Au XVIème siècle, l'histoire d'Ana d'Autriche, fille bâtarde de Don Juan, le demi-frère du roi d'Espagne Philippe II.
La petite Anna est enfermée dès sa sixième année au couvent de Madrigal où elle grandit cachée de tous.
Adolescente, elle s'enivre des faits héroïques de Don Sébastien, le téméraire roi du Portugal, disparu sans laisser de traces.
A la veille de prendre définitivement le voile, Ana se cabre, refuse le destin qu'on lui impose malgré elle, proteste, plaide pour sa liberté bafouée, rédigeant même une lettre au Saint-Père dans laquelle elle invoque les droits de sa personne.
Mais aucune voix ne s'élèvera pour la défendre. Enfant illégitime, elle doit être cachée et n'a pas d'autre choix que de se soumettre à l'ordre social.
Une brève éclaircie vient pourtant éclairer sa jeune vie. Un homme mystérieux se présente un jour à la porte du monastère ; il dit s'appeler Gabriel de Espinosa. Nul ne sait d'où il vient mais son allure, son maintien, son élocution trahissent une haute naissance. On prétend même qu'il serait en réalité Don Sébastien, le roi disparu du Portugal, celui-là même dont Ana rêvait lorsqu'elle était enfant.
Entre eux naît une passion aussi soudaine que dévorante.
Mais en ce siècle de convenances, un couple osant s'aimer dans l'enceinte d'un couvent, brave aussi le courroux de l'opinion publique…
C'est une bien jolie histoire que nous conte ici
Michel del Castillo.
L'originalité de cette oeuvre intense, portée par une écriture volontairement dépouillée et subtilement poétique, vient de la façon qu'a l'auteur de se démarquer du roman historique traditionnel pour introduire sa propre histoire dans le récit et tenter de saisir la jeune Ana d'Autriche à travers le prisme de ses propres expériences, car lui aussi a connu le sentiment d'abandon et la solitude.
Une fraternité se crée alors avec la jeune fille mise à l'écart, non désirée; fraternité d'orphelin qui partage sa détresse mais aussi sa réclusion forcée. Il parvient ainsi à nous faire approcher leur enfance à tous deux.
De la sorte, c'est sur une partie de sa propre vie qu'il projette la lumière.
Cette dimension autobiographique donne une force particulière au roman qui possède de surcroît un caractère symbolique puisqu'il révèle, dans une société fondée sur les castes, la situation des oubliés de l'Histoire et notamment les femmes.
L'interrogation sur l'identité, thème qui traverse toutes les oeuvres de l'auteur, est ici aussi effective, ainsi que les blessures d'enfance et la soif de liberté.
Michel del Castillo, grand écrivain à la production littéraire immense et souvent primée (Prix Méditerranée 2006 pour « le
Dictionnaire amoureux de l'Espagne ») est, comme il se plait à le souligner, « un enfant des mots » ; un homme dont l'histoire est aussi intense que les fictions qu'il nous donne à lire, un être abandonné qui aurait pu mal tourner s'il n'avait rencontré la littérature et le pouvoir des livres et des mots. Sa vie a été dure et il revient de loin. Son enfance, difficile, est digne d'un roman à rebondissements : chaos de la guerre, franquisme, abandon de la mère, misère des camps d'internement et maison de redressement…Et c'est dans cet enfer qu'il découvre la littérature qui va le sauver de l'indigence.
C'est certainement pour cela que ses oeuvres portent en elles une écriture vraie, sincère, en butte contre toutes les idéologies qui enferment les êtres dans les geôles étroites de leur conscience, et révèlent les sentiments authentiques de l'homme qui a connu la souffrance et aspire à un profond besoin de liberté.
En se gardant de toute érudition inutile, l'auteur offre ainsi avec «
La religieuse de Madrigal » un beau roman, inspiré et humain.