L'écrivain et poète Pierre Vinclair a répondu au décalé et intimiste Questionnaire de Trousp, autant inspiré par celui de Proust que des questions de Bernard Pivot.
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Chapitres:
0:08 Comment faire pour fabriquer des poèmes qui soient le plus lisibles possible, accessibles en même temps que mystérieux?
0:35 Avec quel poète ou écrivain aimeriez-vous passer une soirée au coin d'un feu?
0:44 Que pensez-vous de cette citation? «Un bon poète n'est pas plus utile à l'état qu'un bon joueur de quille.» François de Malherbe
0:56 La poésie est-elle toujours affaire d'émotion, de sensation ou de sens?
1:35 Qu'est-ce que la poésie par rapport à la prose ne peut pas ou ne sait pas dire?
2:40 Pensez-vous que la poésie sauvera le monde?
2:45 Vous souvenez-vous de votre premier poème?
3:31 Que pensez-vous de cette citation? «Plus que mode de connaissance, la poésie est d'abord mode de vie.» Saint-John Perse
5:56 Remerciements
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Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin ;
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.
(N. B. : ô vous, le Caennais de mon cœur, je vous devais bien ça.)
LA MERVEILLE DES BELLES - CHANSON
1614
Sus, debout, la merveille des belles !
Allons voir sur les herbes nouvelles
Luire un émail dont la vive peinture
Défend à l'art d'imiter la nature.
L'air est plein d'une haleine de roses,
Tous les vents tiennent leurs bouches closes ;
Et le soleil semble sortir de l'onde
Pour quelque amour plus que pour luire au monde.
On dirait, à lui voir sur la tête
Ses rayons comme un chapeau de fête,
Qu'il s'en va suivre en si belle journée
Encore un coup la fille de Pénée.
Toute chose aux délices conspire,
Mettez-vous en votre humeur de rire ;
Les soins profonds d'où les rides nous viennent
À d'autres ans qu'aux vôtres appartiennent.
Il fait chaud, mais un feuillage sombre
Loin du bruit nous fournira quelque ombre,
Où nous ferons parmi les violettes,
Mépris de l'ambre et de ses cassolettes.
Près de nous, sur les branches voisines
Des genêts, des houx et des épines,
Le rossignol, déployant ses merveilles,
Jusqu'aux rochers donnera des oreilles.
Et peut-être à travers des fougères
Verrons-nous, de bergers à bergères,
Sein contre sein, et bouche contre bouche,
Naître et finir quelque douce escarmouche.
C'est chez eux qu'Amour est à son aise ;
II y saute, il y danse, il y baise,
Et foule aux pieds les contraintes serviles
De tant de lois qui le gênent aux villes.
Ô qu'un jour mon âme aurait de gloire
D'obtenir cette heureuse victoire,
Si la pitié de mes peines passées,
Vous disposait à semblables pensées !
Votre honneur, le plus vain des idoles,
Vous remplit de mensonges frivoles :
Mais quel esprit que la raison conseille,
S'il est aimé, ne rend point la pareille ?
Consolation à M. Du Périer sur la mort de sa fille
Ta douleur, Du Périer, sera donc éternelle,
Et les tristes discours
Que te met en l'esprit l'amitié paternelle
L'augmenteront toujours
Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,
Est-ce quelque dédale, où ta raison perdue
Ne se retrouve pas?
Je sais de quels appas son enfance était pleine,
Et n'ai pas entrepris,
Injurieux ami, de soulager ta peine
Avecque son mépris.
Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin;
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.
Puis quand ainsi serait, que selon ta prière,
Elle aurait obtenu
D'avoir en cheveux blancs terminé sa carrière,
Qu'en fût-il advenu?
Penses-tu que, plus vieille, en la maison céleste
Elle eût eu plus d'accueil?
Ou qu'elle eût moins senti la poussière funeste
Et les vers du cercueil ?
Non, non, mon Du Périer, aussitôt que la Parque
Ote l'âme du corps,
L'âge s'évanouit au deçà de la barque,
Et ne suit point les morts...
La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ;
On a beau la prier,
La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.
Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses lois;
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend point nos rois.
De murmurer contre elle, et perdre patience,
Il est mal à propos ;
Vouloir ce que Dieu veut, est la seule science
Qui nous met en repos.
Un poète n'est pas plus utile à l'état qu'un joueur de quilles
Le vivre et le vieillir sont choses si conjointes, que l'imagination même a de la peine à les séparer.
« Quelque absolu que vous soyez, vous ne sauriez, Sire, ni abolir, ni établir un mot, si l'usage ne l'autorise. »
Cité par Tallemant des Réaux dans le premier tome des Historiettes.
Vous m'étiez un trésor plus cher que la vie
Mais puisque votre amour ne se peut acquérir
Comme j'en perds l'espoir, j'en veux perdre l'envie.
Est-ce à jamais, folle espérance,
Que tes infidèles appas
M'empêcheront la délivrance
Que me propose le trépas ?
La raison veut, et la nature,
Qu'après le mal vienne le bien ;
Mais en ma funeste aventure,
Leurs règles ne servent de rien.
C'est fait de moi, quoi que je fasse ;
J'ai beau plaindre et beau soupirer,
Le seul remède en ma disgrâce,
C'est qu'il n'en faut point espérer.
Une résistance mortelle
Ne m'empêche point son retour ;
Quelque Dieu qui brûle pour elle
Fait injure à mon amour.
Ainsi trompé de mon attente,
Je me consume vainement,
Et les remèdes que je tente
Demeurent sans événement.
Toute nuit enfin se termine,
La mienne seule a ce destin,
Que d'autant plus qu'elle chemine,
Moins elle approche du matin.
Adieu donc, importune peste,
A qui j'ai trop donné de foi ;
Le meilleur avis qui me reste,
C'est de me séparer de toi.
Sors de mon âme, et t'en va suivre
Ceux qui désirent de guérir ;
Plus tu me conseilles de vivre,
Plus je me résous de mourir.
Consolation à M. Du Périer sur la mort de sa fille
Ta douleur, du Périer, sera donc éternelle,
Et les tristes discours
Que te met en l'esprit l'amitié paternelle
L'augmenteront toujours
Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,
Est-ce quelque dédale, où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?
Je sais de quels appas son enfance était pleine,
Et n'ai pas entrepris,
Injurieux ami, de soulager ta peine
Avecque son mépris.
Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin ;
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.
Puis quand ainsi serait, que selon ta prière,
Elle aurait obtenu
D'avoir en cheveux blancs terminé sa carrière,
Qu'en fût-il advenu?
Penses-tu que, plus vieille, en la maison céleste
Elle eût eu plus d'accueil ?
Ou qu'elle eût moins senti la poussière funeste
Et les vers du cercueil ?
Non, non, mon du Périer, aussitôt que la Parque
Ote l'âme du corps,
L'âge s'évanouit au deçà de la barque,
Et ne suit point les morts...
La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ;
On a beau la prier,
La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.
Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses lois ;
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend point nos rois.
De murmurer contre elle, et perdre patience,
Il est mal à propos ;
Vouloir ce que Dieu veut, est la seule science
Qui nous met en repos.
Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin ;
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.
(Consolation à M. Du Périer sur la mort de sa fille)