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EAN : 9782362291968
144 pages
Editions Bruno Doucey (04/10/2018)
4.03/5   15 notes
Résumé :
Cerise rouge sur carrelage blanc… Le titre que Maram al-Masri a donné au livre qui l’a révélée au grand public ressemble à celui d’une nature morte. Des lèvres abandonnées à la froideur du quotidien. Une tache de sang que rien n’efface. Un fruit dans la neige. Une blessure. Les poèmes que rassemble ce recueil, dont nous publions aujourd’hui une nouvelle traduction, nous plongent au cœur de la vie d’une femme. Et l’on comprend, lisant ces vers d’une simplicité aussi ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« les femmes qui me ressemblent
ne savent pas parler
le mot leur reste dans la gorge
comme un lion en cage
les femmes qui me ressemblent
rêvent...
de liberté... »
Ces vers sont extraits du magnifique recueil de poèmes, Cerise rouge sur carrelage blanc, écrit et publié pour la première fois en 1998 par Maram al-Masri, une très grande voix de la poésie syrienne. La version dont je vais pour parler ici, de nouveau publiée par les Éditions Bruno Doucey, offre la particularité de proposer une nouvelle traduction et une version bilingue avec le texte original en langue arabe sur la page de gauche.
J'ai découvert cette auteure il y a deux ans dans le cadre du printemps des poètes. Un comédien lors d'une soirée organisée par la médiathèque de ma commune, s'était fait l'interprète de quelques textes choisis dans l'oeuvre de Maram al-Masri, dont ce recueil. Cette soirée s'inscrivait par ailleurs dans le cadre de la semaine de la femme engagée dans l'écriture. J'avais été fasciné par la force et la sensualité du texte. Je remercie Babelio pour m'avoir offert la possibilité de découvrir cette nouvelle version dans le cadre de sa Masse Critique, de revenir à cette oeuvre et de pouvoir écrire ces quelques mots.
Ce recueil est composé de poèmes souvent très courts, parfois à peine plus épais qu'un haiku. Ils disent le quotidien d'une femme, son paysage intime, le refus de se soumettre devant celui qui décide pour elle parce qu'il est homme, ses rêves, son éveil, son élan, sa main tendue vers les autres femmes...
Ce sont des clés qui ouvrent des portes, délivrent les coeurs et les corps emprisonnés de voiles, de certitudes et de barbarie. Chaque mot est un pas vers la lumière.
Les poèmes de Maram al-Masri viennent caresser le désir, mettre à nu les mots d'un autre âge, les dépouiller, les jeter, en réinventer d'autres, réveiller les livres interdits ; ce sont des interstices par où agripper des doigts épris de liberté.
Cerise rouge sur carrelage blanc, c'est une blessure, c'est une fêlure, c'est une faille par où faire surgir la lumière. Cerise rouge sur carrelage blanc, c'est comme une gourmandise, la saveur d'un coulis de framboise sur la douceur d'un fromage blanc.
Mais la poésie de Maram al-Masri n'est pas que belle, elle est rebelle. C'est le sang sur la neige. C'est un visage dans la poussière. Ce sont ces femmes soumises, muselées, invisibles, ce sont leurs cris dans l'intérieur de leurs corps. La poésie de Maram al-Masri cherche à briser leurs prisons, fustigent avec beaucoup de moquerie leurs geôliers, ces hommes d'un autre âge et qui font leur quotidien.
Maram al-Masri jette ses mots comme des nuées d'oiseaux, soulève les voiles, ôtent les bandeaux sur les bouches muettes, apprend le chemin des oiseaux, des rires et du ciel gorgé d'azur.
Les mots de Maram al-Masri disent la douleur, le rêve et l'amour ; ils s'indignent, crient, brûlent, se moquent avec parfois beaucoup d'ironie, ébouriffent, éveillent. C'est un cri de révolte et de désir. Les mots se faufilent parmi les rides d'un visage, les ecchymoses et les cheveux blancs. Ils apprennent à aimer, à s'aimer, à emprunter de nouveaux chemins, à voir avec d'autres yeux.
Derrière les coeurs meurtris, il y a l'âme peut-être encore intacte, qui tremble comme une herbe nouvelle.
Les mots de Maram al-Masri disent aux femmes emmurées de ne jamais se résigner, d'allumer des pas dans le battement d'ailes qui bruit dans leurs poitrines affamées.
Ce recueil est à la fois l'Orient et l'Occident. Il dessine un pont entre deux rives. Il est universel.
Ce recueil est un fruit à cueillir...
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Avec les mots de tous nos jours, Maram AL-MASRI parle des femmes, de leur langue, de leurs paysages intimes, sur les pages de Cerise rouge sur Carrelage blanc, parle des mots qu'elles se disent tout bas, "je suis lasse de rester sur tes brouillons, sur tes marches, devant tes portes, où sont, tes vastes paradis" page 117 ?


