…
Une éthique commune de transition juste est pourtant possible, qui donnerait des réponses adaptées aux crises que nous vivons actuellement : abandonner les énergies fossiles aussi vite qu'il est humainement possible de le faire ; réparer les préjudices climatiques causés en aidant les nations les plus pauvres à franchir l'étape des combustibles fossiles pour accéder directement aux énergies renouvelables ; faire des investissements massifs dans une reconversion des emplois, qui seraient axés sur le soin, la restauration des terres endommagées, une production alimentaire saine, les transports publics ; appliquer le principe du pollueur payeur. L'argent nécessaire est bien là, quand on l'estime indispensable, comme pendant la pandémie de Covid-19. Certaines villes dans le monde montrent un exemple concret durable de prises de décisions démocratiques, sans la mainmise autoritaire des entreprises privées qui font pression sur les dirigeants.
Une stratégie égalitaire implique aussi que les riches doivent faire le maximum pour réduire leurs émissions et que les pauvres doivent être aidés à s'adapter à un réchauffement compris entre 1,5° et 2°, alors que, actuellement, les quelques mesures prises par les dirigeants des pays riches ne requièrent aucun effort de la part des plus aisés mais pénalisent les plus pauvres de leurs concitoyens.
Il faudrait une refonte du système lui-même, une redistribution de l'argent et du pouvoir politique, pour aboutir à une «reconstruction du monde». Ce monde issu du système planétaire de domination économique, établi par les Européens sur la conquête coloniale et l'esclavage, amorcé dès le début du XVIème siècle, qui a produit la révolution industrielle et la crise climatique. Schématiquement, le Nord détient les richesses, le pouvoir et pollue, tandis que le Sud, aux populations autochtones et racisées, concentre la pauvreté, reçoit la pollution des riches et subit la crise climatique en première ligne. «Le colonialisme d'hier revient sous de nouveaux oripeaux, trouve de nouveaux arguments, prend de nouvelles formes».
Et pourtant, l'espoir est toujours là. La philosophie environnementale autochtone, notamment, est une leçon de vie et d'avenir.
«La nature est notre supermarché, notre pharmacie, notre hôpital, notre école».
«Ceux qui se soucient le plus de notre planète, de nos forêts, de nos sources d'eau douce, sont ceux qui sont le plus touchés par sa destruction. C'est un fait indéniable, confirmé par de nombreuses institutions scientifiques : les véritables gardiens des forêts, de la planète, sont les peuples autochtones».
Changer de vision du monde, pour aller vers un monde intègre et apaisé. Il suffirait d'être suffisamment nombreux, informés et conscients de la réalité de notre situation, et à décider d'agir, pour que le point de bascule soit là...