AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782264007346
10-18 (01/01/1986)
4.09/5   54 notes
Résumé :

Les Réprouvés, récit autobiographique paru en 1930, se situe dans la période troublée des lendemains de la Première Guerre mondiale. Issu d'une famille huguenote, Ernst von Salomon s'engage dès 1918 à la sortie de l'École militaire dans les corps francs qui combattent en Haute-Silésie et dans les pays baltes pour écraser la révolution rouge. En 1922, il est condamné à cinq ans de ré... >Voir plus
Que lire après Les RéprouvésVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
A l'heure où, en France, des foules en liesse célèbrent la victoire chèrement acquise, en Allemagne, le retour des soldats est un événement terriblement amer qui révèle déjà le fossé considérable qui existe entre les populations civiles et les soldats. Parmi les jeunes gens qui s'attendent au retour des héros, et observent au contraire les faces grises, ternes et terribles de ceux qui ont côtoyé la mort au plus près pendant quatre ans, Ernst von Salomon, élève à l'école des Cadets de l'empereur, bout déjà d'une colère profonde. Von Salomon n'est pas un cas isolé. Il est l'un de ces jeunes hommes qui, durant la décennie 1920 en Allemagne, vont s'engager dans les Corps Francs (Freikorps) et déstabiliser la jeune République de Weimar, déjà peu légitime à cause de la signature du traité de Versailles en 1919.

Le livre est divisé en trois parties chronologiques. On assiste en premier lieu à l'engagement du jeune Von Salomon avec les Freikorps dans les combats menés dans les provinces de la Baltique (actuelles Lettonie, Estonie et Lituanie mais anciennement province de Prusse orientale) et de la Silésie (actuelle Pologne). La deuxième partie s'intéresse à son retour en Allemagne et son activisme dans l'organisation Opération Consul, organisation secrète qui agita la société allemande d'après-guerre. Enfin, la troisième partie évoque l'arrestation et, surtout, l'emprisonnement cinq ans durant d'Ernst von Salomon. Cette masse d'événements ne laisse pas d'étonner lorsque l'on sait que Von Salomon les vécut avant l'âge de 26 ans.

La première partie est très intéressante car, au-delà des mouvements de troupes et de la description des conditions de vie de soldat, difficiles mais rendues supportables par l'esprit de camaraderie, elle montre surtout la grande précarité de la situation géopolitique de l'Europe dans les années 1918-1921, lorsque les Corps Francs allemands se projetaient à toutes les frontières du Reich pour le défendre d'un démembrement promis. le terme de "Réprouvés" désigne d'ailleurs les membres de ces Corps Francs dont l'action était reniée par les gouvernements de la République de Weimar. Cette réprobation officielle s'accompagnait, par ailleurs, d'une autorisation officieuse, notamment de la part des Britanniques et des Français qui voyaient, dans les Freikorps, un rempart nécessaire contre la poussée bolchevique en Europe de l'est, et notamment dans les pays baltes. Les Corps Francs connurent toutefois un échec durable puisqu'ils ne purent empêcher la prise de Riga par les Lettons, ni l'occupation finale de la Silésie par les Polonais, pourtant inférieurs sur le plan militaire d'après Von Salomon.

