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sur 593 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La prise de la Bastille a été racontée maintes fois... par ceux qui n'y étaient pas. On nous récite son histoire telle qu'elle fut écrite par les notables, depuis l'Hôtel de ville. L'originalité d'Eric Vuillard est de reprendre ces évènements du point de vue des révoltés. Un livre ardent, où notre fête nationale retrouve sa grandeur tumultueuse. Encore un très beau livre de la collection Actes Sud, écrit par un auteur passionnant, de par les thèmes originaux abordés – voir « Tristesse de la terre » ou « l'ordre du jour » –, de par l'angle d'approche renouvelé, de par son écriture incandescente.

« Mais on ne nous raconte jamais ces pauvres filles venues de Sologne ou de Picardie, toutes ces jolies femmes mordues par la misère et parties en malle-poste, avec un simple ballot de frusques. »

Du 23 au 28 avril 1789, les émeutes rue de Montreuil font des centaines de morts, les gendarmes tirant dans la foule. le 28 avril serait la journée la plus meurtrière de la Révolution française. Eric Vuillard nous emmène avec les émeutiers envahir la Folie Titon, ce palais au luxe inouï (« une Folie » dont l'occupant n'avait pas honte, le nom sonnant comme une provocation), occupée par Jean-Baptiste Réveillon, le propriétaire de la manufacture royale de papiers peints (très à la mode et alors en plein essor). L'écriture de l'auteur se grise de la découverte brutale de toutes ces richesses pour des gens du peuple qui manquent de pain après un hiver particulièrement glacial :

« On fracassa les becs de verre sur les marches du palais et l'on but, cul sec, les plus grands crus, s'ensanglantant la gueule. Que c'était bon ! il n'y a rien de mieux que siffler d'une traite un vin à mille livres, picoler du château-margaux à la régalade. le gazomètre bien rempli, on se releva avec des godasses à bascule, la cervelle en terrine, démâtés, portant des lunettes en peau de saucisson et chicorant comme des vaches. »

Le 11 juillet les gardes-françaises, régiments chargés de la protection du roi, se rallient à la foule contre les soldats qui se retirent… Barricades, incendies des octrois… On sait tous ce qu'il advient ce 14 juillet 1789, la Bastille est assiégée par des foules considérables que plus rien n'arrête. Eric Vuillard nous immerge dans cette prise et ce saccage de la Bastille. L'Histoire a laissé quelques chiffres et une liste : le compte est de 98 morts parmi les assaillants, 1 mort du côté des gardes et la liste officielle des vainqueurs de la Bastille comporte 954 noms.

S'ensuit l'allégresse générale dans Paris, celle-ci ayant réussi à survivre jusqu'à nous à travers les bals populaires du 14 juillet, commémoration de cette joie d'un futur réinventé par la population elle-même. L'évènement est considérable et pose les fondations de la République à venir. Après bien des soubresauts, la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » s'inscrit durablement dans l'imaginaire collectif.

L'écriture est admirable mais j'ai dû aller chercher la signification de bien des termes obscurs ou, je pense, inventés pour l'occasion. Cela donne un côté épique, sorte de « chanson de geste », exposant avec grandiloquence l'exploit guerrier passé. L'effet est saisissant si on accepte de mettre en avant cette musique des mots.

L'auteur a pris le pari de faire revivre des participants issus de la foule dont on ne connaît pratiquement rien. Il s'agit des vraies gens exhumés de l'oubli à travers certaines archives de la police et d'une liste des « vainqueurs de la Bastille ». A partir des noms découverts sur ces listes, repris dans ce livre, l'auteur recrée un déroulement vraisemblable, mais sans se faire trop d'illusion :

« Il faut écrire ce qu'on ignore. Au fond, le 14 juillet, on ignore ce qui se produisit. Les récits que nous avons sont empesés ou lacunaires. C'est depuis la foule sans nom qu'il faut envisager les choses. Et l'on doit raconter ce qui n'est pas écrit. Il faut le supputer du nombre, de ce que l'on sait de la taverne ou du trimard, des fonds de poche et du patois des choses, liards froissés, croûtons de pain. »

