La
Cyropédie, ou éducation de Cyrus, est un des plus fameux livres de prose grecque qui nous soit parvenu. Ouvrage admiré des Grecs, des Romains et des humanistes, sa langue même est à la base de l'enseignement scolaire du grec ancien, tant elle est claire et simple, et jusqu'à l'abolition des études classiques, le livre était au programme des écoles françaises. On n'y cherchera pas le Cyrus réel, conquérant de Babylone et annoncé comme un messie par le prophète Isaïe, ni la figure admirable du roi juste qui rassembla tout l'Orient dans le même empire, inspirant l'entreprise d'Alexandre.
Xénophon, malgré son expédition militaire en Perse, ne s'intéresse nullement au Cyrus réel ni d'ailleurs à la civilisation perse : il invente de toutes pièces un jeune homme à qui il donne le nom illustre de Cyrus, et en fait le héros de son roman avant la lettre. La Notice de l'édition bilingue des
Belles-Lettres, par
Marcel Bizos, dit tout à ce sujet- le prefacier hésite à qualifier le livre de la
Cyropédie : "histoire, histoire romancée ou roman historique, biographie romancée, roman philosophique ou moral, roman didactique, traité d'éducation, institution militaire, ouvrage socratique, éloge..."
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Les livres I et II, dont c'est ici le compte-rendu, fourmillent d'anecdotes charmantes de l'enfance de ce Cyrus de sang royal, éduqué pour être un roi. C'est le sens de l'élément "paideia", éducation, dans le titre de l'ouvrage, la
Cyropédie. Cette "paideia" , contrairement à ce que l'on pourrait croire, ne concerne pas tous les enfants indistinctement, mais uniquement ceux qui seront appelés à commander des hommes. En somme, de futurs princes ou rois. On retrouvera la même chose dans l'essai de
Montaigne "
De l'institution des enfants", écrit par un lecteur de la
Cyropédie, qui ne réfléchit qu'à l'éducation des jeunes nobles ("les enfants de maison", dit-il), à l'exclusion des autres. Cette éducation est militaire, elle forge le corps et l'esprit, elle enseigne comment obéir et commander et ne laisse aucune place aux lettres ni à la philosophie. Nul doute que
Xénophon n'ait fait son profit de ses relations avec les Spartiates et que l'éloge de Sparte soit partout présent, en filigrane, dans son ouvrage.
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On aura bien compris que ces deux livres relatant l'éducation d'un futur roi de guerre, sont éminemment politiques, comme, je crois, tous les ouvrages que le classicisme grec nous a laissés. Il surprendra les démocrates pacifistes que nous sommes, mais ce sera très probablement pour notre bien.