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3,69

sur 587 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Lire un récit sur la prise de la Bastille un 14 juillet tisse des liens particuliers, inattendus et forts. Elle est tellement plus proche qu'on ne pourrait l'imaginer cette date emblématique du 14 juillet 1789… Entre cette journée et le mouvement des gilets jaunes, il n'y a qu'un pas, un minuscule petit pas à franchir, qui j'espère trouvera un autre chemin, une autre écoute, bref une autre conclusion, ou ouverture… J'espère.

« entre les mâchoires du temps, on croit parfois entendre des voix »

Eric Vuillard donne la parole à des voix oubliées, des noms exhumés des archives, des anonymes, affublés parfois d'un métier, d'une région, « le bottin de la bastille », et qui ont autant leur place dans l'Histoire que d'autres noms célèbres. Alors, il conte, raconte et décompte ceux qui ont été au cœur des événements, ce 14 juillet 1789… le peuple !

« Il faut écrire ce qu'on ignore. Au fond, le 14 juillet, on ignore ce qui se produisit. Les récits que nous en avons sont empesés ou lacunaires. C'est depuis la foule sans nom qu'il faut envisager les choses. »

Et la foule, c'est justement LE personnage central de ce livre. Difficile de s'identifier à un personnage plutôt qu'à un autre. Ils sont à peine esquissés et s'inscrivent dans un mouvement, un tout. Le héros, est indéniablement cette masse, ce peuple affamé qui en crève et finit par s'insurger, sans trop savoir ou cela va le mener, étonné d’être ensemble ; une somme d'individualités, quelques moments de bravoure, de grâce, de crainte, de colère, d’espoir et l’exaltation du nombre qui enfonce les portes.

Même si j'ai été dérangée par l'omniprésence de l'auteur et des énumérations qui ont parfois plus tendance à étouffer qu'à libérer l'imagination, j'ai aimé voir sortir de l'ombre ces inconnus qui ont joué un si grand rôle sans le savoir, avec leurs « petites » initiatives qui se fondent dans la masse, Il y a un souffle épique qui nous emporte malgré nous.
Certains passages sur la description de la ville «qui grandit à vue d'œil comme une enfant sur les photographies, comme si l'on feuilletait un furieux folioscope. » sont passionnants. D'autres sont carrément surréalistes, comme le billet tendu par un des gardes de la Bastille à travers une meurtrière, ou encore l'épisode de la porte, ultime bastion entre les assiégés et les assiégeants. Ah ! Je ne résiste pas à mettre un autre extrait : « La Bastille était devenue une simple maison à la porte de laquelle le monde frappait. Alors, scène irréelle, comme le portier de nuit qu'on réveille dans un hôtel et qui bâille, un invalide, ignorant tout de la rhétorique des grandes occasions, entrouvrit et demanda poliment ce qu'on voulait. »

Bref, comme le chantait Edith Piaf, dans un contexte il est vrai quelque peu différent, j'ai été emportée par la foule , qui nous traîne, nous entraîne …

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Tout a été dit déjà, que puis-je ajouter?
Malgré tout , dans ce récit au présent, mené tambour battant, d'une façon descriptive extraordinaire, nous revivons les heures fiévreuses, le bruit et la fureur au coeur de la tourmente.L'auteur offre un nom, un visage, un métier, une fonction aux "petits", aux " riens du tout", des héros , ces hommes et ces femmes, qui, dans un élan joyeux, la peur au ventre, dans le désordre, la fumée , la mitraille, la poussière , ont fait l'histoire "sans le savoir".
Ces gueux et ces gueuses , sans y croire, allaient faire basculer le destin d'un pays!

Comment s'appelaient t- ils d'ailleurs, ceux qui ont donné un coup de boutoir au régime et ébranlé un régime ô combien archaïque ? Aumassip, marchand de bestiaux, Béchamp le cordonnier, Bizot, charpentier, Bersin, ouvrier du tabac, Mammés Blanchot , dont on ne sait rien, des invisibles, des pauvres filles venues de Sologne et de Picardie, hantées par la misère et le dénuement , amères et révoltées.............

Un exercice mené de main de maître à toute allure, un récit à taille humaine et une multitude d'histoires dans la Grande histoire...cette prise de la Bastille , comme si on y était !
Comme si nous étions auprés de ce peuple en marche pour la révolution !
Bel hommage mérité à ces anonymes , leurs hésitations, leur trouille , leur générosité, le grain de folie qui fit avancer ces ci- devants, ces sans droits !
Lu dans le cadre "du prix historique Jean d'heurs" , spécifique à mon département .