C'est un livre très dense qui pose la question de l'histoire telle qu'elle se fait, telle qu'elle s'écrit, telle qu'elle se transmet. A une époque où les questions sont de nouveau posées quant au besoin d'une autre répartition des richesses et des pouvoirs dans notre société, il était utile de raconter cette irruption soudaine du peuple sur la scène du monde. En cette année troublée par la pandémie, quel 14 juillet va-t-on avoir ? Est-ce important de conserver la mémoire de ces temps porteurs de destin ? Julien Déniel dit, dans cette chanson, beaucoup sur les symboles du 14 juillet : malgré le temps qui passe et l'âpre bataille pour couper la fête nationale de ses origines, les feux d'artifices, les pétards, les lampions portés par la foule restent bien une réminiscence de temps historiques de basculement... Bon 14 juillet à toutes et tous !
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Si cette chronique vous a plu, passez visiter mon blog Bibliofeel avec ses illustrations célébrant ce livre : une photo de la belle couverture du livre sur fond de fleurs de Bignone (magnifiques en cette période) et une chanson sur le 14 juillet de Julien Déniel. A bientôt !
Lien : https://clesbibliofeel.blog
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J'étais impatiente de me plonger dans un ouvrage d'Éric Vuillard, au vu des critiques dithyrambiques répertoriées dans Babelio et influencée aussi en raison du prix Goncourt 2017 qui lui a été attribué pour L'ordre du jour. J'ai donc débuté avec 14 juillet, la Révolution française étant un de mes thèmes préférés en lecture historique. Ce récit des faits entourant la journée du 14 juillet 1789 m'a subjuguée; l'angle qu'a choisi Éric Vuillard pour aborder l'événement permet d'en mieux appréhender l'atmosphère et on ressent avec lui le souffle puissant déversé sur le Paris de l'époque à travers ses mots précis et l'agencement de chaque phrase. J'ai aimé le côté humain que cet ouvrage renvoie sur ce grand mouvement révolutionnaire, l'auteur prenant le parti de nous donner les noms des hommes, des femmes et des enfants qui y ont participé, leur sort pendant et longtemps après les faits. Je n'y ai trouvé aucune lourdeur, seulement de l'émotion palpable chapitre après chapitre. Un ouvrage incontournable qui vient compléter les nombreux que j'ai lus à ce sujet.
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Mirabeau, Danton, Robespierre, Saint-Just, Desmoulins... dès que l'on évoque la Révolution de 1789, ce sont ces noms-là, ces personnages-là qui nous viennent à l'esprit. Mais les autres ? Tous les autres ? le peuple de Paris qui ce 14 juillet 1789 s'est soulevé et a défié toutes les lois de "droit divin" ? Qui les connaît ? Qui s'en souvient ? Dans quelles limbes de l 'Histoire sont-ils tombés ? Eric Vuillard, dans ce récit formidable, les fait renaître. Pour quelques jours, pour quelques instants, souvent ceux qui précèdent leur mort, ils occupent le rôle et la place qui furent les leurs. Oui, Eric Vuillard nomme quelques figures de cette foule anonyme qui a pris la Bastille. Dans le tableau vivant qu'il brosse tumultueusement, les évènements s'enchaînent ou se superposent avec cette même confusion qu'ont dû ressentir Louis, Lisette, Guillaume, Michel, Stanislas, Manon, Suzanne, Louise, Marie, Jeanne...
De l'ouverture des états généraux en avril jusqu'à ce jour d'émeute de juillet, chacun agit en une constellation d'actes minuscules, de ces détails qui déterminent les destins individuels et collectifs. le tableau s'anime par les mots, par leur force et nous sommes immergés dans cette atmosphère qui sent la poudre et le sang. A leur tour, les personnages que L Histoire a figés en leur posture rentrent dans l'ombre et ce sont les "gens de peu" qui apparaissent en pleine lumière. Leurs idéaux sont prosaïques, ordinaires et admirables d'humanité : du pain, du travail, la dignité.
Au fil de la lecture, les émotions se bousculent, se chevauchent au rythme rapide de la narration. J'ai été emportée par la fougue de l'élan, par l'impétuosité des acteurs de cette journée turbulente. Mais le récit s'attarde aussi sur les individus, détaillant leur rôle, leur rendant une identité et une existence. Il y a quelque chose de profondément émouvant dans cette démarche qui nous fait ressentir, comme jamais lors des cours d'histoire, les enjeux humains de la prise de la Bastille. Un magnifique ouvrage !
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S'appuyant sur les archives, Éric Vuillard a réussi un livre aussi important que nécessaire sur ce fameux 14 Juillet 1789 qui a tant marqué notre histoire, démontrant que les événements ayant permis la prise de la Bastille avaient commencé quelques mois plus tôt.

