Stasi block : suite des enquêtes de
Karin Müller, Oberleutnant à la police criminelle de Berlin-Est en RDA ( la Kripo relevait de la Police du Peuple, Volkspolizei, et non pas de la Stasi, Staatssicherheit, Ministère de la Sécurité d'Etat chargé de la police politique, du renseignement, de l'espionnage et du contre-espionnage) . Karin a été rétrogradée, réduite à des taches subalternes, suite à son refus de rejoindre la Stasi après son enquête menée début 1975 ( voir "
Stasi Child" ). On ne décline pas ce genre de proposition, en plus elle a divorcé, son mari a été autorisé à passer à l'ouest suite à de supposées activités antirévolutionnaires.
Karin a l'occasion d'être remise en selle, la Stasi veut qu'un officier de la police du peuple lui vienne en aide pour retrouver deux bébés, des jumeaux. Mais ce n'est pas seulement une tragique affaire d'enlèvement. Cette disparition a eu lieu dans la ville de Halle-Neustadt. Cette ville telle qu'elle est décrite par
David Young a réellement existé, ce fut sans doute un des symboles les plus forts de la propagande est-allemande : une ville construite de toute pièce pour montrer et démontrer la toute puissance du socialisme, une ville du futur, des grands ensembles à la numérotation difficile à déchiffrer et des appartements les plus confortables, des parcs, les services les plus variés qui soient à disposition des travailleurs ( principalement ceux de la puissante industrie chimique ) et des avenues interminables et ... sans nom. La Stasi ne veut pas ébruiter l'affaire, un enlèvement d'enfants ne peut pas avoir lieu dans une ville censée représenter la supériorité sur l'Occident ! Mais comment enquêter sans interroger, sans pouvoir faire d'enquête de voisinage ? Comment avoir les coudées franches face à l'intransigeance de la Stasi locale ?
Karin reconstitue son équipe,
Jonas Schmidt de la police technique et scientifique et dans un second temps Werner Tilsner son ancien adjoint. Ils vont collaborer avec la Kripo locale. Leur travail consiste surtout à contourner les restrictions de la Stasi. Des analyses graphologiques sont menées. Un inlassable travail de fourmi s'engage, avec des satisfactions fugaces d'une avancée qui se révèlent finalement des impasses. Pourtant le temps presse car d'autres enfants disparaissent, sans motif clair, sans suspect flagrant et aucune perspective d'en finir avec l'enquête ne se profile. Les recherches de
Karin Müller bien qu'elles soient vaines permettent une visite approfondie de Halle-Neustadt ( pour laquelle le diminutif familier de Ha-Neu est utilisé ) et cela a été pour moi d'un immense intérêt. Même une visite officielle de
Fidel Castro et d'Erich Honecker y est relatée ( elle a réellement eu lieu mais c'était en 1972 ). Ce roman repose sur une solide documentation de l'auteur.
Le portrait de
Karin Müller est affiné, elle rencontre ses parents qui habitent à Oberhof dans les montagnes boisées de Thuringe, à l'époque c'était une station de vacances pour les plus méritants du régime. Son enfance refait surface, elle s'interroge sur la maternité et rencontre un sympathique médecin. Par contre comme dans le premier opus,
Karin Müller se transforme à la fin de ce roman en super-héroïne, des lecteurs la trouveront peut-être assez peu crédible.
Le contexte géopolitique de cette époque, le continuel sentiment d'angoisse conséquence de la censure politique et ces villes sans âme constitue un formidable cadre pour un polar noir. L'auteur l'exploite au mieux dans cette série dont la parution en France semble malheureusement arrêtée ( 4 titres restent à traduire ).
David Young -
Stasi block , titre original "Stasi Wolf", Angleterre (2017). Traduit de l'anglais par
Françoise Smith pour Fleuve Éditions en octobre 2017. ISBN 9782265117013. Réédition en poche octobre 2018, Éditions 10-18, ISBN 97822644073204 .
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