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EAN : 9782868531391
99 pages
Le Temps qu'il fait (19/05/1998)
4/5   1 notes
Résumé :
Assis sur l’herbe de l’alpage, à 2 300 mètres, j’ai enregistré au magnétophone ce que mon jeune ami, Jean-Pierre Imbert, berger d’abord puis éleveur, a bien voulu me raconter, répondant à toutes mes questions sur l’élevage des moutons dans le Queyras et la vie de son troupeau. Les deux entretiens, séparés par treize ans d’écart, sont tressés avec des descriptions de la montagne elle-même, ses pierres, ses fleurs abondantes, ses ruisseaux. Le récit tente aussi de fai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Sonnailles qui carillonnent... Les percevez-vous ?
Elles sont l'une des voix du troupeau qui crapahute, l'une des ritournelles qui préviennent de sa vision proche. Et les bêlements, comme des conversations entre brebis ou chèvres... Mais pas seulement, conversations tout autant entre les émotions animales et les perceptions de l'humain qui les guide.

Le berger reconnaît chaque tintement de cloche, devine qui la porte, tout comme les agneaux, en entendant le son aigrelet, se précipitent vers la mère pour se nourrir, ainsi pas de jaloux, pas un qui a plus que l'autre puisque tous deux accourent en symphonie.
Le berger en agitant la sonnaille de l'an passé voit arriver, pleine d'élan, la bête qui en était porteuse, en reconnaissance du son qui s'est inscrit en elle, qui remémore le périple qu'elle va effectuer.

Et puis, surviennent les aboiements, encore sont-ils davantage imaginés que perçus, devinés qu'entendus. Les chiens s'élancent, resserrent le troupeau, le font se mouvoir vers la nouvelle herbe, ramènent les bêtes égarées et se couchent pantelants à l'avant quand l'heure du repos recouvre le labeur accompli.

Peut-être encore la sonorité d'un sifflement de marmotte, ou celui d'un rouge-queue sautillant sur un rocher plat, quand le regard quitte le tapis mouvant des dos pour embrasser, pour un bref instant, le paysage qui les porte ?


Après avoir entendu, c'est l'apparition du troupeau qui vous laisse silencieux et songeur : ce ruban de laine qui s'étire et s'étale, qui galope et s'émiette. Plusieurs cohortes sont réunies et accompagnent celui qui veillera sur eux, toute la saison.

Et puis la montagne, puisque sans elle, il n'y aurait pas de transhumance, pas de spectacle à contempler... Son herbe qui crisse sous les mâchoires des gourmandes, ses pierres qui glissent sur les sabots, l'eau des torrents qui murmure en sautillant de caillou en caillou, l'air qui ragaillardit homme et bêtes, le ciel plus transparent que le saphir le plus pur, les nuages à l'image de ceux qu'ils accompagnent, groupés, s'effilochant pour mieux se rejoindre ensuite.

Et puis les couleurs, les nuances, les reflets de cette flore multicolore que l'air pur avive, têtes arc-en-ciel dressées des corolles qui se balancent et dansent, qui s'agitent selon les vents, un ballet gracile, aussi léger que chatoyant. Un ballet qui s'est amenuisé à la seconde visite treize ans plus tard, une vision de la nature qui change de visage….


En ouvrant ce livre, en suivant les mots comme des nuages qui filent dans le ciel, en contemplant les photographies qui les incarnent, ce sont toutes ces pensées, toutes ces sensations, toutes ces émotions qui soufflent à votre visage, le vent s'enrubanne autour de vous, vous tendez la main vers la neige qui s'émiette en craquant sous vos doigts, les pins et les herbes vous enivrent de senteurs fortes, vous êtes au milieu de ces bêtes rudes autant qu'attentives, vous voilà, vous aussi, en partance pour les sommets.


J'ai semé quatre étoiles pour ce magnifique livre, pour celles qu'il accroche aux yeux, pour la richesse de l'enseignement permis par le récit de Jean-Loup Trassard, pour la rencontre à une décennie d'intervalle de ce berger croisé un jour d'autrefois et de sa passion, pour les touches poétiques déposées délicatement par la plume de l'écrivain, aux hasards de ses contemplations et de ses méditations.
La cinquième est restée dans ma main, je la garde pour l'évocation de ce beauceron mal-aimé, recueilli par le berger pour travailler à ses côtés - ou serait-ce par le troupeau tout entier ? - dont la vie s'écrit finalement en tristesse, incarnant une existence qui m'a profondément touchée, une destinée presque aussi noire que sa robe, celle-là même qui affole par sa teinte les bêtes qu'il garde et guide, une étoile que je laisse s'accrocher au firmament pour lui, pour lui dire mes pensées qui s'envolent vers lui et vers sa vie désormais privée de liberté.

Un très beau livre, un très beau voyage en altitude, là où ne subsiste de la folie humaine que les pas, le silence à l'écoute du bruissement des animaux et la contemplation des paysages.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Schistes lustrés, d'un vert mêlé de noir. Cassures luisantes, lisses sous la paume. Marche : pierres que je touche, plantes inconnues (une minuscule violette mauve à feuilles grasses), et tellement de ciel. Me suit l'idée d'un berger si vieux, à cape grise comme la feuille du génépi, si vieux - attente - qu'il ne garde plus que nuages, leur distribuant encore du sel sur les pierres que penche la montagne.
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Videos de Jean-Loup Trassard (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Loup Trassard
La Fête du Livre de Bron propose chaque année une journée de réflexion sur des enjeux majeurs de la littérature contemporaine. le vendredi 8 mars 2019, nous proposions un focus sur les liens entre littérature, nature sauvage, grands espaces, sciences humaines et environnement. Lors de cette 33ème édition, nous avions la chance d'accueillir Pierre Schoentjes, professeur à l'Université de Gand, spécialiste du « nature writing » en langue française pour un grand entretien exceptionnel, animé par Thierry Guichard, à revivre ici en intégralité.
Dans Ecopoétique, Pierre Schoentjes étudie les spécificités du « nature writing » en langue française – le terroir plus que la terre, le lieu plutôt que le paysage, l'esthétique plutôt que l'éthique – en délimitant un corpus littéraire constitué d'écrivains comme Jean-Loup Trassard, Pierre Gascar, Charles-Ferdinand Ramuz ou Philippe Jaccottet. Mais il explore aussi les oeuvres d'écrivains très contemporains comme Emmanuelle Pagano, Belinda Cannone ou Marie-Hélène Lafon. En partenariat avec l'Université Lyon 2, la Médiathèque Départementale du Rhône et Médiat Rhône-Alpes.
©Garage Productions.
Un grand merci à Stéphane Cayrol, Julien Prudent et David Mamousse.
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