Alain Baraton

Sans être un apôtre du naturel, j’ai du mal à comprendre pourquoi les femmes, surtout lorsqu’elles sont séduisantes, éprouvent le besoin de se tartiner pour plaire. Le pire supplice est le rouge à lèvres : rien n’est si perturbant pour moi que d’embrasser des lèvres grasses, surtout qu’après, c’est moi qui ai l’air maquillé ! A l’époque, le problème était moindre puisque les hommes aussi se fardaient.

Si l’amour avec Henriette avait le goût délicieux du fruit défendu, la liaison avec Louise est perverse jusqu’au raffinement. Avec elle, Louis parvient à tromper à la fois sa femme, sa maîtresse, sa mère et son frère : il triomphe. N’est-elle pas la seule femme qu’il ne peut aimer, puisqu’on la lui a offerte comme leurre ? Et on la lui sert sur un plateau ! Ajoutez à cela que Louise de La Vallière est légèrement boiteuse, comme une certaine Cateau, timide, pauvre, et le couve d’une admiration dévote : voilà de quoi faire d’un jeune arrogant, d’un fils irrévérencieux et d’un roi autoritaire, le plus heureux des hommes, ou du moins le plus amoureux.

Tous les petits garçons sont des dieux pour leur mère, enfin, jusqu’à un certain âge du moins.

Le peuple a froid, le peuple a faim, le roi danse. Le pays est au bord de la ruine et Louis XV ne s'en soucie guère.
... Quelques mois plus tôt, à la surprise générale Mme de Pompadour a été nommée " treisième dame du palais ". Les femmes de la cour, outrées par la décision, font chorus contre le roi. Comment le monarque a-t-il pu ainsi accepter dans le saint des saint, une roturière, une Poisson ?
Fin diplomate mais surtout grand séducteur, Louis XV parvient à calmer la colère des marquises, comtesses et des autres hystériquesqui défaillent sur les parterres du Grand Trianon tant le parfum des tubéreuses était, paraît-il, enivrant. Les jardinier d'aujourd'hui ont renoué avec la tradition. Les tubéreuses ornent à nouveau les massifs au printemps. Leurs senteurs sont délicieuses et si je veux bien admettre qu'une visiteuse soit incommodée par la puissance de leurs effluves, il n'y a pas de quoi s'évanouir ! Je n'ai jamais levé la main sur une dame mais je pense que si j'avais travaiillé au côté de Claude Richard, le responsable du parc sous Louis XV , ce n'est pas des sels que j'aurais distribués pour ranimer les délicates, mais des taloches.

La religion d'alors n'était pas plus clémente : à l'époque, finir comme engrais dans un cimetière est un privilège. Comédiens, prostituées, sorcières mais aussi certains artisans et commerçants sont jugés indignes du silence du tombeau. Sans compter les promesses terribles de l'au-delà : les excommuniés, les pécheurs, les adultères ont droit aux flammes de l'enfer. Dieu n'est pas tendre sous les rois, même avec les faibles. Les pauvres nourrissons qui n'ont pas été baptisés échouent dans les limbes, avec les marins morts en mer.
Le roi de France et de Navarre par la grâce de Dieu aurait à ce propos quelques soucis à se faire. D'aucuns affirment que ce triste monarque, dont le trait de caractère le plus saillant est l'ennui, ne s'amuse qu'entouré de beaux garçons : seul l'inverti le divertit. En ce siècle frondeur, on peut presque tout dire sur lui, pourvu que l'on reste hypocrite. Face à lui, on s'incline, on baisse la tête pour dissimuler un sourire, mais dans son dos, on murmure, on jase, on médit, on chuchote, assez bas pour que le souverain ne l'entende pas, mais assez haut pour que la rumeur se répande : Louis XIII est une " tapiole ", comme on dit alors. Pas un de ses serviteurs qui ne soit là pour assouvir la malencontreuse passion du fils d'Henri IV.
Bien évidemment, le rendez-vous de chasse que le roi s'est fait construire à Versailles a la réputation d'être un claque ou se retrouvent les amateurs non de biches mais de beaux garçons.

Greffer ou enter, c'est couper la tête ou les bras à un arbre pour lui en donner de nouveaux, et de le forcer d'adopter et de nourrir les fruits qui ne sont pas de sa famille, mais qui ont une analogie avec lui.

La coccinelle est une machine de guerre mais c'est aussi une bête de sexe. La femelle est gourmande et recherche la multitude. Elle veut des mâles, beaucoup.

Adonis devait être un garçon diablement séduisant pour être le favori d'Aphrodite, la déesse de l'amour, et de Perséphone, la déesse des enfers.