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Citations de Alain Damasio (1535)


Quand j'ai parlé des degrés de liberté aux adolescents, ces degrés que le numérique leur a fait perdre par rapport à leurs grands-parents - anonymat des échanges, des courriers, des achats par exemple, liberté d'expression sans trace - ils ont commencé à mordre. (...) Ce sujet les touche, naturellement, ils le vivent, ils sont nés dans ce monde bagué où le moindre de leur acte s'enregistre et informe un tiers de ce qu'ils sont et font.
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Le nuage de données flotte à deux mètres de haut, avec des allures de poche de brume lumineuse, orangée, un air de cumulus môme au soleil couchant. Le cload, accordons-leur ça, est la belle idée urbaine d'Orange : placer, au beau milieu du brouhaha publicitaire, des petits nuages poétiques de téléchargement à la volée qui délivrent des bulles de silence, des sons rares, des poèmes et des haïkus, bref, quelque chose de gratuit, sans message et qui ne vend rien.
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Pour notre génération, trouver n'importe qui et n'importe quoi, de n'importe quel spot à n'importe quel moment fait partie des compétences bas du front. Tout môme de cinq ans sait localiser son doudou au bipeur, pister son drone dans une fly-zone standard et traquer sa mère au mètre près au milieu d'un centre commercial saturé de pères Noël.
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Des leurres visuels qu'utilisent les furtifs, la formation nous a tout appris. Les illusions géométriques - de grandeur, de courbure, d'angle, de perspective - avec les figures de Müller-Lyer, de Poggendorff, l'illusion de Titchener ; les illusions de couleurs et de contraste avec ce foutu échiquier d'Adelson et la grille d'Hermann ; les illusions subjectives de Kanizsa ou de Kennedy ; les illusions de mouvement, l'effet phi, la persistance rétinienne positive et négative ; les illusions artistiques et même culturelles ; les stéréogrammes... Et bien sûr le camouflage et le mimétisme environnemental.
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« C'est précisément ce que j'appelle être prêt. Cet état d'incertitude fragile, ouverte, qui rend disponible à l'inconnu. Crois-moi Lorca, quoi qu'il arrive, tu vas vivre l'un des moments les plus intenses de ton existence. Reste ouvert. »
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...nos puissances de vivre relèvent d'un art de la rencontre, qui est déjà en soi une politique. Celle de l'écoute et de l'accueil, de l'hospitalité au neuf, qui surgit. C'est la capacité, selon moi, à se tenir debout dans l'Ouvert, dans ce qu'on pourrait baptiser le Rouge Ouvert : un champ d'intensité vibratile et frémissant, attentif et vigile. Qui discrimine donc, écarte et appelle, selon. Et puisque c'est la rencontre, le fait actif d'affecter et d'être affectés, passionnément, qui va nous hisser au vivant, il devient crucial d'aller à la rencontre.
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p 402 ; Crisse-Burle

On le sent ému d’un coup, l’émotion de la pensée.Sa voix monte par moments dans le métal, elle agresse les syllabes aux angles saillants du concept.