La Folie Titon, cette maison de plaisance, avait connu la gloire avec le premier décollage d'une montgolfière emportant deux hommes dans sa nacelle. L'enveloppe de papier venait de la manufacture Réveillon, boulevard Saint-Antoine, à Paris.
Le 23 avril 1789, J.-B. Réveillon réclame une baisse des salaires à l'assemblée électorale de son district… « Or, le peuple avait faim. » Des émeutes ont lieu à Besançon, Dax, Meaux, Pontoise, Cambrai… mobilisant femmes, enfants, chômeurs.
Paris, 600 000 habitants, compte 80 000 sans emploi et sans ressources. « L'après-midi du 27 avril, une foule percola de Saint-Marcel, réclamant le pain à deux sous et criant : Mort aux riches ! » La maison d'Henriot, fabricant de salpêtre, est saccagée. le lendemain, la foule s'amasse devant la folie Titon et s'y engouffre.
Le style d'Éric Vuillard nous emporte dans ce débordement qui lance vraiment la Révolution française : « le produit dérobé du travail doit être gaspillé, sa délicatesse meurtrie, puisqu'il faut que tout brille et que tout disparaisse. » Les gendarmes arrivent, tirent et font plus de 300 morts, autant de blessés, certains sont pendus, d'autres marqués au fer rouge puis envoyés aux galères… Après le 10 août 1792, c'est la journée la plus meurtrière de la Révolution.
Pendant ce temps, « le délectable et le gourmand prennent la direction de Versailles, le fade et le maigre celle des faubourgs… Tout Versailles joue… le royaume frise la banqueroute. » 1 500 personnes sont chargées de la bouche du roi, les ministres des finances se succèdent à une cadence effrénée. On spécule en Bourse et le peuple a faim.
L'auteur insiste sur la multitude des petits métiers : porteur d'eau, marchand de ferraille ou de peaux de lapin, cocher, tailleur de pierre, tonnelier, loueuse de chaises, vendeuse de harengs ou de betteraves, papetier, serrurier, tapissier, imprimeur, vannier, brouetteur… Il n'oublie pas non plus de citer un maximum de noms, ceux qu'il a pu trouver dans les archives.
Le 11 juillet, Necker est remercié. Camille Desmoulins prononce son premier discours et il bégaye. La troupe charge mais les gardes-françaises se rallient aux émeutiers : « Paris est désormais au peuple. »
Le 13 juillet, à l'Hôtel de Ville, les bourgeois créent une milice armée alors qu'au même moment, le roi part à la chasse et que la reine cueille des capucines au Trianon, à 20 km de Paris. On cherche des armes. On dévalise le garde-meuble de la couronne et « la nuit du 13 juillet 1789 fut longue, très longue, une des plus longues de tous les temps. » La chaleur était écrasante après un hiver très froid.
« le 14 juillet 1789, la Bastille est assiégée par Paris. » le récit est dense, détaillé, au ras du peuple avec des morts, des blessés, des notables qui se ridiculisent et des gens modestes qui se comportent en héros.