La deuxième partie, elle, montre l'agitation frénétique des organisations nationalistes, dont était l'Opération Consul, qui luttent à la fois contre les séparatistes en Rhénanie, contre les communistes et qui ne reconnaissent pas la légitimité de la République de Weimar, accusée d'avoir signé un traité de Versailles honteux. L'activisme brutal des hommes de l'Opération Consul était étroitement surveillé par les services de renseignement allemands et français, étant entendu que la France, jusqu'en 1925, occupe la Ruhr. Se pose alors la question de la stérilité ou de la fertilité de ces actions, avec une dominance pour la première option. On voit aussi, entre les lignes, le contexte économique national très difficile dans lequel vivent les Allemands, notamment une très forte inflation, lequel contexte permet cependant à Von Salomon, par un procédé mercantile qui relève de l'abus de confiance, de financer les activités du groupe. Von Salomon ne fait pas partie des cadres de l'Opération Consul mais, ayant l'oreille d'un responsable (Kern), il participe indirectement à l'assassinat de Walther Rathenau en juin 1922. Rathenau symbolisait, en effet, l'acceptation par l'Allemagne des traités d'après-guerre et des conditions d'occupation, ainsi que sa adhésion aux modes de pensée et aux volontés occidentaux (comprendre : britanniques et français). La troisième partie narre l'enfermement et l'isolement du détenu Von Salomon, condamné à 5 ans pour la participation à l'assassinat de Rathenau et à 3 ans pour coups et blessures sur un ancien membre de l'Opération Consul, un nommé Weigelt, soupçonné de trahison. L'univers carcéral lui assure l'illégitimité du système établi, ne serait-ce que par l'hypocrisie de ce système qui proclame des principes humanitaires et traite les détenus comme des bêtes féroces. Par conséquent, cette expérience lui prouve la justesse de son combat et la vérité de son destin. Cette étape de sa vie confirme aussi à Von Salomon qu'il est autant un réprouvé en prison qu'il le fut en combattant dans les Freikorps.

Les Réprouvés est un grand récit puisqu'il constitue un témoignage direct et puissant d'un combattant allemand, dont l'analyse permet, en filigrane, de comprendre la montée du nazisme. Les phrases de ce livre ont un impact fort qui restitue la rage d'une partie de la jeunesse et de la population allemandes, que les traités d'après-guerre condamnaient à la soumission et à la honte. Enfin, Les Réprouvés interroge la notion de modernité, que d'aucuns qualifieraient aujourd'hui d'aseptisée, ainsi que les valeurs qui en découlent, notamment celles ayant un lien avec la justice et le droit. Cette jeune génération allemande connaît alors de nombreux échecs (dissolution de l'armée allemande, perte des territoires du Reich, persistance dans le modèle libéral ou bourgeois par une majorité de la population allemande ...) mais l'ensemble de ces traumatismes (politique, économique, militaire, social ...) furent un terreau fertile pour la naissance et la poussée du national-socialisme, dont on devine, dans les écrits d'Ernst von Salomon, les premiers bourgeons.
Commenter  J’apprécie          140
L'autobiographie de E V Salomon débute alors qu'il est cadet à l'académie militaire quelques années après la première guerre mondiale et sous la république de Weimar ( qui est proclamée au cours de la révolution de 1918, le 9 novembre 1918, soit deux jours avant la fin des hostilités de la Première Guerre mondiale) où Ernst est trop jeune pour combattre.
Il sera de tous les combats en mettant ses capacités et sa vie au service de son pays mais surtout pour mettre à mal le régime en place; ce qui lui vaudra des années de prison ( pour avoir participé à l'assassinat de Walter Rathenau, ministre des affaires étrangères en 1922) mais ne se résignera jamais.
