Ce livre a le mérite de nous faire connaître l'histoire de l'Ile Maurice sous forme romancée. Cependant, l'auteur se complaît un peu trop à mon goût dans le misérabilisme et le pathos, ce qui comme tout élément extrémiste nuit au propos. (simple opinion)
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Etouffant. Etouffant par le sujet : les atrocités de l'engagisme à Maurice, qui n'ont rien à envier à l'esclavage. Et étouffant par la forme : le livre n'en finit pas ; au fil de deux générations, ce sont les mêmes meurtres, les mêmes coups de fouet donnés par les planteurs français, les mêmes prisons, les mêmes espoirs de révolte déçus. Une espèce de long roman feuilleton, pourrait-on dire sans avoir peur de choquer, dans un style très sobre, avec des dialogues sans trop d'intérêt émaillés par des worksongs improvisés par les « laboureurs » (anglais "labourers", travailleurs ). du coup, j'ai fini le livre en lisant en diagonale, sautant certaines pages. Honte sur moi, car cet écrivain mort en 2018 avait mis toute son âme pour dénoncer un passé dont Maurice n'est sans doute pas sorti.
Les motivations des engagés sont pourtant clairement montrées, comme ce soldat qui a quitté son Bihar natal parce que, « une fois gagnée la bataille contre les Français, les Anglais offriraient l'île aux combattants » (p.27). La déception est grande, avec cette plaque numérotée qu'on leur attache au cou lors de leur débarquement à « Maritch », et ces premiers suicides d'Indiens qui refusent de travailler pour rien, ou « d'envoyer sa jolie épouse chez le patron, qui la lui réclamait pour la nuit » (35). Ceux qui ne se retrouvent pas en prison demeurent prisonniers dans leur village, « un lieu sans murs et sans gardiens. (…) Les murs, on peut toujours sauter par-dessus, et l'on peut aussi briser les chaînes, mais quand il n'y a ni murs ni chaînes tangibles, dans quel secret recoin de l'âme doit-on chercher la clé de la liberté ? » (57). « Les lois d'immigration avaient été modifiées récemment et, sous certaines conditions, l'on avait désormais le droit de regagner son pays d'origine. (…) Kissan se montrait radicalement opposé à ce projet. (…) On ne pouvait plus considérer Maurice comme un terre étrangère après qu'on y eut sué sang et eau. Si le pays était aujourd'hui florissant, riche et fertile, c'était grâce aux bras des laboureurs qui avaient contribué à sa prospérité » (126). Suite à une épidémie. « Taleb était mort également avant même d'arriver aux champs. Les deux contremaîtres [on ne connait pas leur ethnie, dans le livre] avaient balancé son corps dans le puits où tout le village puisait son eau. le soir venu, deux hommes étaient descendus dans le puits pour en retirer le corps, mais il se décomposait déjà et ils n'avaient pas pu remonter le cadavre entier » (194). « À un moment, les laboureurs s'étaient demandé pourquoi le patron laissait mourir tous ses travailleurs. Après tout, il allait perdre une bonne partie de sa main-d'oeuvre. (…) Mais ils comprirent le jour où ils entendirent un contremaître expliquer que d'ici deux ou trois jours accosterait un navire chargé de travailleurs. Ils arrivaient du Bihar, comme les autres. On attendait quelque trois cent cinquante personnes, que l'oncle de Satya avait déjà réservées pour le patron. Il toucherait pour sa livraison quinze anas par mois et par personne. Alors pourquoi se soucier des malades ? » (207). Sur la mise en culture en commun de trois arpents difficilement conservés, p. 256 (cf aussi p.292). le planteur va lâcher une centaine de porcs dedans, protégés par des gardes armés (283). Finalement, des titres de propriété sont octroyés grâce à un avocat (324). Mais la nuit où meurt la belle Pushpa, devenue vieille, un terrible cyclone détruit tous les champs de maïs (376). Madan perd la vue en tentant de prendre des sacs de riz chez le patron, alors que règne la famine (402). Il arrivera encore à sarcler : « Dans la lumière du matin, au coeur du couloir obscur qui lui tient lieu désormais de décor, Madan arrache les mauvaises herbes à tâtons. Il palpe de ses doigts les jeunes plantes et distingue au toucher les feuilles d'aubergine des autres, qu'il enlève. Il nettoie ainsi tout son champ et remet de la terre autour des plants. Il se déplace en suivant les sillons, à l'estime » (408). Il décide finalement de partir avec deux amis, tenter à nouveau, comme son père jadis, d'unir les villages de la région pour préparer la révolte. le livre s'achève sans dire s'il y parviendra.
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Des pensionnaires de l'hôpital, Mangru était le seul qui fût ami de Kundan. (...) Par maladresse, Mangru laissa tomber le bol d'eau qu'un gardien venait de lui donner. Le gardien se jeta sur le pauvre Mangru et le bourra de coups de pied. La violence des coups le projeta violemment contre le mur.
En Inde, ils ne connaissaient que la colonisation, et l'espoir d'échapper enfin à cette situation humiliante faisait naître de grands espoirs. Tous les passagers du bateau quittaient leur terre les yeux remplis de larmes. Il est toujours triste de se séparer de ceux qu'on aime.