(…)
- Supposons que l’ADN ne soit pas l’essence du vivant. Mais juste un support de codage et d’expression des gènes. Et qu’il existe, plus profondément, autre chose qui informe les primes pulsations de la vie. Mon intuition est que le vivant est fondé sur des partitions. Dès le stade de la cellule. Des partitions vibratoires. J’entends par là : des séquences rythmiques de vibrations, ce que vous appelez le frisson mais que je conçois comme des modes d’agitation moléculaire. Quand un furtif métabolise du son, il l’altère par sa dynamique vibratoire et en rejette des séquences déformées, disons des samples remixés et mutants. Autrement formulé, ils défèquent des ondes cisaillées, à fort pouvoir de pénétration corporelle, que ce soit dans l’infrabasse ou l’ultrason. Ces ondes ont une vraie puissance de percussion sur les cellules des animaux, le végétal, mais aussi sur la matière dite inerte, par exemple les cristaux. Elles facilitent à mon sens l’endosymbiose qui est une source majeure d’évolution en permettant à des bactéries, par exemple, de pénétrer la membrane des cellules et de s’y incorporer. Peut-être qu’elle coupe des brins d’ADN, peut-être qu’elles affectent le fonctionnement des ribosomes ou de l’appareil de Golgi… Mais pour être simple, elles impactent la partition des êtres vivants qu’elles traversent. Elles les pervibrent en quelque sorte. Donc elles modifient à terme leur constitution. Lorsqu’une espèce se reproduit, elle ne peut donc pas se reproduire à l’identique…
- Vous voulez dire qu’il apparaît un écart… une variation dans le génome ? Vous sous-entendez que les furtifs seraient à l’origine de la variation génétique des espèces ? Qu’on leur devrait les transformations progressives des espèces ? Les fameux accidents qui, articulés à la sélection naturelle, fabriquent ce miracle de l’évolution du vivant ?
Il empoigne la table, ravi que j’aie compris.
- C’est exactement ça. Les fameuses erreurs de 1 pour 10 000 dans la recopie à l’identique des brins d’ADN viendraient de l’activité furtive de dégradation des sons. Les fragments d’onde qu’ils génèrent et relâchent amèneraient les autres vivants à varier, au niveau très fin de leur partition génétique. Ils participeraient ainsi à leur remodelage, en les pervibrant, si vous préférez.
- Ce serait… incroyable…
- Attention, il ne faut pas l’envisager comme quelque chose d’intentionnel. Pour eux, ce n’est qu’une activité métabolique : les furtifs ne cherchent pas à créer la reptation ou le vol, la danse des abeilles ou la communication végétale. C’est simplement leur mode d’être. Mais il se trouve que ce mode d’être est un facteur majeur de mutation, de hasards heureux pour le développement du vivant…
- Est-ce que ça signifie, si l’on va au bout de votre intuition, que les furtifs seraient à l’origine du vivant ? Ce serait… presque logique, non ? (Je reste estomaquée.)
- Je ne veux pas l’affirmer. Mais ce sont incontestablement des « hyper-vivants », des « sur-vivants ». Il est probable qu’ils soient nés avec les premières cellules et aient affiné plusieurs millions d’années durant leur fluidité et leur fécondité vibratoire. Les Indiens placent bien le son à l’origine de la cosmogonie…

.. J’imaginais . Tishka parler, crier, muter. Je l’imaginais déformer le béton avec sa voix, modifier une touffe d’herbe sans le faire exprès et qu’il y pousse un genévrier. Je voulais juste ma fille, moi, juste qu’elle revienne, intacte, à peine grandie. Avec ses théories biologiques, Varech ne faisait qu’aviver mes angoisses. Et pourtant, j’étais comme Saskia, pris dans la lumière de ses phares et incapable d’invalider ses hypothèses.
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Sans le vouloir, sans y penser, nous avions franchi ce gradient médiatique où faire en sorte que tout bouge pour que rien n'arrive ne suffit plus. Ce gradient où s'éveille dans nos petites casemates, au début dans un simple frisson, au coeur protégé de nos jolies conforteresses ou de vilains confortins, la sensation que quelque chose peut changer.
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J'ai les boules de ne plus voir Lorca et je me dis que la nuit où il est venu chez moi, j'aurais dû tenter quelque chose. Je me morfonds en attendant d'aller rencontrer Varech avec lui. Je sais qu'il ne se sent pas prêt et qu'il en a autant peur qu'il en a envie. Souvent, j'ai la conviction qu'il préfère l'espoir à la vérité. Sa gamine, il y a des nuits où je rêve qu'elle est morte. Et que ce n'est plus qu'un rythme résiduel qui tape dans le coeur de Lorca. Bam-bam) bèm-bam)) bam-bèm-bam))) je l'entends et lui, dans mon rêve, il ne sent rien.
