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Merveilleux Stefan Zweig. Après avoir été éblouie par ses nouvelles et romans, époustouflée par ses talents de biographe, me voilà subjuguée par son livre-testament.

C'est en 1942 que Stefan Zweig envoie cette autobiographie à sa maison d'édition, le lendemain il met fin à ses jours avec sa jeune épouse au Brésil où ils s'étaient exilés. Quittant un monde qu'il ne reconnaissait plus, lui l'humaniste pacifiste d'origine juive qui a assisté impuissant à la « décadence morale » de sa génération après en avoir goûté le fruit d'une jouissive « élévation intellectuelle ».

Empli de lyrisme et de poésie ce livre est à la fois le testament de sa vie et celui d'un siècle confronté à de grands bouleversements. Zweig nous captive avec le récit de sa jeunesse, partage des souvenirs nostalgiques de sa Vienne natale flamboyante, de ses années d'études et d'une Europe où les arts et la culture étaient florissants. Grand voyageur, érudit, il a fréquenté les plus grands intellectuels, scientifiques et artistes de son époque de Freud à Rilke de l'intellectuel Romain Rolland au poète Émile Verhaeren en passant par Rodin pour ne citer qu'eux. le récit de leurs échanges est passionnant.

Le Monde d'Hier c'est l'Europe des années 1900 et celle des années folles, de la joie de vivre, de l'insouciance, de la sécurité.
Mais ce monde d'hier, aube du monde d'aujourd'hui, c'est aussi un lent glissement vers les partis politiques d'extrême droite qui vont éteindre son espoir dans le progrès, signer la faillite de la démocratie, la fin de l'unicité de l'Europe et la déchéance de la culture humaniste.
Observateur lucide de son époque Zweig est un témoin clairvoyant et désarmé de la montée du nazisme et de sa stratégie machiavélique pour contaminer même les esprits les plus sains. Son témoignage est saisissant.

Après avoir connu dans sa propre patrie la censure, avoir vu Vienne, paradis de son enfance, assombrie par l'Anschluss, désenchanté, apatride, il finit par s'enfuir en Amérique du Sud hanté par « l'échec de la civilisation ».

