Ethan Frome

toute leur intimité était faite de pareils instants de rapprochement muet, où, étonnés et attendris, ils rencontraient le bonheur, comme s’ils eussent surpris un papillon dans les bois dénudés et neigeux. (p. 97, Chapitre 9).

« Zenobia, bien que doutant du savoir-faire de la jeune fille, fut tentée par la liberté qu’elle aurait de la trouver en défaut sans courir grand risque de la perdre. » (p. 75)

A moins qu'il n'ait assez d'elle, lui aussi...
Ce cri de détresse était comme un baume sur sa blessure saignante.

Tous les habitants de Starkfield, comme dans des communautés plus notables, avaient eu assez de soucis personnels pour les rendre relativement indifférents à ceux de leurs voisins; et bien que tout le monde convint que ceux d'Ethan Frome avaient passé la mesure commune, personne ne m'expliqua l'expression que, je persistais à le penser, ni la pauvreté ni la souffrance physique n'avaient pu imprimer sur son visage.

C'était tout... Mais toute leur intimité était faite de pareils instants de rapprochement muet, où, étonnés et attendris, ils rencontraient le bonheur comme s'ils eussent surpris un papillon dans les bois dénudés et neigeux.

Ethan la regarda avec répugnance. Elle n’était plus la créature apathique qui avait vécu à ses côtés, morose, uniquement absorbée par ses problèmes, mais une présence mystérieuse, étrange, un esprit d’une force diabolique sécrété au fil de ces années de rumination silencieuse.

Elle était donc là, tout près de lui, seulement séparée de lui par une étroite cloison de bois. Dans un instant, elle passerait la seconde porte et sortirait dans la nuit, et les yeux d'Ethan, habitués à l'obscurité, la verraient aussi clairement qu'en plein jour. Pris d'un soudain accès de timidité, il se rencogna dans l'obscurité, contre le mur, et resta là en silence au lieu de lui signaler sa présence. L'un des aspects merveilleux de leurs relations, depuis le premier jour, c'était qu'elle, qui était plus vive, plus subtile, plus extravertie, au lieu de l'écraser de sa supériorité, lui avait transmis quelque chose de sa propre aisance, de sa propre liberté; mais il se sentait désormais aussi lourdaud et rustre qu'à l'époque du lycée, quand il avait essayé de "faire la cour" aux filles de Worcester, lors d'un pique-nique.

Ethan regarda sa femme avec haine. Elle n'était plus cette créature apathique qui avait vécu à côté de lui dans un état d'égoïsme morose, mais un être mystérieux et inconnu, déployant une énergie mauvaise qui s'était lentement accumulée pendant les longues années silencieuses. Le sentiment même de son impuissance accroissait son antipathie. Il n'y avait en elle aucune sensibilité, il le savait bien ; mais tant qu'il avait pu rester le maître il ne s'en était pas préoccupé... aujourd'hui, c'était elle qui le dominait ; et il la détestait de toute son âme.

Elle tenait la lampe à la même hauteur, et la lumière dessinait avec la même netteté sa jeune gorge menue et son poignet, aussi fin que celui d’un enfant. Puis, l’éclairant par en dessous, elle faisait briller ses lèvres, soulignait ses yeux d’une ombre veloutée, et posait une touche d’une blancheur laiteuse sous les arcs sombres de ses sourcils.

Les mots étaient pour Ethan comme des fragments qu'on arrachait à son coeur.Avec eux venait la vision détestée de la maison à laquelle il allait retourner- de l'escalier qu'il devrait monter chaque soir,de la femme qui l'attendrait là.Et la douceur de l'aveu de Mattie,l'émerveillement éperdu de savoir enfin que tout celà lui était arrivé à lui,était arrivé aussi à elle,rendait l'autre vision plus exécrable,l'autre vie plus intolérable à reprendre...