Quentin Zuttion parvient à aborder plusieurs facettes de l'amour et de la sexualité dans un huis clos étouffant et subtil. La mère a pris conscience que son mari a une autre vie ailleurs, que tout est fini, Cam l'adolescente, découvre l'attrait sexuel et l'amour avec un goût amer, et enfin, Lulu, le garçon dont l'identité sexuelle n'est pas vraiment masculine, joue à la poupée et à la princesse.
Le dessin est doux, les couleurs semblent un peu râpées, grattées, des effets au pastel vont vibrer les couleurs pour les rendre parfois indéfinissables et floues à l'image des trois histoires sentimentales qui se chevauchent comme des palimpsestes. Les personnages sont centrés sur leur propre histoire, ne voyant ce qui se passe autour d'eux.
C'est la fin de l'été 1997, Lady Diana vient de mourir, on ne parle que de ça à la radio, et nos trois protagonistes sont comme des princesses échouées et meurtries.
Quentin Zuttion joue sur la distance et la proximité entre les personnages. C'est une histoire d'atmosphère, façon Ettore Scola dans le film “Une journée particulière”, ou cinéma suédois. Avec l'identité sexuelle d'un enfant au centre du récit, il tend vers un propos subversif, un sujet sulfureux où un certain
Bastien Vivès s'est cassé les dents,
Quentin Zuttion parvient à ne pas tomber dans le voyeurisme et la provocation, au contraire, c'est tout en retenue, il y a beaucoup de douceur, les troubles sont très présents, très pesants dans la lecture, la radio en bruit de fond distille les infos sur la mort de Lady Diana, comme un leitmotiv rappelant leur condition aux trois membres de la famille. Deux autres personnages viennent s'ajouter, le père, souvent tronqué dans les vignettes, comme une absence en devenir, et un ami de Lulu, Yoyo, beau et charmant comme un prince, il reste dans l'ambiguïté dans sa relation avec Lulu, un âge où la frontière entre l'amitié et l'attirance sexuelle est encore une inconnue. Tout est parfaitement maîtrisé, le faux rythme, les silences, les plans vides de personnages, les dialogues sont simples parce que les non-dits sont plus forts, les équilibres se tiennent sur un fil, c'est ce qui donne ce résultat si juste et efficace.
C'est une belle lecture, très troublante, mais pas très confortable, on en sort un peu fébrile, l'auteur parvient à éviter les écueils d'un tel sujet avec sa délicatesse. C'est vrai qu'il surfe sur la mode du sujet de l'homosexualité dans la bande dessinée pour ados, mode un peu trop insistante et tombant souvent dans la bien-pensance sirupeuse. Mais je ne suis pas certain qu'ici, il s'adresse à un public aussi jeune. Quentin Zuitton n'évite pas les effets et quelques clichés, mais il s'en sort par sa justesse. J'avais détesté la fin tapageuse de “
La Dame Blanche”, ici, le sujet s'y prêtait encore moins, il a su proposer une fin simple et pudique qui renforce le propos en restant dans l'atmosphère générale.
Une très bonne bande dessinée, un sujet pas facile à aborder qui rend la lecture un peu inconfortable, mais passé ce cap, on découvre de l'émotion, des sentiments, de l'analyse.
Quentin Zuttion a su y mettre l'équilibre qu'il fallait.