Le public veut comprendre et apprendre en un seul jour, une minute, ce que l'artiste a mis des années à comprendre.
Le laid peut être beau, le joli, jamais.
Un conseil, ne copiez pas trop d’après nature. L’art est une abstraction : tirez-la de la nature en rêvant devant et pensez plus à la création qu’au résultat.
Copier la nature, qu'est-ce que cela veut dire? (...). Suivre les maîtres! Mais pourquoi donc les suivre? Ils ne sont des maîtres que parce qu'ils n'ont suivi personne.
Cuisiner suppose une tête légère, un esprit généreux et un cœur large.
La vérité ne se dégage pas de la polémique, mais des oeuvres qu'on a faites.
Elle était peu jolie, en somme, selon les règles européennes de l’esthétique. Mais elle était belle. Tous ses traits offraient une harmonie raphaélique dans la rencontre des courbes, et sa bouche avait été modelée par un sculpteur qui parle toutes les langues de la pensée et du baiser, de la joie et de la souffrance. Et je lisais en elle la peur de l’inconnu, la mélancolie de l’amertume mêlée au plaisir, et ce don de la passivité qui cède apparemment et, somme toute, reste dominatrice.
Il me fallut revenir en France. Des devoirs impérieux de famille me rappelaient.
Adieu, terre hospitalière, terre délicieuse, patrie de liberté et de beauté ! Je pars avec deux ans de plus, rajeuni de vingt ans, plus barbare aussi qu'à l'arrivée et pourtant plus instruit. Oui, les sauvages ont enseigné bien des choses, ces ignorants, de la science de vivre et de l'art d'être heureux.
" Finalement, trouvant la civilisation trop ennuyeuse à supporter, il s'est retiré à Tahiti, où il a vécu, aimé et peint et mourut comme un sauvage. "
Émile Gauguin en 1921 à propos de son père, Paul (1848-1903).
(Préface, page xi).
Ce décor, il fut somptueux et funéraire, ainsi qu’il convenait à une telle agonie ; il fut splendide et triste, paradoxal un
peu, et entoura de tonalités justes le dernier acte lointain d’une
vie vagabonde qui s’en éclaire et s’en commente. Mais par reflets, la personnalité forte de Gauguin illumine à son tour le
cadre choisi, le séjour ultimement élu, le remplit, l’anime, le déborde ; si bien qu’on peut comprendre dans une même vision
d’œuvre scientifique : lui, premier rôle ; ses comparses indigènes ; le milieu décoratif.
Gauguin fut un monstre. C’est-à-dire qu’on ne peut le faire
entrer dans aucune des catégories morales, intellectuelles ou sociales,
qui suffisent à définir la plupart des individualités. Pour
la foule, juger c’est étiqueter. On peut être honorable-négociant,
magistrat-intègre, peintre-de-talent, pauvre-et-honnête, jeune fille-bien-élevée ; on peut être « artiste », voire « grand artiste ». Mais c’est déjà moins permis, et il est impardonnable
d’être autre chose que tout cela ; car il manquerait, pour être
classé, le cliché requis. Gauguin fut donc un monstre, et il le fut
complètement, impérieusement. Certains êtres ne sont exceptionnels que dans un sens, vers un axe autour duquel tourbillonnent, semble-t-il, l’ensemble de leurs forces vives ; et, pour le
reste, la vie courante (économie domestique, visites de politesse, sentiment du devoir), ils peuvent être bourgeois, normaux. C’est affaire de tempérament, de tenue physique : tel
écrivain splendide et forcené peut avoir l’habit de chair d’un
maigre sacristain : le génie n’exclut point un extérieur honorable, décent, une vie de négoce ou de ponctualité. Et Gauguin,
encore, ne fut point tout cela : mais il apparut dans ses dernières années comme un être ambigu et douloureux, plein de
cœur et ingrat ; serviable aux faibles, même à leur encontre ;
superbe, pourtant susceptible comme un enfant aux jugements
des hommes et à leurs pénalités, primitif et fruste ; il fut divers,
et, dans tout, excessif.