"Connaissance ! tu es le fléau de tous les hommes. Tu es convoitée mais aussi repoussée. Tes vastes étendues couvrent des domaines ignorées de tous. Et le sage marin qui a beau étudier et voyager avec une tranquillité sereine, prend conscience qu'il n'arrivera jamais sur la terre ferme. Malédiction, s'il m'est impossible de tout savoir, à quoi bon courir après un douloureux dessein. Puis-je trouver un bonheur où la connaissance ne planerait pas en coquine au-dessus de ma tête ?" Telle est la problématique qui est celle de Voltaire à cette époque.
Dans un style noble et très épuré, Voltaire conte ici l'histoire d'un vieux bramin « sage, pleins d'esprit et très savant » très désemparé alors qu'il voit sa vieille voisine hébété et pourtant pleine de joie. Face à cette situation, alors qu'un semblant de doute s'empare du bramin, il finit aussitôt par répondre « je me suis dit cent fois que je serais heureux si j'étais aussi sot que ma voisine, et cependant je ne voudrais pas d'un tel bonheur. »
Cette petite parabole envoyé à Mme du Deffand en octobre 1759 témoigne d'un style didactique à son plus haut degré. Une qualité propre aux chevaliers des lumières en France parmi lesquelles, Voltaire, règne en prince. Un petit diamant certes, mais sans doute l'un des plus rares de la littérature française. La contradiction entre la recherche d'un bonheur imbécile qui finit par aboutir au couronnement de la raison, ne laisse pas indifférent le lecteur qui se souvient peut-être des paroles de Candide : « il faut cultiver notre jardin ».
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Je pense que je suis trop jeune pour apprécier ce texte ... c est assez -voir très très très- compliqué à comprendre
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"N'êtes vous pas honteux d'être malheureux dans le temps qu'à votre porte il y a un vieil automate qui ne pense à rien, et qui vit content ? - Vous avez raison, me répondit-il ; je me suis dit cent fois que je serai heureux si j'étais aussi sot que ma voisine, et cependant je ne voudrais pas d'un tel bonheur." [...]
"Il y a pourtant, disais-je, une furieuse contradiction dans cette façon de penser." Car enfin de quoi s'agit-il ? D'être heureux. Qu'importe d'avoir de l'esprit ou d'être sot ? Il y a bien plus : ceux qui sont contents de leur être sont bien sûrs d'être contents ; ceux qui raisonnent ne sont pas si sûrs de bien raisonner. "Il est donc clair, disais-je, qu'il faudrait choisir de n'avoir pas le sens commun, pour peu que ce sens commun contribue à notre mal-être."
Frappé du bonheur de cette pauvre créature, je revins à mon philosophe, et je lui dis :« N’êtes-vous pas honteux d’être malheureux, dans le temps qu’à votre porte il y a un vieil automate qui ne pense à rien, et qui vit content ? — Vous avez raison, me répondit-il ; je me suis dit cent fois que je serais heureux si j’étais aussi sot que ma voisine, et cependant je ne voudrais pas d’un tel bonheur. »
De là je conclus que, si nous faisons cas du bonheur, nous faisons encore plus de cas de la raison.
VOLTAIRE / CANDIDE / LA P'TITE LIBRAIRIE