Le testament à la fois terrible et sublime d'un homme sensible qui a perdu foi en l'humanité.
Inoubliable chant du cygne ♥
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Le Monde d'hier/Stefan Zweig (1881-1942)
À la fin de sa vie, Stefan Zweig nous fait part de sa réflexion sur le monde de son enfance puis de son adolescence dans son Autriche natale qu'il aime plus que tout, lui l'européen de coeur.
C'était alors l'âge d'or de la sécurité dans tous les domaines pour lui issu de la petite bourgeoisie juive de Vienne et pour un grand nombre de ses concitoyens.
Vienne était alors une ville jouisseuse, baignée de culture, de « cette culture qui consiste à extraire de la matière brute de l'existence, par les séductions flatteuses de l'art et de l'amour, ce qu'elle recèle de plus fin, de plus tendre et de plus subtil. »
L'école du siècle passé fut un calvaire pour le jeune Stefan qui était épris de liberté et d'espace. Heureusement s'écartant des chemins rectilignes de l'enseignement académique, il découvre les écrivains, les poètes, les artistes et les musiciens avec ses amis et commence à écrire ses premières poésies. Ses idoles ont nom Rilke et Hofmannstahl, Mahler et Schoenberg, Verhaeren et Romain Rolland.
Une mention particulière pour Théodore Herzl, l'auteur de « L'État Juif », avec qui il fut très lié sans jamais adhérer à se idées. Zweig est libre penseur dans tous les domaines et toute idéologie le fait fuir.
Zweig va assister à l'émancipation de la femme dans cette Autriche si attachée à ses antiques préceptes, à la naissance de la psychanalyse de Freud, le culte du corps dans le sport et l'indépendance de la jeunesse. La relation entre les sexes va prendre un tout autre aspect. Alors que jusqu'à la fin du XIX é siècle, la prostitution demeurait le fondement de la vie érotique en dehors du mariage, on assiste à une libéralisation des moeurs dans la première décennie du XXé .
Plus avant dans son témoignage, Zweig nous décrit très finement l'ambiance qui régnait en Autriche juste avant la Première Guerre mondiale, puis durant la Guerre elle-même et enfin après les derniers combats laissant une Autriche dévastée et dans une misère inouïe.
Zweig nous parle aussi de ses travaux d'écriture et nous explique comment il conçoit la littérature :
« Je ne prends jamais le parti des prétendus héros, mais vois toujours le tragique dans le vaincu. Dans mes nouvelles, c'est toujours celui qui succombe au destin qui m'attire, dans mes biographies, le personnage qui l'emporte non pas dans l'espace réel du succès, mais uniquement au sens moral. »
Et plus loin : « Je suis un lecteur impatient et plein de fougue. Toutes les redondances, toutes les mollesses, tout ce qui est vague, indistinct et peu clair, tout ce qui est superflu et retarde le mouvement dans un roman, dans une biographie ou une discussion d'idées m'irrite. »
Zweig le modeste, le grand voyageur, immense collectionneur d'autographes de toutes sortes : « En échange des ouvrages que j'avais écrits, assez éphémères si on les considère d'un point de vue un peu élevé, je pouvais acquérir les manuscrits d'oeuvres impérissables, des manuscrits de Mozart, de Bach et de Beethoven, de Goethe et De Balzac. »
Les années passent et nous arrivons en 1933 et l'arrivée de Hitler à la chancellerie en Allemagne et la montée du fascisme en Autriche. Zweig songe au passé et à toutes les amitiés qu'il a cultivées et à cette liberté qu'il a toujours chérie et qui est à présent menacée :
« Je m'étais acquis l'amitié de nombre des meilleurs de notre temps, j'avais joui des représentations théâtrales les plus parfaites, il m'avait été donné de voir et de goûter les villes éternelles, les tableaux immortels, les plus beaux paysages. J'étais demeuré libre, indépendant de tout emploi et de toute profession, mon travail était ma joie et plus encore, il avait donné la joie à d'autres…Mais ma pensée ne fut même pas effleurée que je serais un jour sans patrie, que chassé, traqué, banni, j'aurais de nouveau à errer de pays en pays, à traverser des mers et des mers ; que mes livres seraient brûlés, interdits, proscrits ; que mon nom serait mis au pilori en Allemagne comme celui d'un criminel… »
Zweig considère avec nostalgie le déclin des libertés, comme celle de circuler et voyager.
« Avant 1914, la terre avait appartenu à tous les hommes. Chacun allait où il voulait et y demeurait aussi longtemps qu'il lui plaisait…Avant 1914, je voyageais en Inde et en Amérique sans posséder de passeport… »
Songeant à la montée de l'hitlérisme, Zweig pense que « rien n ‘a tant aveuglé les intellectuels allemands que l'orgueil de leur culture, en les engageant à ne voir en Hitler que l‘agitateur des brasseries… »
Et puis il y aura l'Anschluss puis l'invasion de la Pologne et la déclaration de guerre : la nuit tombe sur l'Europe qui voit l'agonie de la paix, une nuit de cendres et de mort, de sang et de douleur. C'est ici que se termine ce bouleversant témoignage d'un homme européen dans l'âme mais qui au dernier moment s'écrie :
« Qu'est devenue ma patrie, mon Autriche que j'aime tant ? », lui qui n'a plus de patrie, et va errer, (il ne le dit pas, mais on le sait) jusqu'au Brésil, sa terre d'accueil.
Un témoignage d'une grande richesse qu'il faut avoir lu.
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Stefan Zweig était autrefois l'écrivain le plus populaire au monde en termes de traductions (il en doutait lui-même, mais, c'était une époque où populaire signifiait bon). C'est en Angleterre où il s'était réfugié, avant son nouvel exil et son suicide en 1942 au Brésil, qu'il a commencé à écrire ce livre absolument extraordinaire.

J'ai lu plusieurs romans et ouvrages de non-fiction de Zweig, mais ce n'est qu'avec le monde d'hier que je commence à sentir que j'ai quelque chose qui approche la pleine mesure de l'homme. Son art a toujours été effacé, ou certainement pas auto-révélateur ; tout ce que vous auriez pu dire en toute confiance de lui en lisant son travail, c'est qu'il était manifestement réfléchi, très observateur et humain.

Ce mémoire non seulement renforce un tel point de vue (et nous pouvons ajouter l'ingrédient de la modestie), il nous en dit aussi beaucoup sur le monde qui l'a fait. Il commence par dire que "je ne me suis jamais considéré assez important pour être tenté de raconter aux autres l'histoire de ma vie", mais c'est plus qu'une simple autobiographie; c'est une longue complainte pour un monde perdu, un témoignage des valeurs de décence, de tolérance, d'humanisme, d'effort artistique et culturel ; c'est aussi, on ne peut s'empêcher de penser, une lettre de suicide inhabituellement éloquente et émouvante, bien qu'elle fasse plus de 450 pages.

