Thierry Poncet relate dans Zykë l'aventure l'éprouvant épisode que les deux hommes ont vécu à Amsterdam afin de réaliser pour un journal un reportage sur la drogue. Ils en ont fait aussi un roman, Amsterdam Zombie, où Zykë devient Zak, reporter freelance désabusé et sans attache. Envoyé à Amsterdam pour un reportage sur la drogue, il va plonger dans l'expérience jusqu'à cou : se shooter à l'héroïne en compagnie de quatre drogués avec qui il va passer quatre mois. Quatre mois sous un pont d'Amsterdam, dans la crasse, le froid, la misère et la défonce. Tout le roman est basé sur du vécu. Il est impressionnant à double titre : que Zykë et Poncet soient allés au bout de cette plongée en enfer, et que les horreurs relatées soient toutes véridiques.
Ici, plus de dérision ni de provocation : juste le récit dramatique, glaçant, sans complaisance, de l'inéluctable destruction d'êtres humains transformés en zombies, dans l'habituel style incisif, implacable et sans fioriture de Zykë. Un Zykë/Zak qui n'a plus envie de rire et qui, impuissant, fera malgré tout son possible pour ses quatre compagnons devenus épaves, survivant de la prostitution, de la pornographie, du vol et du trafic de produits dénaturés, et condamnés sans échappatoire ni espoir à une irrémédiable destruction physique et mentale. Dégoût et effroi prédominent durant la lecture, ce qui est ordinaire chez Zykë, mais Amsterdam Zombie est le premier roman de l'auteur à me serrer la gorge et à m'arracher une larme.
Zykë dénonce l'hypocrisie de notre société en ce qui concerne la drogue : la tolérante Amsterdam devenue une lucrative (et pas seulement pour les trafiquants) plaque-tournante de la drogue et de la prostitution, a mis en place une gigantesque organisation d'accompagnement des drogués. Pas pour les aider à s'en sortir, mais pour les contrôler et pour contenir leurs désordres. La distribution gratuite de méthadone, cet opiacé qui évite aux dépendants à l'héroïne de ressentir les effets du manque, permet seulement de réduire les comportements à risques, mais crée une autre dépendance aux effets insupportables et tout aussi destructeurs. Ailleurs, les politiques purement répressives à l'égard des drogués les réduisent au statut de délinquants, oubliant de les voir avant tout comme des malades en grand danger et à secourir. Zykë se montre quant à lui favorable à la libéralisation de la drogue.
Amsterdam Zombie diffère des précédents écrits de Zykë. Si on retrouve son style réaliste et cinglant, son courage et sa profonde humanité derrière sa façade de dur, le sujet sordide et écoeurant à souhait écarte toute possibilité de dérision et de « déconnade ». Coup de coeur.
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