Elle écoute encore ses rêves d'hier, et se souvient, page 81, "tu n'aurais pas dû me prendre par la main pour la laisser rêver de te toucher, tu n'aurais pas dû effleurer mes lèvres pour les laisser brûler sous tes baisers,tu n'aurais pas dû rester silencieux pour que je ne cesse d'espérer."


Ces femmes parlent ainsi de leurs déchirures, de leurs rêves brisés, de leurs tâches domestiques qui sont comme des pièces d'une machine qu'elles doivent monter, et démonter heure par heure, et chanter sa rengaine, comme "tu m'y as invité, j'ai lavé la vaisselle, j'ai nettoyé par terre, j'ai fait les carreaux, j'ai repassé les chemises, et lu Dostoïevski, ce maudit temps qui , avec toi vol d'habitude, tic-tac , tic-tac, avance doucement," page 109 écrit comme un pose.


Ces femmes scotchées au pied de leur immeuble, de leur maison, observent avec humour celui qui se croit permis de tout décider, parce qu'il est un homme, et parce qu'elle est une femme, et ironise en lui proposant, page 111, "donnes moi tes mensonges, pour les laver, les fixer dans l'innocence de mon coeur, fais-en des réalités", et arrête de me dire, ça n'a jamais existé.

On se délectera à lire et relire ces petits moments de clarté, ces passages de l'idée à l'écrit, pour mieux râler, les mots qui font mouche sur un ton badin, parce "qu'il n'y a plus entre nous que les enfants," pour remettre les pendules à l'heure, "parce qu'il n'y a plus entre nous ces fous rires ni caresses pures ni le goût du laurier et du miel sur nos lèvres parce qu'il n'y a plus entre nous"...p 49


De carreaux blancs, en carreaux rouges, posés en quinconce telle une mosaïque , ces femmes continuent de rêver de routes arborées, de vastes plaines où galoper, car dit-elle "mon métier est-il éternellement d'être une femme de te laver les pieds une rose à l'oreille chaque fois que tu rentres ?"


"Pour toutes ces femmes qui lui ressemblent", elles ne savent pas parler, le mot leur reste dans la gorge comme un lion en cage, les femmes qui ressemblent à Maram AL-MASRI, rêvent, de liberté, "d'un homme aussi chargé de fleurs et de belles paroles un homme qui me regarde me voie qui me parle et m'écoute un homme qui pleure pour moi dont j'ai pitié et que j'aime."



Car quand le désir l'embrase et que ses yeux s'illuminent, "j'enfonce la morale dans le premier tiroir, réincarné en diable, je bande les yeux de mes anges pour un baiser, apeurée comme une gazelle sous les yeux de ta faim, je veux que tu m'aimes en silence et que tu me laisses m'interroge".p 15


Ce beau voyage commencé dans la fragilité et la solitude, dans les premiers pas de l'intimité des femmes, de leurs maladresses, de leurs inquiétudes, se poursuit souvent avec désillusion, parfois dans la révolte et la colère.

Mais c'est aussi une magnifique dimension du livre que d'avoir su réserver quelques pages blanches, à dire tout haut le désir des femmes, et clamer, "qu'il me fasse chavirer, sinon qu'il n'approche pas, qu'il commence par un doigt de ma main, pour finir sur un doigt de mon pied."


Et de tendresses en baisers, elles disent avec quelle ardeur, "Je le veux ardent et profond", pour dire à son amour, "mon imagination revêt ses plus beaux atours et attend sous ta fenêtre", p 107.
"Ma poitrine se gonfle
dans l'impatience du désir
miche de pain chaud
mordue
par les dents
de ton badinage", telle une cerise rouge sur carrelage blanc.


