Qui sont les représentants en librairie ? Ces hommes et ces femmes de l'ombre, qui sillonnent les routes de France dans des voitures chargées de livres pour faire le lien entre les maisons d'édition et les librairies ? Elisabeth Segard, journaliste à Livres Hebdo, est allée à leur rencontre pour brosser le portrait robot de l'une des professions les plus discrètes et les plus influentes de la chaîne du livre. Dans la deuxième partie de l'épisode, Lauren Malka nous emmène au coeur de la Goutte d'or, à Paris, pour y découvrir la Régulière, une librairie-café présentée par sa fondatrice Alice et par l'écrivaine Chloé Delaume, au micro de Lauren, comme une véritable oasis de culture.Enfin, la clique critique de Livres Hebdo se réunit pour vous parler non seulement de ses coups de coeur de février, mais aussi de ce que ces livres dessinent dans le paysage éditorial de ce début d'année. Entre essais, BD et romans, les genres sont variés : Histoire de Jérusalem, de Vincent Lemire et Christophe Gaultier, publié aux Arènes ; Littérature et révolution, de Joseph Andras et Kaoutar Harchi, publié aux éditions Divergences ; Insula, de Caroline Caugant, publié au Seuil ; Les yeux de Mona, de Thomas Schlesser, publié chez Albin Michel ; Rousse, de Denis Infante, publié chez Tistram ; Abrégé de littérature-molotov, de Macko Dràgàn, publié chez Terres de feu. Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.Enregistrement : janvier 2024 Réalisation : Lauren Malka Musique originale : Ferdinand Bayard Voix des intertitres : Antoine KerninonProduction : Livres Hebdo
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Elle put se faufiler dans le dos de cette Gare Saint-Lazare et plonger de l’autre côté du miroir. Là, elle vit une toile vieillie, marronnasse et une armature en bois. Tiens ! Comme tout cela, d’un coup, lui sembla dérisoire, bricolé, fragile ! Mona comprit que c’était aussi cela le sens caché d’une peinture, c’était aussi cela qu’il fallait deviner derrière les images : il ne s’y nichait pas seulement des lectures complexes, des interprétations savantes, des décryptages audacieux et des hypothèses par centaines. Non, ce qui se dérobait et qu’il convenait de garder à l’esprit sous les couches de pigments, c’était la trivialité de ces canevas sans âme montés sur châssis, c’était la désarmante simplicité de ces objets sur lesquels se fixeraient peut-être d’immortels moments de l’humanité même.
L'amour est désir et le désir est manque.
Cesse de demander pardon quand tu as l’impression que tes sentiments ne se conforment pas à ce qu’on attend de toi. Tu es libre de ressentir ce que tu veux. Et je vais te dire mieux : ton malaise devant l’atmosphère indécise et lugubre de Magritte, c’est la preuve que tu sais regarder cette peinture, que tu y trouves ce que l’artiste y a placé.
Si je deviens aveugle, le paradis des couleurs, j’espère qu’il sera dans ma tête.
Savoir recevoir. Ce que dit cette fresque, c'est qu'il faut apprendre à recevoir, que la nature humaine, pour être capable de grandes et belles choses, doit être prête à accueillir : accueillir la bienveillance d'autrui, son désir de faire plaisir, accueillir ce qu'elle n'a pas encore et ce qu'elle n'est pas encore. Il sera toujours temps pour celui qui reçoit de rendre, mais pour rendre, c'est-à-dire donner à nouveau, il est indispensable d'avoir été capable de recevoir.
La fête a sa part de défaite, il faut donc s'en méfier, surtout lorsqu'elle s'automatise, devient une obligation sociale. La comédie, le jeu, les licences et le badinage ont - nous dit Watteau - un arrière-goût mélancolique, parce que le corps s'y épuise fatalement et que l'injonction d'être heureux est intenable. (p. 118)
11 - Antoine Watteau
En toute fête sourd une défaite
Et puis soudain, à l'approche de chez elle, Mona cessa, rattrapée par le mensonge complice dont ils étaient convenus pour éviter les séances chez le pédopsychiatre. Elle ouvrit ses grands yeux bleus et tourna sa petite tête coquine en riant du mauvais tour qu' ils jouaient à ses parents.
- Dadé, qu'est-ce que je dis si papa et maman me demandent le nom du médecin que je suis allée voir ?
- Dis- leur qu'il s'appelle le Dr Botticelli.
( p.37)
Ce qui reste d’une vie, ce sont des objets, des tas d’objets qui ont eux aussi leur vie propre. Ce sont des choses, des petites choses qui n’ont parfois même plus de nom tant elles sont usées, cassées, fragmentées. Mais, même dans un encrier de collégien ou dans un trèfle à quatre feuilles, tu peux rêver des univers entiers.
C'est que le presque rien fait tout le charme de la vie ; il suffit qu'il y ait ce presque rien pour que l'existence s'illumine. Sans ces presque-rien qui nous échappent, les choses ne seraient que ce qu'elles sont. Il a suffit d'un je-ne-sais-quoi, et elles deviennent soudain délicieuses.
Michel-Ange
Délivre-toi de la matière
(...) Mais cette fois, Mona demeura muette.Pas envie.Pas la tête à cela.Quelque chose inhibait son enthousiasme habituel.Ce quelque chose c'était le souvenir de la question de Diego, le matin même. Elle réalisait que son camarade ne l'avait pas du tout posée par impertinence. Diego s'était interrogé de la manière la plus sincère qui soit:" Quand donc un individu s'arrête-t-il de jouer ?" À partir de quel seuil, à partir de quel âge ce goût pour les histoires que l'on s'invente et que l'on interprète avec une spontanéité insouciante cesse -t-il ?
( p.61)