Le grand cerf-volant : Poèmes, contes et chansons

Contrairement à ce que dit Serge Gainsbourg qui, malgré son talent (ou son génie) n'en était pas à une ânerie près (ou provocation, va savoir), la chanson n'est pas un "art mineur".
Il est vrai que, pendant une très longue période, la chanson dite de variété était surtout un fond sonore qui permettait sans doute de sortir de la grisaille quotidienne, de rêver un peu, mais au fond, un peu futile. Utile, oui, mais futile. En tous cas pas de quoi intéresser les spécialistes de littérature ou de musique. Mais sont venus des ACI (auteurs-compositeurs-interprètes) qui ont tiré vers le haut cet art nouveau : la chanson, aujourd'hui, peut être témoignage de la société et du monde qui nous entoure, la chanson peut être chant de révolte ou d'amour, la chanson peut être poésie.
Car, c'est maintenant une chose avérée : la chanson est à présent l'un des supports majeurs de la poésie, et ce à plusieurs titres. Tout d'abord, certains auteurs de chansons sont de véritables poètes : Trenet, Brassens, Ferré, Brel, Béart, Barbara, Ferrat, et bien d'autres sont reconnus aujourd'hui comme des écrivains à part entière et des poètes indiscutables. Il y a ensuite des auteurs de chansons qui, sans avoir un talent poétique évident, atteignent parfois, souvent pour certains, un certain niveau de poésie. C'est le cas d'artistes comme Aznavour, Adamo, Lemarque, d'autres encore. Certains paroliers de grand talent, spécialisés dans ce domaine, ne laissent pas indifférents : Delanoé, Dabadie, Roda-Gil, entre autres, peuvent par moments nous toucher et nous émouvoir. Rappelons également que la poésie a souvent été mise en valeur par une adaptation musicale souvent réussie. Qu'on se souvienne d'Aragon mis en musique par Ferré ou Ferrat, de Prévert par Kosma, de Paul Fort et Hugo par Brassens, etc. Enfin n'oublions pas les générations plus récentes, les Souchon, les Cabrel, les Duteil, les Lavilliers et bien d'autres, brassent les mêmes thèmes avec une illustration plus moderne, mais procurent chez nous une égale émotion. Aujourd'hui ces formes nouvelles que sont le rap et le slam cachent des trésors poétiques qui seront les classiques de demain. "Une chanson, c'est peu de chose, mais quand ça se pose au creux d'une oreille, ça reste là, allez savoir pourquoi" chantaient les Compagnons de la Chanson. Une chanson, bien sûr, sert de jalon, de repère historique à tous les moments de notre vie, en quelque sorte elle pérennise un instant donné, mais elle éveille aussi en nous souvenirs et émotions, nous fait rire et pleurer, et réfléchir, et rêver. N'est-ce pas là aussi une des caractéristiques de la poésie ?
Parmi ces ACI qui sont aussi des poètes à part entière, Gilles Vigneault tient une place de choix. Avec ses amis Félix Leclerc, Robert Charlebois, Claude Léveillée et quelques autres, il représente l'âme d'une chanson québécoise d'une très grande qualité, ambassadrice d'un pays, d'une richesse extraordinaire, et qui plus est d'une portée humaine considérable.
Gilles Vigneault est né en 1928 à Natashquan (Québec). Il est l'auteur d'une oeuvre immense (poèmes, contes et chansons) dont l'essentiel est rassemblé dans cette anthologie. On y retrouve les chansons les plus symboliques de l'auteur, ses poèmes les plus beaux (souvent ce sont les mêmes) et quelques-uns de ces contes où la poésie se même de fantaisie et s'ouvre parfois sur une méditation plus intérieure.
Tout Vigneault est là : son amour de la terre natale éclate à chaque poème, à chaque chanson; et en même temps ce cri d'amour devient universel. L'humanisme québécois a un nom : Gilles Vigneault.
Si vous ne connaissez pas - ou peu - cet immense poète, auteur et chanteur, courez écouter ses disques et lire ses oeuvres. Gilles Vigneault fait partie de ces rencontres qu'on ne fait qu'une fois dans sa vie, mais qui laissent un souvenir indélébile.

"Ce grand bonhomme sautillant chante comme s'il avait perdu quelque chose d'important, que sa voix cherche à faire revenir. Et tout le monde, là autour, a perdu quelque chose, c'est certain...
Alors il chante la légende de Jack Monoloy, l'indien qui aimait une blanche...Il conte l'histoire de Gros Pierre qui attendait la belle Laurelou, sa fiancée...
Et l'émotion nait de cet homme au pied musicien dont les mots étincellent d'espoir sur fond de neige, entre le feu et l'enclume du langage "françois".
Ce livre donne à lire Gilles Vigneault, sa langue écrite demeure une vaste parlure d'images à entendre".