Théodora en a connu, des péripéties, dans sa vie de « négresse blanche aux yeux bleu pétrole » !
C'est une Tsigane née au bord du Danube, là-bas, dans les plaines de l'Est. Mariée à 15 ans, comme toutes les filles tsiganes, elle doit renoncer à son amoureux Aladin, l'accordéoniste romantique, pour suivre Vassili le forcené. Elle n'aura pas l'occasion de vivre longtemps avec lui, car l'Europe s'emballe... Les « dieux noirs » SS s'emparent un jour du camp et la violence s'abat, horrible et crue.
S'ensuit un long calvaire où les Tsiganes connaissent le sort des Juifs. Elle assiste, impuissante, à la mort de sa mignonne petite fille dans un camp d'extermination, alors qu'elle vient de prendre sous sa protection Nahum, un petit Juif échappé d'un massacre dans un village voisin.
Et puis la vie continue, malgré tout...
Le communisme s'empare de la liberté au nom de la Patrie, et l'envie se fait de s'enfuir à l'Ouest.
Les gens se perdent, se retrouvent et se perdent à nouveau, et Théodora n'échappe pas à cette lente désagrégation de l'être. Son passé la gangrène. Elle marche, travaille, embarque sur un bateau qui lui fait vivre un autre amour mais connaitre une autre guerre, celle du Vietnam. Et la fuite en avant reprend, jusqu'à ce qu'elle décide de boucler la boucle de la vie, de retourner aux sources de son être, le long du Danube.
Ce périple lancinant se répercute dans la façon d'écrire de l'auteur, qui mène son trajet comme une incantation. La poésie est là, omniprésente, et pour ma part envahissante. Pourtant je l'aime, la poésie ! Mais ici, elle m'a semblé souvent anachronique, comme si les coups de butoir du destin ne pouvaient s'accorder avec cette langue si mélodieuse de
Jean Marc Turine.
Impression mitigée donc, car si j'ai été choquée par les conditions de vie abruptes des Tsiganes à toutes les époques, si j'ai savouré les mots et la plongée dans l'âme des gens, j'ai moins aimé le mélange de ce contenu craquant de toutes parts et du style poétique et mélodieux.
Merci aux éditions Esperluète, pour m'avoir fait cadeau d'un roman de littérature belge – celle-ci n'est jamais fade ni commune, elle interpelle toujours - , et à Babelio pour son opération Masse critique.