Dans la fièvre de cette prose musicale et sensuelle, Maram AL-MASRI a su imprimer des messages ardents, parfois drôles, toujours justes, et montrer des femmes exigeantes loin des fausses images données par certains médias.
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La voix qui s'élève est celle d'une femme mariée qui contemple l'usure que le temps impose à son couple. Et voilà qu'elle est prise d'une attirance folle pour un autre homme ! Que faire de ses rêves perdus et de ses désirs nouveaux ? Dans des phrases en prose poétique, hachées et saccadées comme un souffle affolé, il est question d'amours douloureuses et contrariées, non payées de retour. La femme cherche à combler le vide laissé par l'amour parti ou celui, fantasmé, qui ne s'incarnera jamais dans la peau et la chair. Tout est terriblement éphémère, et donc fantastiquement beau, sensuel et troublant.
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Tout d'abord je voulais vous remercié pour l'envoie de la masse critique. Par contre je n'est reçu aucun mail ... Je ne pensait pas avoir eu le droit donc surprise.

Une couverture simple, j'aurais proposer autre chose pour attiré d'avantage le regards des lecteurs.
Un peu voir beaucoup déçu de découvrir que la page gauche est consacré aux texte arabes ... biensur impossible de l'ai lire. Cela aurais était plus agreable en français et peut etre plus long a lire, car celà a était très rapide en lecture.
Autre chose qui ma beaucoup choquer ou ennuyé dans ma lecture est l'absence de ponctuation ! Bien évidement si j'écrirai un texte sans ponctuations on en a vite marre ... Aucun point, aucun virgule, aucune majuscule .... Donc aucun sens par moment (voir tout le temps) au poème.
Maram Al-Masri utilise des pronoms personel mais aucun élément nous permet de situé les personnages indiqué, pas facile de suivre malgre que sa soit des poèmes.
Les passages où son pere figure j'ai bien aimer par contre
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Une page en arabe (l'auteure est syrienne d'origine) face à sa traduction française.
On devine le parcours de Maram al-Masri à travers ses textes : un mariage, un mari violent, des enfants, le ménage à tenir, une maîtresse...

106 poèmes qui parlent de la femme désabusée. 106 poèmes pour exprimer le doute, le désir et l'amour. Beau.
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
les femmes qui me ressemblent
ne savent pas parler
le mot leur reste dans la gorge
comme une arête
elles préfèrent avaler
les femmes qui me ressemblent
savent seulement pleurer
pleurer durement
brusquement
se vider
telle une artère brisée
les femmes qui me ressemblent
reçoivent les gifles
sans oser les rendre
tremblantes de rage
elles se contiennent
comme un lion en cage
les femmes qui me ressemblent
rêvent...
de liberté...
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Je le veux
ardent
et profond
qu'il me fasse chavirer
sinon qu'il n'approche pas
qu'il commence par un doigt de ma main
pour finir sur un doigt de mon pied
en passant par mes montagnes
mes vallées et mes plaines
et captive
mon âme
p 79
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Comme tu m'y as invité
j'ai lavé la vaisselle
j'ai nettoyé par terre
j'ai fait les carreaux
j'ai repassé les chemises
Il lu Dostoïevski
ce maudit temps qui
avec toi vol d'habitude
tic-tac
tic-tac
avance doucement
p 109
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Ma poitrine se gonfle
dans l'impatience du désir
miche de pain chaud
mordue
par les dents
de ton badinage
p 87
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La poésie va chercher en nous, enfoui, ce que nous ignorons avoir à l'intérieur de nous.

Maram al-Masri
Préface
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Videos de Maram al-Masri (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Maram al-Masri
Dans cet épisode, c'est Laure, libraire au rayon littérature de Dialogues, qui nous partage ses coups de coeur du moment.
Bibliographie
- Elle va nue la liberté de Maram Al-Masri (Éd . Bruno Doucey) https://www.librairiedialogues.fr/livre/4056340-elle-va-nue-la-liberte-images-de-syrie-maram-al--misri-editions-bruno-doucey - Où je suis de Jhumpa Lahiri (Éd. Chambon) https://www.librairiedialogues.fr/livre/18212996-ou-je-suis-jhumpa-lahiri-editions-jacqueline-chambon - J'ai hâte d'être à demain de Sandrine Senes (Éd. l''Iconoclaste) https://www.librairiedialogues.fr/livre/16641972-j-ai-hate-d-etre-a-demain-petites-histoires-d--sandrine-senes-l-iconoclaste
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