Les lettres de suicide ont tendance à être le genre de document qui est lu du début à la fin, ce qui est particulièrement convaincant. Tous les talents qui étaient évidents dans l'écriture de Zweig - son acuité, sa perspicacité et son style , sont manifestes dans l'autobiographie, et en dressant un portrait de lui-même et de son monde, alors que l'empire des Habsbourg s'effondre et que la confiance et la prospérité sereines de l'Europe centrale se tournent vers la barbarie et le désespoir, il a produit un document qui, même si vous pensez bien connaître l'histoire, est essentiel à notre compréhension de l'histoire.

Car c'est en tant qu'enthousiaste pour le projet culturel paneuropéen que Zweig a trouvé sa plus grande motivation et, finalement, sa plus grande douleur ; jamais du genre à être ému par le nationalisme ou l'idéologie d'aucune sorte, il était un pacifiste courageux et franc pendant la première guerre mondiale, ce qui était déjà mauvais pour lui - "plus le mode de vie d'une personne était véritablement européen en Europe, plus il était dur frappé du poing brisant le continent" - mais la montée d'Hitler représentait l'opposé absolu et cauchemardesque de toutes les valeurs auxquelles il croyait et qui lui étaient chères. C'est l'une des choses remarquables de ce livre : même si vous connaissez peut-être les détails, Zweig les présente d'une manière qui vous donne l'impression d'en entendre parler pour la première fois. Son tableau du Paris d'avant-guerre vous fera presque pleurer pour un monde perdu ; sa description des funérailles de Theodor Herzl vous fera dresser les cheveux sur la nuque ; et son récit des moeurs sexuelles désastreusement hypocrites de la Vienne du début du siècle (et pas seulement de Vienne ; la majeure partie de l'Europe, en gros) vous fera tomber à la renverse.

Il y a des apparitions de presque tous les grands écrivains de l'époque (et pas mal de musiciens aussi) : Gorky, Rilke, Hoffmansthal, Joyce et d'innombrables autres apparaissent, mais, avec une générosité typique, Zweig préfère s'attarder sur ceux dont il craint que la postérité ne les néglige. C'est, en somme, un livre qui devrait être lu par quiconque s'intéresse ne serait-ce qu'un peu à l'imagination créatrice et à la vie intellectuelle, à la force brutale de l'histoire sur les vies individuelles, à la possibilité de la culture et, tout simplement, à ce que signifiait être en vie entre 1881 et 1942.

Cela concerne un bon nombre d'entre nous.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Curieux et avide de débuter la lecture du « Monde d'hier ». Quelque peu déçu, je l'avoue. Trop ego-centré. Rien d'intime dans ses sentiments, sa vie et même dans ses convictions politiques n'est dévoilé. Seule reste la quête utopique d'une Europe des peuples, un monde sans frontières.
Les rencontres de « hauts » personnages qui ont fait et défait la culture de ce temps d'avant et d'après-guerre servent de trame au récit. C'est souvent assez lourd et lassant. La première phase du récit en est le meilleur exemple : la description de l'itinéraire d'un enfant gâté dans la « bonne et respectable » société viennoise de la fin du XIXème siècle à qui tout sourit. Cependant, le récit prend toute sa force avec la montée du fascisme et du nazisme. L'auteur y assiste impuissant malgré sa prise de conscience « avant les autres » et nous délivre bien de signes avant-coureurs et d'indices alarmants à détecter sur ce type de phénomène tout à fait transposable à notre époque. Avec les despotes « grossiers » et « brutaux » le pire est certain. La confiance innée en la bonne étoile, le « ça ne peut pas arriver » sont à proscrire car contre-productifs.
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Le conscience claire,
l'âme pure,
et les trahisons de l'Histoire
OU
quand la beauté ne suffit pas.

Stefan Zweig faisait partie de cette haute bourgeoisie autrichienne
qui avait connu les fastes de la fin d'un empire.
Il a vécu dans un microcosme cosmopolite où être juif n'avait rien
de douloureux, et il a passé sa jeunesse dans un monde où l'art et la beauté
regnaient.
Seul l'ennui d'un système éducatif poussiéreux, lui-même indicatif d'une société encore glorieuse mais déjà stagnante, a quelque peu assombri son enfance et son adolescence.
C'est d'ailleurs cet ennui qui fera de lui, très tôt, un lecteur chevronné et un poète.