Contrairement à ce que nos livres d'Histoire laissent supposer, la prise de cette forteresse demanda beaucoup de sacrifices et fit 98 victimes plus d'innombrables blessés. Sa destruction commença aussitôt : « Une immense allégresse s'empara de la ville. »


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Eric Vuillard choisit des détails méconnus et essentiels à la compréhension historique: il fait parler les archives de la police, il nomme et fait revivre par de menues et anodines caractéristiques ceux qui ont constitué ce que les livres d'Histoire appellent aujourd'hui "le peuple" ou "le tiers-état". En les sortant de l'anonymat, il nous donne là encore une lecture différente de notre histoire nationale.
L'exigence littéraire (on pourrait qualifier ces récits d'essais plus que de romans) et le foisonnement de détails rendent la lecture un peu ardue mais l'angle de vue très humain atteint son objectif : révéler l'envers du décor.
Tout le talent d'Eric Vuillard tient à ce qu'en nous parlant d'un épisode historique bien précis il nous adresse aussi un avertissement sur la détermination des choix d'aujourd'hui. A ces deux dimensions, historique et universelle, s'y ajoute une troisième, personnelle, qui prolonge notre réflexion : quels silences ou quelles paroles, quelles mauvaises décisions ou éclairs de lucidité (l'intuition si difficile à écouter parfois...) dessinent notre destin?
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Après avoir lu " l'ordre du jour" du même auteur, je voulais voir si je serai encore séduit par son écriture. Et, oui ! C'est un roman très court, qui rentre directement dans l'action de ce qui fut un moment clé de la Révolution Française de 1789. On y voit le tumulte, les mouvements de masse des petits artisans, ouvriers, commerçants du centre de Paris. Ce peuple qui recherche des armes pour prendre la Bastille, ce peuple que le préfet, les délégations de bourgeois vont essayer de calmer, sans réussite. Eric Vuillard, le nomme ce peuple : des noms, d'où venaient-ils ces révolutionnaires (parfois) d'un jour, quel était leur métier dans la vie... En somme, il donne vie à cette effervescence collective du petit peuple. Décrivant la situation catastrophique de ce peuple qui a faim, il montre le mépris des patrons (ceux des Folies) et celui de la noblesse. Et il nous amène à cette mise à feu du Tiers État après les Etats Généraux d'avril. Cette députation finalement modérée, sera poussée au renversement de la monarchie. Et c'est en quelques mots, 200 pages, qu'Eric Vuillard nous fait comprendre que les idées des Lumières ne suffirent pas, la main mise sur l'économie par la bourgeoisie réclamait un bouleversement ! On le sent, on le vit, il nous conte ce jour historique heure par heure jusqu'à la chute du pont levis de la Bastille ! On y est, sous la mitraille des gardes suisses, avec les insurgés ! c'est un livre à faire lire pour partager la réalité d'un tel moment d'histoire, c'est vivant, passionnant, et qu'elle belle écriture !
Je conseille vivement ce roman, notamment à faire lire aux adolescents qui s'interrogent sur la Révolution Française.
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Eric Vuillard nous livre ici une fresque historique intéressante et superbement bien écrite.

J'ai grandement apprécié le fait d'axer le récit sur le peuple. Nous allons suivre durant ce récit une multitude de personnages qui, bien souvent, n'apparaîtront que durant quelques pages, mais qui nous font ressentir l'effervescence de ce moment. On sent que tout le monde est concerné et participe plus ou moins à ce grand moment historique.

La plume d'Eric Vuillard est belle et vient très clairement magnifier ce récit.
Cela me donne envie de me plonger dans l'ordre du jour, le livre du même auteur qui a reçu le Goncourt.

Je vous conseille vivement cette lecture rapide, qui vaut le détour.
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La Feuille Volante n° 1205
14 Juillet – Eric Vuillard – Actes sud.