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Un diablotin est sorti du décor conventionnel de nos livres d'Histoire de France pour animer les invisibles, ce petit peuple de Paris enragé de misère qui mit à terre une royauté décadente.

Dans un récit baroque et déchaîné de fureur, Eric Vuillard nous invite au jeu de rôle, nous laissant nous attribuer celui qui nous convient. Porté par une frustration de ne pas en avoir été, il en reconstitue minutieusement les minutes à travers les rues de la capitale et nous oblige à imaginer le décor. Il torpille au passage certaines vérités historiques inscrites dans le marbre par ses aînés.

Ca hurle, ça s'excite, ça s'énerve dans tous les patois, ça se bouscule sous une chaleur écrasante, et ça finit par tout casser. Paris est au peuple, le bruit est énorme, fait de tocsin et de hurlements, dans la mitraille et la fumée. C'est à la fois canaille et joyeux, violent et colérique. La foule est monstrueuse et l'assaut final de la vieille Bastille est un tel chaos qu'on finit par se perdre soi même dans la mêlée.

Talentueux exercice d'écriture et bel hommage historique aux anonymes.
À lire d'une traite, le déplacement temporel n'en est que meilleur.
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Écrire ce qui n'a jamais été dit, faire rentrer dans la grande histoire les petites gens, redonner la parole à ceux à qui on l'a confisquée en leur donnant ...des porte-parole, écrire l'histoire sans créer des premiers rôles, comme Michelet, écrire L Histoire en campant la frêle silhouette d'un Rousseau qui n'est pas Jean-Jacques, d'un Falaise, d'un Sagault, d'un Rossignol avec la même attention, le même respect, la même émotion qu'on a mise à restituer le coup de gueule formidable de Mirabeau, les bégaiements audacieux de Des moulins.

Voilà le pari -le Paris?- d'Éric Vuillard. Pari(s) réussi!

Ce 14 JUILLET ne ressemble pas à une page de manuel: c'est le poème d'un Rimbaud des barrières, la chanson d'une ribaude du port au Bled, c'est une courte épopée d'un jour dont le peuple de Paris, dont Paris est le héros.

En le lisant, j'ai retrouvé l'enthousiasme, l'émotion, la ferveur éprouvés autrefois, à Vincennes, quand, de tous les petits groupes qui se pressaient autour des comédiens du Soleil, partait , après un passionnant recit, en léger décalage, la même phrase saluée par nos acclamations successives: "Et c'est comme ça qu'on a pris la Bastille!''

J'en ai toujours la chair de poule, quand j'y pense. Et le livre de Vuillard m'a fait le même effet: comme si on m'avait rendu, enfin, après une longue confiscation, un peu de notre mémoire collective, un peu de notre solidarité - un morceau d'espérance.

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Tout commence par la révolte dans un atelier de papiers peints, lorsque le patron Jean-Baptiste Révillon veut réduire les salaires de trois cents de ses employés. Nous sommes le 23 avril 1789.

Cinq jours plus tard, la colère gronde, ON envahit la demeure de J.B. Révillon :
« On pilla la belle demeure, on brisa les vitres, on arracha les baldaquins des lits, on griffa les tapisseries des murs. Tout fut cassé, détruit. On abattit les arbres ; on éleva trois immenses bûchers dans le jardin. Des milliers d'hommes et de femmes, d'enfants, saccagèrent le palais »

Peu à peu, au fil de son récit Eric Vuillard donne des noms et des identités à ces « ON ». Ils deviennent Antoine Salomon, cocher, Jean Morin, tailleur de pierres, Charles Glaive, papetier, Jean Robert, allumeur de réverbères et tant d'autres pris dans la masse d'une foule surexcitée par la chaleur exceptionnelle de cet été 1789.

Ils se dirigent vers la Bastille, le symbole qu'il faut abattre. Ils ont chacun leur motivation et quand ils pressent sur le pont-levis, c'est bien plus qu'une armée qui vient tenter de pousser cette porte qui s'interpose entre le peuple et le Roi.

Eric Vuillard nous raconte ce « 14 juillet » comme aucun livre d'histoire ne l'a jamais fait, à travers des personnages inconnus et qui vivent réellement l'événement. Ici, pas de héros ou de personnage principal, nous suivons la foule et les passants lors de la Révolution.

