Alors que les excitations d’un peuple contre un autre, d’une religion contre une autre, sont permises, les tendances conciliatrices, les idéaux pacifiques sont suspectés et réprimés, sous le fallacieux prétexte qu’ils mettent en danger l’autorité de l’État ou de la religion
Être sans pitié pour tous les « pécheurs », c’est ce que Calvin considérait comme la règle suprême de son système, et appliquer ce système jusqu’au bout était à ses yeux une obligation imposée par Dieu
Mais comment, se demande-t-on avec étonnement, une ville républicaine, qui a goûté à la liberté pendant des décennies et des décennies, a-t-elle pu accepter un tel despotisme moral et religieux, comment un peuple jusqu’alors d’une gaîté presque méridionale a-t-il pu supporter un tel régime ? Comment un seul homme est-il parvenu à détruire à ce point toute la joie de la vie chez des milliers et des milliers d’individus ? Le secret de Calvin n’est pas du tout nouveau, c’est le secret éternel des dictatures : la terreur.
Conformément à l’opinion de Calvin selon laquelle tout homme est constamment disposé au mal, chacun est considéré d’avance comme suspect de péché et doit par conséquent accepter qu’on le surveille. Toutes les maisons ont soudain leurs portes ouvertes et tous les murs sont en verre. À n’importe quel moment, la nuit comme le jour, le marteau de votre porte peut retentir et un membre de la police ecclésiastique apparaître pour la « visitation » sans que vous puissiez vous y oppose
Le Dieu de Calvin ne veut pas être fêté, ce qu’il veut avant tout, c’est être respecté et craint
Les idéologues politiques ont tendance à sous-estimer la force d’inertie de la matière humaine, ils pensent que des transformations profondes peuvent être réalisées dans la vie aussi rapidement que dans leur pensée.
Ce sont toujours les contemporains d’une époque donnée qui connaissent le moins cette époque. Les événements les plus importants se déroulent sous leurs yeux sans éveiller leur attention et presque jamais les heures vraiment décisives ne trouvent dans leurs chroniques la considération qui conviendrait.
Avec chaque individu nouveau naît une conscience nouvelle, et il y en aura toujours une pour se souvenir de son devoir moral et reprendre la lutte en faveur des droits inaliénables de l’homme et de l’humanité
C’est avec raison que Weber signale dans sa célèbre étude sur le capitalisme qu’aucun élément n’a été plus favorable à l’industrialisme que la doctrine calviniste de l’obéissance absolue.
Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. Quand les Genevois ont fait périr Servet, ils ne défendaient pas une doctrine ; ils tuaient un être humain ; on ne prouve pas sa foi en brûlant un homme, mais en se faisant brûler pour elle.