Avec un titre pareil, je me suis dit que j'allais lire, sous la plume de cet auteur, tout ce que je savais déjà, la vérité officielle sur la Révolution et la fin de la royauté, bref tout ce qui avait encombré les manuels scolaires depuis des générations. Que nenni, et heureusement ! L'histoire n'est pas faite que des agissements des plus grands et dans le déroulé des événements on oublie volontiers le peuple qui crève de faim ou meurt sur les champs de batailles quand le roi festoie ou dépense en frivolités l'argent des impôts toujours plus lourds, mène des combats inutiles et meurtriers pour les soldats. Sous l'ancien régime la dette publique croît en même temps que la spéculation pendant que le peuple trime. Tout se passe évidemment à Paris où on sent bien que les choses vont changé, qu'on est au bord d'un monde finissant et qu'il faut être de ce mouvement qui enfantera autre chose, sans qu'on sache très bien quoi. Alors, de la France entière tous les gueux, les miséreux, les vagabonds affluent vers la Capitale, se retrouvent dans la rue, viennent grossir cette foule anonyme et aveugle qui maintenant menace la couronne. Il y a des hommes et peu de femmes, des jeunes, des vieux mais ils parlent tous un patois différent, ne se connaissent pas, n'ont pas de nom, pas de lignage prestigieux, mais partagent ensemble la misère et la faim. Avec ces débordement et ces pillages, cette populace constitue un risque, on va faire donner l'armée, celle du roi, mais, même si on ne connaît rien aux combats ni à la stratégie, on s'arme de bric et de broc, les désertions se multiplient, on a le ventre vide et il fait chaud. Les révolutions accompagnent toujours la faim et les beaux jours…

A ce peuple grossier et innombrable, il faut des représentants instruits qui présentent bien et qui savent parler et il s'en présente, braves gens qui voudraient bien que tout cela se calme, authentiques révolutionnaires qui souhaitent que ça change vraiment ou opportunistes qui sentent le vent tourner et qui veulent tenter leur chance. Certains y laisseront leur vie et d'autres survivront à ce grand chambardement et à coups de palinodies et de trahisons finiront par prendre la place de ceux qu'ils combattent présentement. Ainsi va l'espèce humaine !

Dans un style passionné, vivant et riche, l'auteur raconte ce qui s'est passé mais, mieux peut-être, ce qu'il suppute, et imagine de ces journées périlleuses et, tragiques où le monde a basculé. Sous sa plume à la fois imaginative et érudite, il fait revivre un Paris populaire, celui des faubourgs et des ruelles, celui des cabaretiers, des artisans et des putains, ce Paris révolutionnaire où tout se joue ici, comme toujours. Alors on improvise tout, les combats comme les soins aux blessés, des hommes apparaissent et disparaissent, simples fantômes vite évanouis ou figures qui deviendront emblématiques, des destins se font et se défont, d'aucuns ont leur moment de gloire qui ne dure qu'un instant et d'autres commencent ici une ascension sociale qui sera fulgurante, certains s'apprêtent à porter leur croix de bois, d'autres devront à la Révolution naissante leurs étoiles de général et d'autres, à l'empire qui n'existe pas encore, leur bâton de maréchal. L'auteur refait avec force détails, certes inventés, mais qui paraissent authentiques tant ils sont bien rendus, la prise de cette citadelle-prison dont notre histoire retiendra plus tard la date et la symbolique nationale. Il multiplie les intervenants, de simples noms d'hommes, curieux, incrédules ou fanfarons, venus ici voir ce qui se passait, entre indignation, impatience et autorité. Eric Vuillard est un génial conteur et quand il évoque le quotidien et la mort d'un de ces quidams, le lecteur ne peut qu'être attentif au récit et révolté contre l'injustice de la camarde qui frappe aveuglément, compatissant à la douleur de ceux qui restent. Il sait aussi rendre la liesse populaire qui s'empare des rue de Paris à la suite de cet événement symbolique en même temps que la volonté populaire de conserver cet acquis et aussi l'anonymat. Les choses étaient effectivement en train de changer.

