Inutile ici de noircir de nouvelles pages sur le prestige de ce roman. Tout le monde le connait, et pourtant, il aurait pu passer inaperçu puisque pendant plusieurs décennies «Germinal» ne semblait qu'une oeuvre mineure (vous noterez le trait d'esprit…) de
Zola. Imprimé initialement en feuilleton, cette oeuvre subissait le contrecoup du succès inconditionnel de « Nana ». A cette époque,
Victor Hugo passait à peine de vie à trépas, et il n'était pas d'actualité de le remplacer sur le trône de maitre de la condition humaine littéraire, défenseur du peuple et de l'opprimé. «
Les misérables », la référence, tenait le haut du panier, et l'histoire de ces gueules noires ne marquait pas autant que les destins de Fantine et Cosette. D'autant que, six années plus tôt,
Hector Malot avait largement évoqué les conditions éprouvantes de la vie de mineur avec «
Sans Famille », au point que certaines scènes des deux oeuvres laissent planer le doute quant à une éventuelle inspiration…
Mais, cinquante ans plus tard, à l'ère de la désindustrialisation massive, l'oeuvre de
Zola finit dans les sélections des fonctionnaires de l'Education nationale. Depuis, on parle peu de « Nana », et on évoque « Germinal » à chaque grève, à chaque mouvement ouvrier.
Passons sur les luttes qu'évoquent
Zola, passons aussi sur le procès intenté au capital. Outre le débat ouvert par l'auteur et son héritage dans la société française, « Germinal » va plus loin. L'oeuvre ne se différencie pas seulement par le sujet, il se différencie par l'approche.
Emile Zola, journaliste de son état, nous livre une véritable enquête, une investigation complète sur la situation sociale, sanitaire et financière des bassins houillers du Nord de la France. Pour asseoir la pertinence de son papier, il adopte un style photographique exceptionnel. On parle d'un écrivain « naturaliste », j'opterais pour le terme de « photographiste » puisque les couleurs, les formes et les ombres prennent une importance capitale dans les décors installés par l'auteur. On plonge dans ce roman comme dans un tableau de maître.
Quant à la plume, que dire de plus au sujet de ce génie de
Zola, si ce n'est l'importance capitale qu'il accorde aux seconds rôles. Comme Hugo, l'auteur a ce talent rare d'évoquer quelques personnages mineurs en début de roman et de les faire monter en puissance au point d'en occulter les principaux. de cette manière, il peut changer de point de vue et élargir son champ des possibles en termes de descriptions et d'intrigues. Avec « Germinal », l'auteur peut ici alterner entre procès du capital, entre accusations de la violence ouvrière etc.. Seul bémol, les potentiels de développement de ces personnages secondaires est tel qu'on aimerait les voir s'affirmer. Mais il faudrait des milliers de pages à noircir. Au lieu de cela,
Zola prit la décision de continuer son chemin sur la route des Rougon Macquart avec Etienne Lantier, curieusement le moins intéressant des rôles de ce roman. Pourquoi ? C'est lui,
Zola, dans le rôle d'Emile, journaliste observateur en mission dans le Nord….peu importe alors de creuser ce personnage.
Une conclusion, un chef d'oeuvre quoi !