Une génération "coincée" entre deux conflits qui se cherche dans les tourments de l'histoire.
Commenter  J’apprécie          240
À la fin de la première guerre mondiale, le très jeune Ernst est encore un cadet de l'armée. Il ne pourra donc pas s'illustrer dans les tranchées. L'Allemagne vaincue est en proie à des troubles importants. L'auteur assiste à des exactions de la part de groupes révolutionnaires bolcheviques qui veulent déclencher une véritable guerre civile. Très vite, il s'engage dans l'armée qui a bien du mal à rétablir l'ordre dans le pays. Il se retrouve d'abord à Berlin, puis à Weimar et enfin du côté de Riga avec les Baltes pour faire face aux Lettons communistes et autres spartakistes qu'il faut débusquer à la mitrailleuse. Mais quand le gouvernement ordonne le cessez le feu et le retrait des troupes, il fait partie d'un groupe de soldats qui entre en rébellion et finit par se retrouver sous le feu croisé de l'armée régulière et des Rouges. 9 dixièmes des insurgés périssent dans un baroud d'honneur désespéré. Salomon réussit à ne pas se faire assassiner en cachant sa qualité d'officier, puis à s'enfuir de son lieu de rétention en troquant ses vêtements. Mais la lutte pour l'Allemagne ne fait que commencer. Avec quelques compagnons, ils cachent des armes, s'organisent en groupes d'auto-défense et tentent même d'aller récupérer la Haute Silésie attribuée à la Pologne !
« Les réprouvés » est un témoignage de première main sur une période fort troublée de l'histoire allemande. La guerre est finie et pourtant c'est très loin d'être la paix en Allemagne. le traité de Versailles est considéré comme cruel et injuste. Les Français sont vus comme des occupants sales et peu respectueux des populations. le territoire est amputé à l'est. Salomon va de tribulations en tribulations. Cet apprenti conspirateur plutôt naïf finit par ramasser cinq années de prison pour complicité dans l'assassinat de Walther Rathenau. La description des souffrances endurées lors de ses années de détention est assez hallucinante. À sa sortie, le livre s'achève avec l'apparition d'un certain Adolf Hitler. le lecteur comprend mieux comment un pays humilié, ravagé par une guerre civile larvée et ruiné par une inflation démentielle (on compte par millions et par milliards de marks) a pu produire un tel personnage et une telle doctrine. Au total, un livre plus intéressant du point de vue document historique que littérature à proprement parler. le style de Salomon assez peu léger amène une lecture un tantinet laborieuse, mais le propos mérite l'effort vu que la période pré-nazie est assez méconnue de ce côté du Rhin.
Lien : http://www.bernardviallet.fr
Commenter  J’apprécie          70
Un des rares récit de Baltikummer, en France nous n'avons malheureusement que peu de récits des Freikorps et de l'effervescence de pensée politique qu'ils constituaient. cet ouvrage taillé à la baïonnette, relate les événements troubles du Kampfzeit.
Situé a l'époque ou un Homme partait physiquement se battre pour ce en quoi il croyait, ce récit nous offre une belle fresque de la situation politique allemande de l'après 14-18 et de ce que militer signifiait.
La frustration, la colère et l'indignation y côtoient le goût de l'inconnu, de l'aventure et du néant.
Commenter  J’apprécie          80
Ernst von Salomon fait partie de ces écrivains allemands encore relativement mal connus en France, et c'est fort injuste. Ce roman en grande partie autobiographique raconte avec passion l'époque des Corps Francs allemands, au lendemain de la Grande Guerre. Ces Allemands, humiliés par la défaite, et qui refusaient de l'admettre.
Dans la même veine que Les Réprouvés, on pourra lire avec autant d'intérêt le Questionnaire, du même auteur.
Commenter  J’apprécie          60