La fortune parentale aidant, les années d'université sont passées à Berlin, où les études
de philosophie lui laissent généreusement le temps de lire et d'écrire. le doctorat obtenu après une année héroïque où il réussit à étudier aussi les matières des trois précédentes, le voilà entièrement libre de voyager, de lire et d'écrire. Commence alors l'été, la belle saison
qui fera mûrir les fruits de ces passions.

Stefan est un homme qui a voué sa vie à la littérature. Sensible, effacé, discret, il se met entièrement à son service. Sa réussite est pour lui presqu'une surprise. Il se limite d'ailleurs à des traductions, des essais, des nouvelles,ne s'estimant pas encore capable d'écrire des romans, des biographies ou des pièces. Il vit son écriture presque comme un sacerdoce, lui, le juif athéiste. L'art, au service du beau, du juste et du vrai, lui est devenu une sorte de divinité, ou en tous cas une spiritualité séculière. Et il voit cet art comme formant l'âme de cette Europe prospère, libre et cultivée dont il espère une progression ininterrompue vers les utopies les plus magnifiques.

C'est la première guerre mondiale - totalement impensable pour lui et pour tant d'autres -qui met fin à ces envolées. L'histoire fait soudainement irruption dans l'âge d'or. C'est sans doute qu'il y avait là aussi de bien vilaines bêtes dans le jardin d'Eden, et que l'âge n'était pas doré pour tout le monde. Il en naît un Zweig choqué, meurtri, mais aussi plus mûr, qui désormais a trouvé sa cause : lutter pour ces valeurs qu'il ne savait pas si menacées. L'époque des romans, pièces de théatre et biographies.

Les années de guerre s'éloignant, l'espoir reprend : sans doute n'était ce qu'une aberration historique, sans doute sommes nous à nouveau en route vers l'avenir resplendissant… Mais bientôt paraissent les premières chemises noires, puis brunes, et Zweig comprend, cette fois bien avant les autres qu'on n'en a pas fini avec la vipère : la bête n'a été qu'assommée … Elle finira par conquérir l'Europe. Zweig, ayant perdu son public - il ne peut plus publier dans sa langue maternelle - sa bibliothèque, ses collections et jusqu'à sa nationalité, vivant en refugié, n'a plus la force de continuer à vivre.
Stéfan est une sorte da saint laïc assassiné par la barbarie. On comprend, on vit la lente descente vers la tombe de cet homme qui a connu les lumières les plus exaltantes. Et, devant son ordinateur, l'on se prend à écrire une eulogie. Suivi d'un silence qui seul peut saluer, respectueusement, un tel homme, une telle vie.







