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EAN : 9782815925150
200 pages
L'Aube (07/09/2017)
3.79/5   7 notes
Résumé :
Précurseur de l'art moderne, Gauguin s'expatrie à Tahiti, aux îles Marquises, où il va pénétrer et se nourrir des mythes maoris. NoaNoa, son carnet intime où il met en pages manuscrits, aquarelles et gravures, est découvert quelques années plus tard et entre dans la légende. Ce livre nous permet de découvrir les plus belles pages de ce chef-d'oeuvre méconnu, qu'il s'attache à reproduire dans leur intégralité. Marc le Bot, historien d'art, raconte l'histoire à rebond... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Pourquoi ai-je lu Noa Noa ?
Parce que je trouve formidablement enrichissant de pouvoir lire un artiste et admirer simultanément un grand nombre de ses oeuvres, peintures, sculptures, céramiques et gravures, actuellement au Grand Palais à Paris. L'écrit éclaire nécessairement l'artistique, et vice-versa.
Parce que j'ai depuis longtemps une fascination pour la modernité des oeuvres de Paul Gauguin, l'explosion de leurs couleurs, l'énergie paradoxalement calme qui se dégage des oeuvres réalisées lors de ses séjours en Polynésie. Tellement novateur et puissamment inspiré.

Noa Noa, embaumé en tahitien, c'est le récit essentiel du premier séjour à Tahiti de l'artiste. Il y arrive en juin 1891, ruiné. Il quitte la civilisation et cherche à retrouver une authenticité fantasmée auprès des autochtones. Dans un style très direct et agréable à lire, il témoigne sur sa vie pendant deux ans, sa découverte des paysages, des moeurs, des croyances maoris qui influenceront fortement toutes ses oeuvres.

Malheureusement, cette édition ne comporte, contrairement à l'original, aucun dessin, aucun croquis du peintre, mais justement l'original de Noa Noa, détenu par le Musée d'Orsay, est actuellement exposé au Grand Palais. Il est accompagné d'une projection qui détaille et explique en partie le contenu pictural de ce carnet de voyage. En complément du texte, ce sont toutes les inspirations visuelles mais aussi les contes et croyances maoris qui défilent, l'âme mystique et sensuelle de Tahiti que ses tableaux reflètent, que son texte raconte.

Noa Noa, une lecture éclairante et intime au coeur de l'inspiration de Gauguin à Tahiti, « terre hospitalière, terre délicieuse, patrie de liberté et de beauté ! Je pars avec deux ans de plus, rajeuni de vingt ans, plus barbare aussi qu'à l'arrivée et pourtant plus instruit. Oui, les sauvages ont enseigné bien des choses, ces ignorants, de la science de vivre et de l'art d'être heureux. »
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Ce décor, il fut somptueux et funéraire, ainsi qu’il convenait à une telle agonie ; il fut splendide et triste, paradoxal un
peu, et entoura de tonalités justes le dernier acte lointain d’une
vie vagabonde qui s’en éclaire et s’en commente. Mais par reflets, la personnalité forte de Gauguin illumine à son tour le
cadre choisi, le séjour ultimement élu, le remplit, l’anime, le déborde ; si bien qu’on peut comprendre dans une même vision
d’œuvre scientifique : lui, premier rôle ; ses comparses indigènes ; le milieu décoratif.
Gauguin fut un monstre. C’est-à-dire qu’on ne peut le faire
entrer dans aucune des catégories morales, intellectuelles ou sociales,
qui suffisent à définir la plupart des individualités. Pour
la foule, juger c’est étiqueter. On peut être honorable-négociant,
magistrat-intègre, peintre-de-talent, pauvre-et-honnête, jeune fille-bien-élevée ; on peut être « artiste », voire « grand artiste ». Mais c’est déjà moins permis, et il est impardonnable
d’être autre chose que tout cela ; car il manquerait, pour être
classé, le cliché requis. Gauguin fut donc un monstre, et il le fut
complètement, impérieusement. Certains êtres ne sont exceptionnels que dans un sens, vers un axe autour duquel tourbillonnent, semble-t-il, l’ensemble de leurs forces vives ; et, pour le
reste, la vie courante (économie domestique, visites de politesse, sentiment du devoir), ils peuvent être bourgeois, normaux. C’est affaire de tempérament, de tenue physique : tel
écrivain splendide et forcené peut avoir l’habit de chair d’un
maigre sacristain : le génie n’exclut point un extérieur honorable, décent, une vie de négoce ou de ponctualité. Et Gauguin,
encore, ne fut point tout cela : mais il apparut dans ses dernières années comme un être ambigu et douloureux, plein de
cœur et ingrat ; serviable aux faibles, même à leur encontre ;
superbe, pourtant susceptible comme un enfant aux jugements
des hommes et à leurs pénalités, primitif et fruste ; il fut divers,
et, dans tout, excessif.
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Mission artistique,