critiques presse (1)
LeFigaro
18 juin 2011
Un roman tourmenté, écrit au sabre, qui reflète en partie la vie de son auteur.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Une nuit, pendant ces temps incertains, je rêvai de l’entrée des Français, oui, j’en rêvai, bien que jamais encore je n’eusse vu un soldat français, à part quelques prisonniers de guerre – je tiens à ajouter dès maintenant que dix-sept mois plus tard, quand ils occupèrent effectivement cette ville, je les vis tels que je les avais rêvés –, et voici comment je les voyais : soudain ils étaient dans la ville, dans cette ville morte, assourdie ; des formes souples gris bleu comme le crépuscule qui tombait entre les maisons, des casques d’un éclat mat au-dessus de visages clairs, de visages blonds et ils allaient vite, le fusil à l’épaule, au bout du fusil la baïonnette et tandis qu’ils marchaient, leurs genoux fonctionnant comme des ressorts entrouvraient leur manteau et ils fonçaient au milieu des vastes places vides, inflexibles, comme mus par des ficelles, et devant eux le brouillard qui pesait sur la ville se dissipait et c’était comme si les pavés gémissaient, comme si chacun de leurs pas enfonçait un coin aigu dans le sol torturé et comme si les arbres et les maisons se courbaient devant cette menace triomphante de la victoire, devant l’enivrement mortel, irrésistible de leur marche.
Commenter  J’apprécie          210
Puis suivaient rapidement les régiments de Tunisiens, bruns, agiles et minces comme des chats. Ils avaient des dents d'une blancheur éclatante. Leurs yeux vifs et brillants lançaient des éclairs. Il flottait autour d'eux comme une senteur de désert, une inquiétude née sous un soleil de feu, sur un sable qui miroite...Derrière eux venaient les spahis dans leurs manteaux flottants au lumineux coloris, sur leurs chevaux minuscules et robustes, les spahis agiles et félins, comme assoiffés de sang. Enfin, noirs comme la peste, des corps musclés, satinés, sur de longues jambes, des narines avidement ouvertes dans des visages luisants : les Nègres.
Et nous rejetés, piétinés, domptés. O Dieu ! Que cela ne soit pas ! Cet indescriptible élan ! Et nous anéantis, gisant dans la poussière, réduits à l'obéissance, nous vaincus, déshonorés, abandonnés, ayant à tout jamais perdu la gloire !
Commenter  J’apprécie          130
Ensuite vint un groupe de Nègres conduits par un caporal blanc. Les Nègres avaient des jambes maigres, toutes droites, sur lesquelles les bandes molletières glissaient, et ils marchaient avec le bout des pieds tourné à l'intérieur. Ils ricanaient sous leur casque plat en montrant de larges dents luisantes, ils regardaient avec insouciance de tous côtés, et se délectaient visiblement du sentiment d'une supériorité imprévue.
C'était donc là " les représentants de l'humanité et de la démocratie" !
On les avait ramassés dans tous les coins du globe pour venir nous châtier, nous les barbares.
Commenter  J’apprécie          152
Je fus conduit devant le conseil disciplinaire de la prison qui s'était réuni d'urgence. Le surveillant en chef m'ordonna d'entrer dans la pièce et me fit asseoir devant une table en forme de fer à cheval autour de laquelle les fonctionnaires supérieurs étaient rassemblés.
Il y avait là le directeur, un petit homme corpulent, le visage large et plutôt débonnaire, avec de petites lunettes sur le nez et devant lui un dossier. Puis le pasteur, le pharisien le plus froid que j'aie jamais connu et pour lequel il n'existait qu'une seule catégorie de prisonniers qui valait que l'on s'occupât d'elle : celle des Polonais.
Ensuite le trésorier, membre de la philharmonie de la localité, éternellement maussade, aussi méticuleux et morne que son emploi, et prétentieux comme la Croix du Mérite qu'il arborait toujours sur lui.
Un peu plus loin était assis l'inspecteur des travaux, un sec intrigant, long, maigre, coriace, dont la barbe mélancolique pendait sur un cou plissé. A côté de lui le secrétaire général, un individu brutal, carré, hypocrite, avec une figure rouge et des yeux qui lui sortaient de la tête.
Et enfin l'économe, un homme lourd et placide, que les prisonniers appelaient le "coupeur de haricots en quatre".
Commenter  J’apprécie          60
Ce que nous voulions, nous ne le savions pas et ce que nous savions nous ne le voulions pas. Guerre et aventure, sédition et destruction et dans tous les recoins de nos coeurs une pression inconnue, torturante qui nous poussait sans relâche! Enfoncer une porte dans le mur du monde qui nous encerclait, marcher sur des champs de feu, passer par dessus des ruines et des cendres qu'un souffle emporte au loin, dévaler à travers des bois broussailleux et des landes balayées par les vents, nous creuser à coups de dents un chemin victorieux vers l'est, vers ce pays, blanc et brûlant, sombre et froid qui s'allongeait entre nous et l'Asie- tout cela le voulions-nous? Je ne sais si nous le voulions; nous le faisions, et le "pourquoi" se perdait dans l'ombre de luttes sans trêve.
Commenter  J’apprécie          90

Video de Ernst von Salomon (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ernst von Salomon
Ernst von Salomon -- Die Geächteten (Auszüge Teil 1)
Dans la catégorie : Mélanges littérairesVoir plus
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature des langues germaniques. Allemand>Mélanges littéraires (189)
autres livres classés : allemagneVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (178) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1710 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..