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Varech n'est pas son vrai nom mais il signe tous ses textes comme ça. "Ma pensée naît des rejets d'un océan de conneries. Je l'épands et j'en fais mon engrais. Un peu comme le varech sur une plage. Philosopher, c'est nuire à la bêtise."
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– Il est dommage que les anciens présents ici ne veuillent pas s’exprimer. Mais je vous comprends… Ça n’a rien d’évident. Alors, notre ville…? Comment s’est-elle construite ? D’où sort-elle ?
– De ton cul ! pouffe une ado, assez fort pour déclencher quelques rires, mais pas assez pour que je me sente obligée de répondre.
D’abord fais-je mine de n’avoir rien entendu entendu tandis que les adultes prennent à partie la jeune fille, qui proteste puis s’atermoie et in fine par en bougonnant, drainant dans son sillage deux acolytes atones.
– Vous ne souhaitez pas entendre ce que mon postérieur pourrait vous dire, jeune fille ? osè-je finalement, à la volée. Vous avez peut-être peur de l’odeur ? Parce que votre ville est née d’un charnier ! Des gaz, disons, d’une multinationale ! Elle est né le 7 décembre 2021 en écrasant sous deux cents tonnes de gravats les soixante-dix manifestants du collectif Reprendre. Et les vingt-deux familles qui vivaient encore dans la tour et qu’ils défendaient. Elle est née de la faillite d’une commune asphyxiée par les banques, dégradée triple C par les agences de notation internationales et obligée d’emprunter son budget à des taux de 18 % ; d’une commune déclarée en rupture de paiement en 2028, lâchée par l’État et mise en vente en 2030 sur le marché des villes libérées. Vous savez ce qu’est une ville libérée ! ?
– C’est une ville volée à ses habitants ! s’enhardit une vieille dame qui s’est mise en bordure du groupe, sans savoir si elle allait rester ou pas. Elle reste.
– Une ville dite « libérée » est une ville soustraite à la gestion publique et intégralement détenue et gérée par une entreprise privée. Son maire est nommé par les actionnaires, à la majorité simple des parts. En août 2030, la ville de vos parents, qui s’appelait Orange, a donc été rachetée par la multinationale du même nom, pour un prix dérisoire. Savez-vous pourquoi ?

– Parce qu’Orange, ils ont pas eu à racheter le nom de la ville ! Le nom, c’est ça qui coûte le plus cher, Madame !

– Oui. Le tribunal de commerce a jugé que la notoriété de la marque Orange – la marque des télécommunications, je précise – préemptait la marque de la ville, moins connue du grand public. Je vous rappelle que Paris, rachetée par LVMH, ou Cannes, rachetée par la Warner, ont vendu leur nom à des prix astronomiques. Ce ne fut pas le cas chez nous.
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Et tous, naturellement, mariés aux nuages (de données) par leur bague, tous utilisant leur paume ou leur peau comme surface d'inscription d'écran, tous considérant leur corps comme une interface native : les doigts pour tracer, pointer ou signer, les gestes pour activer, les boucles d'oreille pour écouter et s'isoler du bruit et les narines, donc, pour parler.
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Sa logique algorithmique le rend incapable d'anticiper ce qui ne relève plus du calcul et de l'intérêt computé, mais du don et de l'excès.
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Ces cris qui, dans une cour de récré, fatiguent tant les adultes, tellement personne, passé quinze ans, n'est plus apte à soutenir une telle intensité de vie, aussi plurielle et geyser, ce pétillement fou, flambé.
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J'aurais explosé en sanglots, sinon qu'il n'y aurait eu plus une goutte de tristesse dans mes larmes, seulement ce spasme, cette secousse que procurerait la virulence d'un bonheur quand il retourne le désespoir d'un tournemain, comme une crêpe brûlée.