il est vrai, mais ce mot aux yeux du
nègre n’était que le synonyme officiel d’espionnage et je fis vainement tous mes efforts pour le détromper. Tout le monde autour de lui partagea son erreur et quand je dis que ma mission
était gratuite, personne ne voulut me croire.
La vie à Papeete me devint bien vite à charge. C’était
l’Europe – l’Europe dont j’avais cru m’affranchir – sous les espèces aggravantes encore du snobisme colonial, d’une imitation
puérile et grotesque jusqu’à la caricature. Ce n’était pas ce que je
venais chercher de si loin.
Pourtant un événement public m’intéressa.
En ce temps-là le roi Pomaré était mortellement malade et
chaque jour on s’attendait à la catastrophe. Peu à peu la ville
prenait un aspect singulier. Tout ce qui venait d’Europe, commerçants, fonctionnaires, officiers et soldats continuait à rire et
à chanter dans les rues, tandis que les naturels, avec des airs
graves, s’entretenaient à voix basse autour du palais. Dans la
rade, un mouvement anormal de voiles orange sur la mer bleue
que traversaient à de brusques et fréquentes reprises sous le soleil les frissons argentés de la ligne des récifs. C’étaient les habitants des îles voisines, qui de jour en jour accouraient pour assister aux derniers moments de leur roi – à la prise de possession définitive de leur empire par la France. Des signes d’en
haut les avaient avertis. Car, chaque fois qu’un roi meurt, les
montagnes ont des plaques sombres sur certains versants au
coucher du soleil.
Le roi mourut et fut, dans son palais, en grande tenue
d’amiral, exposé aux yeux de tous.
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Or stérile scellé par les divins desseins…
Voici la maison : une minime chambre ouvrant sur l’atelier
dont tout le pignon bée à la lumière. Mais le portrait ornementé
retient : il s’entoure de scènes frustes et précises, expliquées de
légendes et frottées de couleurs mortes ; en-tête : la Maison du
Jouir. À gauche et à droite deux panneaux où processent des figures d’ambre aux lèvres de chair bleutée, en des poses convulsées ou lentes, et qui enseignent en lettres d’or :
Soyez amoureuses et vous serez heureuses.
Soyez mystérieuses et vous serez heureuses.
Puis, deux silhouettes femelles nues, aux lignes grossières
comme œuvre de préhistorique. Enfin, deux toiles plaquées sur
la paroi même.
Dans l’une chemine, sur fond vif d’indigo, une troupe
d’indigènes aux gestes traînants, foulant un sol d’ocre brune
presque rouge ; un porteur-de-féi soulève sur la nuque le bâton
transversal où pendent les plantureux régimes roux, et des filles
aux torses cuivrés, avec des reflets d’olive, serrées en des étoffes
jaunes et vertes, s’attardent en des poses familières. La seconde
indiffère.
Dans l’atelier où vague un pêle-mêle d’armes indigènes
s’essouffle un vieux petit orgue, puis une harpe, des meubles
disparates, de rares tableaux, car le maître venait de faire un
dernier envoi. Il s’était pourtant réservé une ancienne œuvre
très poussée : un portrait de lui-même, portrait douloureux où,
sur un lointain de calvaires devinés, se dresse le torse puissant ;
l’encolure est forte, la lèvre abaissée, les paupières alourdies.
Une date : 1896, et une même épigraphe : Près du Golgotha.
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Et c’est bien une figuration de l’atua indéfini des jours passés ; mais, issue des rêveries exégétiques de l’artiste, elle est
étrangement composite : l’attitude est bouddhique, mais les
lèvres musculeuses, les yeux saillants tout proches, non bridés,
le nez droit à peine élargi aux narines, sont des traits indigènes :
c’est un Bouddha qui serait né au pays maori. Gauguin se plut
ainsi à revêtir de poses hiératiques diverses les héros des
mythes polynésiens. Il ne pouvait, en cela, relever que de luimême ; car ces peuples dédaignèrent de figurer leurs dieux. Ils
n’ignoraient point l’art de façonner le bois ou de tailler à même
dans la lave et le grès rouge des statues colossales, mais ils n’en
firent que des symboles, des tabernacles ou des images de tombeaux. Les Tiki marquisiens, sans culte rendu, présidaient surtout aux limites des terres, et simulaient au plus d’infirmes déités. Les missionnaires seuls furent païens qui crurent à
l’anthropomorphisme des indigènes, et les dissuadèrent d’adorer les « dieux de bois ». Tanga-roa-créateur, comme Iaveh,
n’avaient point eu d’idoles, mais une arche, un tabernacle.
Sous la statuette, un titre et des strophes de la main de
Gauguin :
Te Atua
Les dieux sont morts, et Atuana meurt de leur mort.
Le soleil autrefois qui l’enflammait, l’endort.
D’un sommeil triste, avec de brefs réveils de rêve :
L’arbre alors du regret point dans les yeux de l’Ève,
Qui, pensive, sourit en regardant son sein,
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I
… Dites, qu’avez-vous vu ?
Charles Baudelaire.

(Le Voyage.)

Le 8 juin, dans la nuit, après soixante-trois jours de traversées diverses – soixante-trois jours pour moi de fiévreuse attente, d’impatientes rêveries vers la terre désirée – nous aperçûmes sur la mer des feux bizarres qui évoluaient en zigzags.
Sur un ciel sombre se détachait un cône à dentelles.
Nous tournions Moorea pour découvrir Tahiti.
Quelques heures après, le petit jour s’annonçait. Nous approchant avec lenteur des récifs, le cap sur la pointe Vénus,
nous entrions dans la passe de Papeete et nous mouillions sans
avaries dans la rade.
Le premier aspect de cette petite île n’a rien de féerique,
rien de comparable par exemple à la magnifique baie de Rio de
Janeiro. Tout yeux je regardai sans esprit de comparaison. C’est
le sommet d’une montagne submergée aux jours anciens du déluge : l’extrême pointe seule dominait les eaux : une famille s’y
est réfugiée (sans doute), y a fait souche et les coraux aussi ont
grimpé, entourant, développant l’île nouvelle. Elle a continué à
s’étendre, mais elle garde de son origine un caractère de solitude et de réduction que la mer accentue de son immensité.
À dix heures du matin je me présentai chez le gouverneur
(le nègre Lacascade) qui me reçut comme un homme d’importance. Je devais cet honneur à la mission que m’avait (je ne
sais trop pourquoi) confiée le Gouvernement Français.
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Paul Gauguin Belles Marquises.
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