Ce que justement Castellion conteste une fois pour toutes, c’est qu’un homme ou un parti quelconque puisse avoir la prétention de dire : nous seuls détenons la vérité, et toute opinion autre que la nôtre est erreur.
Dans son fol emportement, le malheureux Servet oublie son impuissance: l'écume à la bouche et faisant caqueter ses chaînes, l'insensé demande à l'assemblée qui va le juger de punir à sa place le criminel Calvin,le dictateur de Genève, " c'est pourquoi, magicien qu'il est, il doit non seulement être reconnu coupable et condamné, mais encore être expulsé de la ville, et sa fortune doit m'échoir en compensation de celle qu'il m'a fait perdre."
Inutile de dire que les dignes conseillers frémissent d'horreur à ces paroles : cet homme décharné, livide, épuisé, à la barbe hirsute, aux yeurx fulgurants, qui profère dans une langue bizarre les plus monstrueuses accusations contre leur chef, doit leur faire involontairement l'éffet d'un possédé...
(p.146)
Aucune dictature ne peut durer ni même se concevoir sans violence. Qui veut garder le pouvoir doit avoir en main des moyens de contrainte. Qui veut commander doit pouvoir punir
C’est toujours lorsque les hommes jouissent trop longtemps et avec trop d’insouciance de la paix qu’ils sont pris de la funeste envie de connaître la griserie de la force et du désir criminel de se battre
Quand on ne peut s’en prendre à la moralité d’un adversaire, on a recours à la “Doctrine”
Ne forçons personne ! Car la contrainte n’a jamais rendu personne meilleur ! Ceux qui veulent imposer aux gens une croyance agissent aussi stupidement que celui qui voudrait obliger un malade à prendre de la nourriture en la lui enfonçant dans la bouche au moyen d’un bâton.
Pourquoi écrit-il [Calvin] tant de livres si la vérité qu’il proclame est si évidente ?
La censure n'est-elle pas la fille naturelle de toute dictature ?
Seule la tolérance, dit Castellion, peut préserver l’humanité de ces barbaries. Il y a place dans le monde pour beaucoup de vérités, et si les hommes le voulaient, ils pourraient parfaitement vivre en bonne harmonie.
Chaque époque se choisit un groupe de malheureux sur qui elle [l'humanité] puisse déverser la haine qu’elle a accumulée.