Remarqué avec
Courir au clair de lune avec un chien volé, son recueil de nouvelles publié en 2016, l'écrivain américain
Callan Wink nous livre cette fois son premier roman, sobrement intitulé
August d'après le nom de son héros, un jeune garçon du Michigan qui cherche quel homme il doit devenir.
Une origine qui résonne tout particulièrement avec l'histoire personnelle de l'auteur, lui-même né dans le Michigan et aujourd'hui guide de pêche à la mouche dans le Montana, l'autre lieu emblématique de ce roman à la fois doux et mélancolique qui s'intéresse à une Amérique en quête d'elle-même.
Si la quatrième de couverture cite Boyhood de Richard Linklater, ce n'est pas un hasard puisque le roman de
Callan Wink s'intéresse à la vie d'un jeune garçon du Michigan, un certain
August, et à son passage vers l'adolescence puis vers l'âge adulte. Comme le film-fleuve de Linklater,
August n'est jamais un roman qui expose le drame en le surlignant ou qui fait surgir le malheur de façon tonitruante.
Callan Wink n'est pas ce genre d'écrivain.
Il nous emmène dans une Amérique paysanne, presque sauvage, où l'on se perd dans l'immensité naturelle et où la vie prend des tournants parfois cruels et imprévus.
August est encore un garçon naïf lorsque son père lui propose un marché pour se faire de l'argent : éliminer les chats qui pullulent dans la ferme et se reproduisent sans aucun contrôle. Une confrontation brutale à la réalité et une toute première étape dans la vie d'
August qui va devoir par la suite affronter une mise à l'épreuve d'une toute autre nature : la séparation de ses parents. Alors que Dar, son père, emménage avec Lisa, sa nouvelle femme, Bonnie, sa mère, se retranche dans l'ancienne ferme. Deux vies s'ouvrent alors sous les pieds d'
August et un questionnement qui le poursuivra durant toute sa vie sur la valeur de l'amour et du couple.
Perdu dans un monde où les tours du World Trade Center s'effondre et où l'un de ses meilleurs amis finit calciné par une mine dans un désert dont il ne connaît rien,
August trace sa voie et déménage avec sa mère dans le Montana, y découvrant les Rocheuses et les Rodéos en même temps qu'une partie de lui-même. Avec douceur et intelligence,
Callan Wink transporte son lecteur dans des contrées encore sauvages où seuls les éleveurs et les fermiers trouvent la force de vivre, loin du tapage incessant des grandes villes et de la brutalité du monde extérieur.
August trace une route où le drame fait parfois surface mais où l'on se construit par étape, confronté à des choix qui feront du garçon innocent un homme à part entière et affirmeront sa volonté propre face au monde extérieur.
Le roman de
Callan Wink n'est jamais aussi fort que lorsqu'il est doux, convoquant la nostalgie de relations fanées et les rêves simples d'un adolescent qui se rend compte qu'il a besoin d'autre chose que du domaine laitier familial, de football universitaire ou d'une vie banlieusarde routinière avec sa propre mère. En finissant par trouver un travail dans une autre ferme du Montana,
August fait la connaissance de personnages tout en nuances, des personnages humains qui touchent par leur sincérité et qui vont refuser de se conformer aux cases grossières du bien et du mal.
Le garçon devient progressivement adulte et comprend alors que la douleur, les erreurs et les regrets feront partie intégrante de son existence.
C'est aussi la découverte de la rancoeur des uns et des autres qui achève de former une certaine vision de la vie à l'américaine au fin fond de ces paysages immenses et magnifiques où la vie humaine semble aussi insignifiante qu'authentique.
On y croise un complotiste meurtri par la perte de son fils, un fermier alcoolique qui trouve une porte de sortie à travers une histoire d'amour ou encore une figure féminine en forme de mirage qui finira par croiser l'enfer des hommes un soir d'alcool et de tristesse.
La femme tient une place importante dans le récit de
Callan Wink, c'est elle qui va venir interroger régulièrement
August et le modeler au gré de ses mésaventures amoureuses. On y (re)découvre qu'en amour, rien n'est aussi simple qu'on l'espère et que la femme constitue certainement le seul espoir de l'homme quand bien même celui-ci a souvent bien du mal à le comprendre et l'accepter.
Au-delà des histoires d'amour qui vont jalonner la vie d'
August, c'est toujours le spectre du couple parental qui vient hanter notre héros taiseux et impulsif. Un questionnement sur le couple et sur ce qu'il en reste une fois la passion éteinte et les blessures trop profondes pour se refermer, une interrogation sincère et touchante sur ce qu'il offre à l'enfant forcé de changer de paradigme afin d'affronter une réalité qu'il pensait immortelle, celle de deux parents qui s'aiment et qui finissent par vivre des vies séparées.
August va exposer au lecteur les plus intimes fêlures de son existence et trouver une sorte de paix et de sérénité dans ses activités à la ferme, son amour de la pêche ou ses relations amicales. C'est finalement l'environnement qui va définir l'homme autant que ses racines qui se dédoublent et prennent des chemins parallèles mais jamais antinomiques.
Callan Wink n'a pas son pareil pour distiller lentement et insidieusement le poison de la nostalgie jusqu'à la dernière phrase et cette vision dans le rétroviseur qui comprend cette vérité universelle : tout change et reste pareil à la fois, ce n'est que notre regard qui s'avère capable de faire la différence entre les deux.
Roman d'une authenticité bluffante,
August est l'histoire d'une vie qui se forge dans les grands espaces et à travers les épreuves de l'amour. C'est aussi une certaine vision de l'homme moderne et d'une Amérique différente, une Amérique rude et douce à la fois. Touchant, apaisant et finalement d'une justesse redoutable, le roman de
Callan Wink parvient à saisir la mélancolie lancinante du temps qui passe sans jamais tomber dans l'excès dramatique. Une beauté rare et précieuse en somme.
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