Je ne connaissais absolument pas Eric Vuillard et je ressors totalement convaincu d'avoir lu le texte d'un grand écrivain.
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Est-ce que ce 14 juillet risque de se reproduire ? Dans ce récit, le gagnant du Goncourt 2017, offre des noms, un métier, une vie aux anonymes qui ont pris la Bastille. L'impression d'être au milieu d'une pièce de théâtre qui se joue, tellement l'écriture est vivante. Original et intéressant.


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L'Histoire à hauteur d'hommes est une de mes focales littéraires de prédilection, la littérature étant pour moi le meilleur moyen ou en tout cas le moins mauvais pour approcher des réalités que les livres d'histoire ne sauraient dire.
C'est exactement ce que propose ce court roman : une traverse à ras du sol de Paris de la journée explosive du 14 juillet 1789. Et même s'il s'agit d'une promenade avant tout littéraire, bien que nourrie de documents d'histoire, et donc d'une pure fiction partiale par nature, l'immersion est plutôt réussie. Cette lecture, axée sur le peuple de Paris, fait pour moi le pendant d'une autre, le roman de la Révolution racontée par Hilary Mantel du point de vue et à hauteur de vue de ses chefs de file.
La plume est tantôt parfaitement pertinente, tantôt légèrement agaçante, mais l'ensemble fait mouche et atteint son but : plonger son lecteur dans un moment d'histoire avec ses odeurs, ses tensions, ses bruits, et une couleur humaine et crédible.
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Voilà un court récit incisif, qui nous plonge au coeur de la Révolution française à hauteur d'homme. Où l'on découvre, d'ailleurs, que ladite Révolution a commencé le 23 avril 1789, le 14 juillet n'en étant que la journée la plus belle, la plus heureuse pour un peuple décidé à obtenir ce qu'il était venu chercher à la Bastille -de la poudre à canon.
C'est la première fois que je lis un récit traitant de la Révolution française écrit au présent. Eric Vuillard raconte la vie des milliers des citoyens qui se sont pressés dans les rues de Paris, ce jour-là. le peuple n'est plus un concept abstrait, mais des individus réunis par un même ras-le-bol de la pauvreté, un même ras-le-bol des rentiers oisifs pour lesquels ils triment. Vuillard leur donne des voix, des rires, des cris ; des visages, des corps ; des pensées, des rêves, des sentiments ; des noms. Ils ne sont plus anonymes. le style est sec, brut, efficace, ironique -il m'a parfois fait penser à Pierre Lemaître dans la façon d'interpeler les lecteur.
C'est une façon étonnante et rafraîchissante de (re-)découvrir cet événement majeur de notre Histoire sous un angle totalement humain, dénué de tout romantisme ou de froideur historienne, mais bourré de tumulte, de bruit et de vie.
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Comment se fait-il qu'il ne soit jamais venu à l'idée de personne de s'emparer d'un tel sujet ? Avant Éric Vuillard, il semble en effet qu'aucun romancier ne se soit avancé sur le chemin de l'un des actes fondateurs de notre histoire puisqu'il est devenu notre fête nationale : la prise de la Bastille le 14 juillet 1789.
Rendons un triple hommage à l'auteur de Tristesse de la terre. D'abord celui d'avoir creusé les archives et, faisant oeuvre d'historien, de nous détailler ce qui s'est vraiment passé ce jour historique ainsi que sa genèse.
Ensuite pour le ton avec lequel il nous restitue cet épisode aussi dramatique que glorieux. En accumulant les verbes et les adjectifs, il donne un mouvement incroyable à l'événement, si bien que l'on se sent littéralement entraîné par cette foule immense aux pieds de cet impressionnant monument.
Enfin, chapeau bas pour avoir redonné vie au peuple de France, à ces pauvres gens qui se sont improvisés en armée et qui ont fini par renverser la montagne qui se dressait face à eux. Pendant que les Robespierre et autre Mirabeau théorisaient la République une et indivisible, les sans-grade allaient au charbon. On serait presque tenté d'écrire allaient se faire tuer joyeusement tant ils mettaient d'entrain – ou d'inconscience – dans leur combat.
Tout a donc commencé par une grande famine. Comme les récoltes avaient été mauvaises, la population ne parvenait plus à se nourrir et attaquaient les greniers à grain et pillaient les magasins. de partout la colère grondait. À Paris, les gardes-françaises répriment les manifestations dans le sang avant de se rallier aux émeutiers.