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J'aime beaucoup les nouvelles de Stefan Zweig et j'étais curieuse de découvrir un peu son parcours. Et c'était vraiment très intéressant ! C'est un autrichien privilégié qui va connaitre deux guerres mais aussi être témoin de la montée du fascisme et du nazisme. Et de ce fait son récit est vraiment prenant, c'est un témoignage fascinant d'évènements mondiaux comme ce jour où il apprend pratiquement en maillot de bain sur une plage belge l'entrée de son pays dans la première guerre mondiale. J'avais hâte à chaque fois de savoir comment il avait vécu tel ou tel évènement, il décrit bien l'ambiance du moment et cela diffère souvent avec ce que je pouvais imaginer. il livre par contre peu de choses sur sa vie intime, ses deux femmes sont à peine évoquées, tout comme la réaction de sa famille sur les tensions en Autriche. En tout cas c'est riche en anecdotes et en informations historiques sur une époque assez large qui va du tout début du XXéme siècle à la deuxième guerre mondiale. On y croise de nombreux artistes, écrivains, hommes politiques dont il était proche et on se dit le monde est petit pour celui qui peut voyager aussi facilement. C'est fascinant, poignant de revisiter des évènements de son point de vue. Cela me donne envie d'enchainer sur une petite biographie de lui.
Pioche dans ma PAL Février 2023
Challenge pavés 2023
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Un témoignage plein de tendresse envers ses contemporains en dépit du contexte et de la fin tragique de l'auteur. Zweig se débat, dans des moments de douloureuse lucidité, pour supporter l'inacceptable. Il peut également lui arriver d'être naïf, à l'instar de toute sa génération, qui n'a pas pu anticiper l'impensable.
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Ce livre, écrit au Brésil en 1941, n'est pas qu'un récit autobiographique; il est surtout une réflexion sur les mécanismes qui sous-tendent les bouleversements du monde.
La génération de Stefan Zweig, celle qui est née à la fin du XIXème siècle, a connu les prémices et les soubresauts des deux guerres mondiales qui ont marqué l'histoire de l'Europe dans la 1ère partie du XXème.
Son parcours personnel, sa naissance dans une famille de la bourgeoisie juive viennoise, sa formation scolaire et universitaire, ses voyages à l'étranger, la fréquentation des grands intellectuels de son temps, tout cela lui donna très tôt le bagage nécessaire pour observer d'un oeil à la fois perspicace et douloureux les dérèglements internes de cette époque.
Le sous-titre du livre " Souvenirs d'un Européen" donne le ton. L'auteur, européen convaincu, en regardant monter les nationalismes et la xénophobie, en vivant lui-même l'exil, voit s'effriter ses plus belles convictions pour l'Europe.
Ce récit, par ailleurs bien écrit malgré quelques longueurs ici et là, a une valeur profondément actuelle.
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Stefan Zweig naquit en 1881. Il a 19 ans en 1900, 33 ans en 1914, 58 ans en 1939. Il écrit ses Mémoires en 1941 lors de son exil en Argentine. Il a alors soixante ans. Trois années plus tard, il se suicide avec son épouse. Pathétique préface du Monde d'hier : « Tous les chevaux de l'Apocalypse se sont rués à travers mon existence… »
Tout avait bien commencé. A propos des dix premières années du 20e siècle, il écrit : « le monde n'était pas seulement plus beau, il était aussi devenu plus libre. » Mais la guerre 14-18 éclate. Cette folie destructrice suivie de trois années d'inflation en Autriche, puis en Allemagne : « le mark tomba d'un coup et il n'y eut plus de trêve jusqu'à ce que fut atteint le chiffre fantastique et fou des milliards. C'est alors que commença le vrai sabbat de l'inflation, au regard de laquelle la nôtre, en Autriche, avec sa proportion déjà absurde de 1 : 19000 n'était qu'un misérable jeu d'enfant…/… On payait des millions dans les tramways…/… Pour cent dollars on pouvait acheter par files des maisons de six étages… »
L'inflation allemande durera jusqu'en 1924. Selon Zweig, le mal était fait : « Il faut le rappeler sans cesse, rien n'a aigri, rien n'a rempli de haine le peuple allemand, rien ne l'a rendu mûr pour le régime d'Hitler comme l'inflation. » En quelques pages pathétiques, Zweig raconte l'implacable montée du nazisme.
De 1924 à 1933, Zweig va connaître par son oeuvre un succès international. Mais Hitler fera interdire ses livres. « Tout ce que j'ai construit en quarante ans sur le plan international, ce poing unique l'a démoli. » En 1937, Zweig effectue un dernier séjour en Autriche pour aller voir sa mère : « Durant les deux dernières journées que j'ai passées à Vienne, j'ai considéré avec un « jamais plus » désespéré et muet chacune des rues qui m'étaient si familières, chaque église, chaque jardin, chacun des vieux quartiers de ma ville natale. J'ai embrassé ma mère avec cette secrète pensée : « C'est la dernière fois. » »
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Cet essai autobiographique est un témoignage précieux de l'Histoire du début du 20 eme siècle. Avec beaucoup de perspicacité Stephan Zweig nous décrit les transformations radicales qui ont marqué l'Europe avec la disparition des dernières monarchies et la montée du nationalisme et du fascisme.
On sent dans ce texte la grande maîtrise d'un grand écrivain. La plume malgré la traduction reste très belle, élégante et émouvante à la fois.
Mais sans vouloir porter de jugement qui peut paraître anachronique et inopportun je ne peux pas approuver l'immense nostalgie exprimée par l'auteur pour le monde d'hier. Ce monde idéalisé, il le dépeint de son poste d'observation lui un privilégié issue de la grande bourgeoisie. Mais ce monde était-il aussi pacifique, raffiné et civilisé? Je ne le pense pas vraiment. En effet, d'autres témoignages de cette époque nous révèlent la grande violence sociale et psychologique que vivaient les grandes masses sans parler des damnés dans les colonies.
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