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Bernard Lortholary (Préfacier, etc.)
EAN : 9782080705648
212 pages
Flammarion (03/08/1993)
3.95/5   54 notes
Résumé :
"L'officier mit la machine en route et, dans le silence qui s'instaurait, le condamné fut couché sous la herse. On détacha les chaînes et, à leur place, on fixa les sangles : il sembla tout d'abord que, pour le condamné, ce fût presque un soulagement. Et puis la herse descendit encore un peu plus bas, car l'homme était maigre. Quand les pointes le touchèrent, un frisson parcourut sa peau... " Avec " Le Soutier " premier chapitre d'Amerika, et La Métamorphose, ce rec... >Voir plus
Que lire après Dans la colonie pénitentiaire - Considération - Le verdict - Un médecin de campagneVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ce recueil rassemble la quasi-totalité des nouvelles publiées du vivant de leur auteur, à l'exception notable de la Métamorphose. On y retrouve le style kafkaïen si particulier, un onirisme souvent inquiétant, parfois tragicomique.

La première partie est plutôt enjouée : les mini, voire micro-nouvelles de « Considération » affichent la volonté de s'évader dans les grands espaces. C'est le cas avec « L'excursion en montagne », ou « Désir de devenir un indien », qui fait écho aux jeux juvéniles décrits dans « Des enfants sur la route ». Mais la nostalgie de ce jeune âge (moins lourd en responsabilités) prend un tour sombre dans « Malheur », où un adulte et le spectre de son enfance s'observent l'un l'autre et discutent sans pouvoir communiquer pour autant.

Les échanges de paroles et de regards sont source d'anxiété. En particulier dans le rapport au père. « le verdict » est ainsi la nouvelle où l'auteur se montre le plus explicite sur sa relation angoissée avec son géniteur. Face à son père grabataire, le héros, Georg, se retrouve inexplicablement dépassé, à la fois en stature physique et en compréhension des évènements, comme dans un cauchemar où l'on assiste impuissant à son propre cheminement dans une voie mortifère.

Pince sans rire, Kafka caricature la façon dont le jugement d'autrui peut s'inscrire dans la chair et faire mourir à petit feu. L'horreur de l'exécution promue par l'officier de la « Colonie pénitentiaire » se mêle aux pantomimes incongrues du condamné et du soldat qui l'accompagne (un duo évoquant les aides du Château). Tout se renverse dans cette histoire : les corps suppliciés, les rôles de victime et de bourreau, et les symboles chrétiens (crucifixion, résurrection), détournés de façon grotesque.

La figure du « voyageur », détachée des autres personnages, mais non dépourvue d'empathie, semble appeler à prendre de la hauteur, à relativiser.

Est-ce pour cette raison que le point de vue de Kafka se fait de plus en plus paternel dans la partie finale, "Un médecin de campagne" ? On y trouve en effet à plusieurs reprises le personnage du « père de famille », qui porte un regard critique sur sa progéniture (reflet de ses propres défauts), et s'inquiète du destin incertain des jouets de son enfance. En parallèle, le ton demeure très grinçant. Les ultimes histoires mettent l'accent sur la peur de la mort, plus spécifiquement de la maladie et du déclin physique. Acquis grâce à un pacte avec un diable lubrique, l'attelage du médecin éponyme nous entraîne toujours plus loin dans les strates du cauchemar. On y croise des fragments du Procès : la parabole « Devant la Loi » et « Un rêve », où Joseph K. déambule dans un cimetière, prêt à se laisser mourir sans rien dire, sans rien oser, comme le héros de la parabole.

Cet effacement de soi se retrouve dans l'ultime nouvelle, « Un compte-rendu pour une académie » où Kafka donne la parole à un singe civilisé, acceptant de « donner le change » à l'humanité pour survivre parmi elle, quitte à nier sa nature. Une satire de la socialisation et des compromis qu'elle impose, voire des compromissions qu'elle entraîne chez ceux dont la nature s'y prête le moins.
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Je connais très mal Kafka - je ne le découvre pas totalement, mais je ne suis pas familière de ses écrits. Je ne sais donc pas forcément quels passages doivent être pris de façon tragique, ou de façon ironique voire humoristique. Pour bien comprendre cet ouvrage, il m'a manqué un appareil critique : d'abord, pourquoi plusieurs recueils de nouvelles ont-il été rassemblés ? Et à l'intérieur des recueils, qu'est-ce qui fait l'unité des différents textes ? Ainsi, dans "Considération", on trouve différents récits d'une page ou même moins. Mais je n'ai pas compris tout de suite que ce n'était pas le même personnage qui était le Narrateur ou le héros. de même, le recueil qui s'intitule "Un médecin de campagne" ne présente qu'un texte autour d'un médecin.
J'en ai donc conclu que le rapprochement des textes devait être thématique. Et c'est le dernier qui m'a donné une clef de lecture a posteriori : beaucoup de récits semblent orienter autour de la notion de liberté, ou, du moins, comme le dit le singe, de la recherche d'une "issue", qui permettrait donc l'évasion. Je n'ai aucune idée si c'est une bonne interprétation, mais cela correspond au récit éponyme : "La Colonie pénitentiaire". Tout le monde y cherche à fuir, ou à échapper à quelque chose : le Condamné à sa sentence, l'Officier aux nouvelles règles, le Visiteur à la Colonie, la Machine elle-même - puisque c'est un personnage à part entière - à sa destruction. Et dans la dernière nouvelle, le singe imite l'homme pour quitter sa condition de captif.
Je ressens bien le talent d'écriture, mais il me manque sûrement des clefs d'interprétation, notamment pour comprendre les tons employés, surtout ce va-et-vient entre tragique et comique, entre destinée et grivoiserie.
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Kafka a véritablement un don pour nous mettre mal à l'aise! le Verdict évoque certainement la relation de Kafka et de son père. Il nous mène vers une fin déconcertante.
Dans la colonie pénitentiaire est une nouvelle horrible, mais sublime. La sentence et la peine sont réunies dans une seule et même action. Ce qui trouble le plus, c'est que nous sommes seuls à supporter notre malaise. Aucun personnage n'agit comme on le voudrait, comme on le ferait. Un fossé est créé. Rien n'est fait pour apaiser notre conscience bousculée.
C'est quand même une belle image que l'écriture des crimes sur le corps des criminels. le corps est un livre où vient s'écrire le Destin!
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Le livre de poche que j'ai lu contenait plusieurs nouvelles, notamment "La métamorphose" qui a une grande notoriété en raison de la hardiesse de son sujet et de son écriture. Mais ce n'est pas ce texte que j'ai préféré, loin de là. Dans ce recueil, j'ai apprécié d'autres nouvelles plus courtes, très réussies et même presque géniales.
"Le médecin de campagne" est une fable angoissante qui se rapporte aux problèmes existentiels de l'individu. "Le verdict" renvoie au sentiment de culpabilité de Kafka (notamment devant son père), et des humains en général. "Devant la loi" est une allégorie illustrant d'une manière frappante nos inhibitions, nos réflexes conditionnés de soumission. "Le message impérial" évoque tous nos espoirs sans cesse déçus. Ces quatre nouvelles entrent profondément en résonance avec notre perception personnelle de l'existence.
Pour moi, ce sont de vrais bijoux littéraires, très caractéristiques de l'esprit de l'auteur. Ils me semblent beaucoup plus "lisibles" que les grands romans de Kafka (y compris "Le procès").