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(...) si l'on pensait que nos phrases sont des choses vitales, on ne les imprimerait pas sur des feuilles qui se trouent à la moindre goutte d'eau et que la plus petite colère déchire : on ferait comme les disciples d'Épicure, on les graverait en lettres de colosse sur la plus rêche de surfaces durables, à coups de burin sur le roc têtu d'une falaise, au moins d'un mur, pour signer dans la masse la motricité marcescible d'une syntaxe.
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Alain Damasio
Un bon écrivain c'est quelqu'un qui va te montrer quelque chose que tu as vu cent cinquante fois d'une manière telle que tu ne le verras plus jamais de la même façon.
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Ω Dès que j’ai reniflé le blaast, à l’odeur de froid, j’ai su que ça allait charcler. J’ai enfoncé mon casque de cuir plein front, sanglé le pourpoint, sec. Jusqu’au groin. Puis j’ai plongé la tête et je suis rentré dedans. Au schnee. Dans la ruelle, ça picorait au bec dans les joues. À y foutre les mains. J’ai culbuté le flux, j’y ai mis des coups d’épaules, droite, gauche, cadré, en appui. Une chaise m’a enflé le genou, les tuiles valdinguaient par-dessus nos têtes. J’ai évité de trop longer les burons, à cause des chars à voile chaînés au crochet, qui tossaient brutaux, à entailler les murs. Je pige pour Coriolis. Elle caque, c’est son premier furvent. Une pucelle encore, qui serre les cuisses. Mais putain, on va la couvrir ! Au mieux. On lui a déjà pris le chariot des pognes. Quoi ? On tient à elle. Eux surtout. Une gamine encore, mais qui doit apprendre le cri. Elle a la gniaque. J’ai dit : « Stop ! » et on s’est tassés dos au mur d’enceinte. Derrière nous, des bicoques s’effondrent. Le hameau se prend le déluge rouge, ventral. Des tas de sable, qu’on dirait versés du ciel par des laveuses, à grands seaux. Pas vraiment chichement !
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) À la cinquième salve, l’onde de choc fractura le fémur d’enceinte et le vent sabla cru le village à travers les jointures béantes du granit. Sous mon casque, le son atroce du roc poncé perce, mes dents vibrent – je plie contre Pietro, des aiguilles de quartz crissent sur son masque de contre. À terre, dans la ruelle qui nous couvre, deux vieillards tardifs qui clouaient un volet ont été criblés ; plus loin au carrefour, je cherche en vain la poignée de mômes qui crânaient front nu en braillant des défis que personne, pas même nous, ne peut à cette puissance, et sous cette viscosité d’air, relever. Toute la Horde est à présent plaquée contre la face ouest d’une bâtisse qui nous a paru un peu moins pitoyablement jointoyée que les autres, à attendre le ressac, la courte pause dans l’accélération, qui nous permettra de contrer dans le dédale des rues jusqu’aux fortifications, puis au-delà, si l’on sort. Si l’on se décide – finalement – à sortir. Des dômes les plus hauts, du métal tordu crie dans les accalmies, une éolienne grince, hoquette – elle repart… Se bloque. Les pales crépitent sous la grenaille. Une rafale encore – et le bruit se fond dans le rugissement saturé. À ma gauche, un chat oblong se cale, ébouriffé, dans une encoignure trop étroite pour lui, et volent les jouets cassés, des bancs qui raclent et des tuiles de terre cuite arrachées et jetées comme à la main à trois mètres de nous. Il n’y a plus de doute maintenant, pour personne : le furvent arrive. Il sera là dans l’heure. Il s’annonce, comme toujours, en quintet. Et il ne laissera rien debout ici, dans ce bled qui ne figurait sur aucun carnet de contre, tant son plan carré, ses ruelles axiales et son architecture en pisé auraient fait hurler une Oroshi de huit ans.
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TUTOYER LE VIDE & ET VOUVOYER LA CHUTE
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