Comment vous dire ?...
Cette adaptation théâtrale du chef-d'oeuvre de Mikhaïl Boulgakov relève du massacre à la tronçonneuse. Un jeu de massacre gratuit d'autant plus incompréhensible que la même revue a déjà publié il y a de cela 20 ans une adaptation de ce roman, signée Jean-Claude Carrière, beaucoup plus réussie et respectueuse de l'oeuvre et de son esprit que celle d'Igor Mendjisky.
Ici, les passages du roman ont été coupés à la diable, comme autant de tentatives de faire rentrer au chausse-pied un maximum de choses en un minimum de temps. On dirait les pieds sanglants des méchantes belles-soeurs de Cendrillon, qui se coupent l'une le talon, l'autre le gros orteil, pour tenter désespérément de rentrer dans la pantoufle de verre – ça saigne de partout et ça fait bigrement mal, rien qu'à regarder. Les passages de confrontation entre Ponce Pilate et Yeshua Ha Nozri, surtout, sont réduits à un tel minimum narratif qu'il n'en reste plus grand chose d'intéressant, malgré leur énorme potentiel dramatique dans le roman.
En toute honnêteté, il faut quand même signaler que j'ai retrouvé le plaisir de lire certaines répliques. Mais leurs qualités d'écriture me semblent relever quasi uniquement de l'incroyable talent de dialoguiste de Boulgakov, et non de celui de « l'adaptateur » (j'assume mes guillemets). Par ailleurs, contrairement à l'éclectisme des points de vue de l'histoire originale, Woland a été élu ici le véritable protagoniste de l'adaptation – presque le metteur en scène omniprésent qui tire en quasi pleine lumière toutes les ficelles. Sauf que ce Woland est aussi dévoyé que simplifié : qu'est-il arrivé à la merveilleuse réinterprétation du Diable du génie russe ? Elle a été réduite à un ersatz de Satan d'opérette, cliché à souhait, saupoudré de citations de Nietzsche qui n'ont rien à faire là. Confondre Boulgakov et Nietzsche ? C'est à se demander si « l'auteur » de cette adaptation a compris un traître mot de cette littérature explosive.
S'ajoute également un flou dans le contexte historique. La pièce est censée se situer dans l'URSS contemporaine de l'auteur (le vrai). Mais la volonté de mêler fiction et réalité et d'impliquer le public réel lors du numéro de sorcellerie de Woland dans une salle de théâtre, à savoir en convertissant la monnaie en euros pour attirer les spectateurs et les spectatrices, crée une contradiction temporo-spatiale pour laquelle il n'y a ni explication ni résolution. Adieu, suspension d'incrédulité ! « L'adaptateur », qui est aussi le metteur en scène, prend vraiment son public pour une quiche.
Ajoutons pour finir qu'après quelques petites recherches personnelles sur des passages qui m'ont laissée dubitative, je soupçonne l'adaptateur d'avoir (mal) traduit des passages venant... d'un autre adaptation théâtrale du roman "Le Maître et de Marguerite", en anglais cette fois-ci. Comme l'adaptation en question n'a jamais été traduite en français, le tour de passe-passe est joué : personne ne se rendra compte de rien ! Jouons donc les arnaqueurs comme le fait si bien Woland ! On n'y verra que du feu ! Eh bien si, manque de pot, je lis l'anglais, je sais faire une recherche et j'ai deux neurones qui se connectent. C'est suffisant pour démasquer la supercherie.
Pour conclure, vous apprendrez peut-être quelques petites choses dans le reste du numéro de la revue, qui ne se limite pas à ce texte dramatique (c'est pourquoi je laisse une étoile généreuse à ma notation). Mais ce n'est là que « l'oeuvre » d'un faussaire de bas étage qui capitalise sur l'aura d'un romancier prodigieux pour arrondir ses fins de mois et qui mise sur l'inculture d'un public qui voudra se laisser aller à croire qu'il connaît Boulgakov moyennant juste une heure trente de tambouille à la Mendjisky.
Passez donc votre chemin, mesdames, messieurs. Oubliez sans regret cette « adaptation » qui ne vaut pas un kopeck. Lisez Mikhaïl Boulgakov. Lui ne vous décevra pas.
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La plupart du temps les tartines tombent du côté de la confiture. Cela m'a fait me poser une question: est-ce que j'ai beurré ma tartine du bon côté? Je veux dire : est-ce que si au départ je l'avais beurrée de l'autre côté, elle serait tombée du côté pain? De prime abord on pourrait se dire que non puisque au moment où je l'ai prise et au moment de la chute, la confiture était au même endroit... Mais quand même, il y a des choses qui nous échappent, non?
Woland: nous avons observé de quoi vous étiez capable, Margot. Vous ne demandez jamais rien à personne! Jamais, à personne, et surtout pas à ceux qui sont plus puissant que vous. A eux de proposer, à eux de donner.
Le Maître : camarade auteur, c'est votre faute aussi. Vous n'auriez pas dû vous montrer si impertinent. Vous payez cela, maintenant.
Ivan : je ne comprends pas.
Le Maître : bon, vous n'allez pas vous mettre à crier ou à hurler?
Ivan : non, pourquoi?
Le Maître : parce que je crois que l'homme que vous avez rencontré à l'étang du patriarche, c'est Satan.
Ivan : Satan de quoi?
Le Maître : Satan, Satan, le diable.