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La prosaïque de ses nouvelles est un voyage dans les lymphes merveilleuses de l'irréel. Tel un jardinier, Kafka sème ses idées du génie de son esprit dans le tumulte de la terre aride de notre érudition. Kafka cultive avec maestria les mots, s'entrechoquant dans l'anisotropie d'un univers fantastique, côtoyant les formes schizophréniques au gré de ces écrits. le réalisme des portraits psychologiques, à la névrose de chacun, de la satire comique d'une société gangrénée, s'entremêle le plaisir absolu de l'écriture ou l'art s'unit avec la perfection d'une partition de notes en résonance. On pénètre dans l'esprit de Kafka pour s'y délecter avec jouissance de sa sensibilité à fleur de peau…
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Le Visiteur : « Connaît-il la sentence ? »
L:Officier : « Non »
Le Visiteur : « II ne connaît pas sa propre condamnation ? »
L:Officier : « Non. Il serait inutile de la lui faire connaître puisqu'il va l’apprendre dans sa propre chair.»
Le Visiteur : « II sait tout de même qu'il est l'objet d'une condamnation ? »
L:Officier : « Pas davantage ! »
Le Visiteur : « Non ! Cet homme ne sait donc pas comment sa défense a été reçue ? »
L:Officier : « II n'a pas eu l'occasion de se défendre. »
Le Visiteur : « II a bien fallu pourtant qu'il ait la possibilité de se défendre ! »
Le Narrateur : L:officier comprit qu'il risquait fort de se voir interrompu pour longtemps dans son explication de la machine.
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Les arbres.
Nous sommes en effet comme les troncs d'arbre dans la neige. On dirait bien qu'ils sont juste posés bien à plat et qu'on pourrait les faire glisser en les poussant un peu. Mais non, on ne peut pas, car ils sont solidement attachés au sol. Seulement voilà, même cela n'est qu’une apparence.
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Chacals et Arabes.
" Il se peut, il se peut", dis-je, " Je ne m'arroge pas le droit de porter un jugement, en des matières qui me sont à ce point étrangères; ça paraît être un conflit très ancien; donc, c'est sans doute dans le sang; peut-être donc que cela ne finira qu'avec le sang."
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C’est pourquoi la meilleure solution reste tout de même de tout encaisser, de se comporter comme une masse pesante et, même si l’on se sent emporté par une tornade, de ne pas se laisser persuader de faire un seul pas inutile, d’avoir pour autrui un regard animal, de n’éprouver aucun remords, bref, de réprimer de sa propre main ce qui reste encore de la vie sous forme de fantôme, c’est-à-dire d’accroître encore l’ultime repos sépulcral et de ne plus rien laisser subsister d’autre que lui.
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"Un compte rendu pour une académie"
J'ai peur qu'on ne comprenne pas exactement ce que j'entends par issue. J'emploie le mot dans son sens habituel et le plus plein. C'est à dessein que je ne dis pas liberté. Je ne veux pas parler de ce grand sentiment de liberté dans toute les directions. Comme singe, je l'ai peut-être connu, et j'ai rencontré des hommes qui en avaient le désir. Mais, pour ce qui est de moi, je n'ai jamais alors demandé, ni ne demande aujourd'hui la liberté. Soit dit en passant, la liberté sert trop fréquemment, entre les hommes, à se tromper.
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Vidéo de Franz Kafka
Leslie Kaplan - L'Assassin du dimanche - éditions P.O.L - où Leslie Kaplan tente de dire de quoi et comment est composé "L'Assassin du dimanche" et où il est question notamment de femmes qui s'organisent et de collectif, de littérature et de hasard, de Franz Kafka et de Samuel Beckett, d'une usine de biscottes et du jardin du Luxembourg, à l'occasion de la parution aux éditions P.O.L de "L'Assassin du dimanche", à Paris le 21 mars 2024
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