J'ai passé un bon moment à la lecture de ce court roman


© Hervé GAUTIER – Janvier 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Une prise de la Bastille à ras d'hommes

J'ai eu la chance d'entendre Eric Vuillard présenter son livre à Manosque, il avait fait preuve d'un tel enthousiasme pour parler de son roman que je m'étais promis de le lire très vite.

Eric Vuillard plante le décor en ouvrant son récit sur l'émeute Réveillon du 23 avril. Prémices du 14 juillet, cette émeute fera 300 morts lors de la journée la plus meurtrière de toute la révolution. Jean-Baptiste Réveillon, propriétaire de la manufacture royale de papiers peints, avait réclamé une baisse des salaires alors que la famine sévissait dans une France criblée de dettes.

Eric Vuillard nous raconte la prise de la Bastille à hauteur d'homme, il met en scène le peuple. Il fait revivre tous ces invisibles en leur donnant des noms, un métier, une région d'origine... Des métiers qui racontent la vie de ces hommes, des métiers qui pour certains n'existent plus. C'est une véritable avalanche de noms, de métiers avec laquelle Eric Vuillard nous embarque pour vivre ces journées historiques.

Il nous fait vivre la nuit du 13 juillet et la journée du 14 juillet heure par heure, des Invalides à la Bastille. Environ 200 000 personnes, hommes, femmes, ouvriers, petits commerçants, artisans, bourgeois, étudiants, pauvres... sont dans les rues "il faut se figurer une foule qui est une ville, une ville qui est un peuple." "La Bastille est assiégée par Paris." et décrit avec ironie les "gens de l'hôtel de ville" qui viennent calmer les esprits.

Eric Vuillard mêle une part de fiction à son récit autour de certains de ses personnages, il invente des noms de femmes qui apportent la poudre, les repas (peu de noms de femmes figurent dans les archives), il utilise le "on" pour parler de la foule, invente des mots "les mouches rognonnaient", utilise des mots d'argot "le frichti", glisse des anachronismes lorsqu'il parle de traders par exemple. "La vérité passe à travers mes mots comme le signe de nos secrets."
Le "je" de l'écrivain "Oh! je sais, on me l'a dit, ..." apparait aussi de temps en temps.

En filigrane il évoque ses sources, les écrits qu'ont laissés des gens du peuple parfois rédigés par des écrivains publics lorsqu'ils étaient illettrés, des écrits empreints de vérité où ils racontaient simplement ce qu'ils avaient fait ce jour là. Il s'est aussi appuyé sur les procès-verbaux retrouvés aux archives de la police au Chatellet.

Il pointe également les points communs avec la situation actuelle avec son lot de dettes et d' inégalités et termine son récit sur une espérance avec une belle fin poétique, une rêverie optimiste avec une belle image d'une pluie de papier "je n'ai jamais pris l'espoir pour une illusion lyrique".

Eric Vuillard rend parfaitement l'atmosphère qui a dû régner ce jour là, cela grouille, cela bouillonne dans ce texte foisonnant au rythme souvent haletant. J'ai ressenti une impression incessante de mouvement, le mouvement de cette foule qui a tout fait céder devant elle.
Eric Vuillard est un écrivain qui met l'histoire au centre de son oeuvre, il a parfaitement réussi à restituer cet événement si hautement symbolique et à le rendre passionnant.



Lien : http://leslivresdejoelle.blo..
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Le tourbillon des jours et des heures qui précédent la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789.
La rue grondait, pourtant fêtes et ragots amusaient Versailles. Bientôt réunis, les États généraux se divisent. Certains représentants du Tiers État entendent bien faire entendre leurs voeux et rallier à eux ces bougres, ces miséreux, ces moins-que-rien qui peuplent et triment dans les rues de Paris. Ceux sont des milliers d'individus différents et en même temps ils ne forment qu'un corps mouvant et insaisissable.
Vuillard, comme toujours, campe les personnages dans leur quotidien, avec leurs convictions ; il décrit les jours qui conduisent à la déflagration ; enfin il suggère combien la réalisation d'un événement majeur n'a tenu qu'à quelques instants, qu'à quelques décisions.
Flamboyant !
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