Le peuple s'accapare la capitale aux cris de «Mort aux riches!». Les bourgeois, inquiets se réunissent à l'Hôtel de Ville. « Ils montent un comité et décident la création d'une milice armée. À la même heure, le roi part à la chasse. Son cheval galope dans les bois, ses gens rameutent les chiens, ça jappe, le cerf coure entre les fourrés. Seul le temps change les hommes, mais certaines distances semblent chargées de siècles; à vingt kilomètres de Paris, on vit dans un autre monde. La reine est au Trianon, elle cueille des capucines. »
Nous sommes le 14 juillet, au moment où près de la moitié de la population de Paris converge vers la forteresse de la Bastille. Il y a là les ouvriers, les petits commerçants, les artisans, les pauvres, les déserteurs, les brigands et même quelques bourgeois. Ils sont rassemblé tout ce qui de près ou de loin pouvaient servir comme armes, allant chercher des canons dans des musées, des épées dans des théâtres. « Il faut imaginer ça. Il faut imaginer un instant le gouverneur et les soldats de la citadelle jetant un oeil par-dessus les créneaux. Il faut se figurer une foule qui est une ville, une ville qui est un peuple. Il faut imaginer leur stupeur. »
Humble, l'auteur reconnaît qu'au fond, on ignore ce qui se produisit vraiment. Mais cela lui donne la liberté d'imaginer et son récit n'en est que plus «authentique». Il énumère les noms de cette foule bigarrée, voit les jeunes hommes intrépides – ou inconscients – nous retrace des morceaux de leur biographie, le pays ou la région d'où ils viennent. Nous parle de Sassard le couillon, Scribot le cul-terreux, Servant, l'employé, Serusier, le marchand de légumes et puis Vattier, dit Picard, Cholet, dit le Bien-aimé et tous les autres, les pères et les fils. «C'est dingue ce qu'un faubourg contient de vies». Bien entendu, il n'oublie pas les femmes dont la détermination est tout aussi grande.
Les premiers coups de feu sur les assaillants donnent soudain à leur avancée une dimension plus dramatique. « Assassins ! Assassins ! » hurle la foule qui reprend sa marche en avant. Et voilà que la fronde et la colère se transforme en un opéra, une « grande guerre de gestes et de mots », que la fiction se transforme en réalité, que le 14 juillet est incarné. Place à la Fête Nationale !
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J'ai eu la chance d'assister à la pièce de Joël Pommerat sur le début de la Révolution française. Les acteurs installés anonymement dans le public transforment chaque spectateur en protagoniste de l'Histoire. Ici, c'est le même mouvement qui emporte le lecteur jusqu'au 14 juillet 1789.
J'ai adoré les mouvements de foule, mais mon enthousiasme s'est dissipé lorsque Vuillard a tenté de recréer les vies minuscules des anonymes morts ce jour-là. Il imagine leur vie, leurs émotions mais que dire qui ne soit lieu commun? « Hier soir, avec sa femme, ils ont joué aux dés, au lieu de dîner. Les affaires iront mieux le mois prochain. Soudain, à travers je ne sais quelles migrations déchaînées d'images et de mots, le visage de sa femme lui apparaît, un peu inquiet, soucieux. Mais qu'a-t-il donc oublié de lui dire ? Il ne sait pas. Il la trouve belle, tout près de lui. le soir, dans le grenier, on se caresse ; le goût des lèvres, de la bouche, tout cela est si doux, si intérieur, qu'on ne sait le décrire. Chaque homme a son secret.
Il revoit leurs draps blancs. La petite fenêtre. La cour où les enfants jouent. Ah ! que c'est beau et calme la vie, à l'abri, derrière ses souvenirs. À présent, deux types le traînent comme un sac, près du mur. Il a perdu connaissance. L'un d'eux lui tient la jambe et retire ses souliers ; il les enfile très vite, il est pieds nus. L'autre arrache sa chemise et retourne ses poches. Alors, la placière qui se tient derrière nous en silence, notre vie durant, lève enfin la tête et lui demande de la suivre. » Est-ce que Sagault nous est plus proche d'avoir été un bon mari? Je ne pense pas. Ce qui fait de ces hommes et de ces femmes nos contemporains, c'est leur révolte et leur indignation. En en faisant de (piètres) personnages de roman, non seulement Vuillard ne parvient pas à les exalter mais il rendrait presque suspect son 14 juillet dont on n'est plus très sûr qu'il assoit son récit sur des sources rigoureuses. J'aurais apprécié une postface telle celle qui clôt « Au revoir là-haut » en donnant toutes les références dont Lemaître s'est inspiré.
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