Citations de Alain de Botton (137)
Bien que nous appartenions à une espèce qui passe une partie inquiétante de son temps à détruire des choses, de temps en temps nous ressentons le besoin d'ajouter, sans aucune raison pratique, des gargouilles ou des guirlandes, des étoiles ou des volutes à nos édifices. Dans les plus belles de ces fioritures, nous pouvons voir des signes de bonté dans un registre matériel, une forme de bienveillance figée. Nous y voyons une manifestation de ces côtés de la nature humaine qui nous permettent de nous épanouir plutôt que de simplement survivre. Ces touches élégantes nous rappellent qui nous ne sommes pas exclusivement pragmatiques ou raisonnables : nous sommes aussi des créatures qui, sans possibilité de profit ou de pouvoir, sculptent parfois des moines dans la pierre et des anges sur des murs. Pour ne pas nous moquer de tels détails, nous avons besoin d'une culture assez assurée de son pragmatisme et de sa force pour pouvoir aussi accepter les exigences contraires de vulnérabilité et de jeu - une culture qui se sente assez peu menacée par la faiblesse et la décadence pour permettre des célébrations visibles de tendresse.
C'est pourtant une vérité de base que la nécessité où nous sommes de nous éprendre de quelqu'un dont nous ne savons rien.
La vie conjugale ne commence pas par une demande en mariage ou même par une première rencontre. Elle commence bien plus tôt, quand naît l'idée de l'amour et plus précisément le rêve d'une âme sœur.
A cause de l'altitude on est essoufflé, mais curieusement euphorique. Il est difficile de ne pas se mettre à sourire, ou même à rire, sans raison particulière - un rire innocent qui vient du tréfonds de soi-même et exprime une joie primitive d'être en vie pour voir une telle beauté.
F. Nietzsche, Ecce homo : Celui qui sait respirer l'air de mes récits sait que c'est un air d'altitude, un air tonique. Il faut être fait pour lui, sinon on risque fort d'attraper froid. La glace est proche, la solitude est terrible - mais comme tout repose paisiblement dans la lumière ! comme on respire librement ! comme on se sent exalté ! Philosopher, comme je l'ai compris et ressenti jusqu'à présent, c'est vivre volontairement sur les cimes glacées.
De la salle de séjour on avait une vue superbe sur le golfe, l'île d'Ischia et le Vésuve, et devant la maison un petit jardin planté de figuiers, d'orangers, de cyprès et orné de treilles descendait jusqu'à la mer. Les invités allaient nager ou voir Pompéi, le Vésuve, Capri et les temples grecs de Paestum. A l'heure du repas ils mangeait une cuisine légère à l'huile d'olive, et le soir, lisaient ensemble dans le salon : [...].
Nous devons, entre les moments passés à creuser dans l'obscurité, toujours nous efforcer de transformer nos larmes en savoir.
[...] C'est un plaidoyer pour qu'on prenne les livres au sérieux, même quand leur prose est peu intimidante et leur contenu clair - et par extension, pour que nous évitions de nous considérer comme des sots si, à cause d'un trou dans notre budget ou notre éducation, nos vêtements sont simples et notre vocabulaire pas plus riche que celui d'un marchand des Halles.
Quand Zénon apprit que tous ses bagages avaient sombré dans un naufrage, il dit : "La fortune m'enjoint d'être un philosophe moins encombré."
Une praemeditatio sénéquienne :
[Le sage] comme ça chaque jour en pensant [...] que la fortune ne nous donne rien que nous puissions réellement posséder. [...]
Nous vivons au milieu de choses qui sont toutes destinées à disparaître. Vous êtes nés mortels, et c'est à des mortels que vous donnez naissance.
Si nous pensons rarement aux risques de désastre soudain et payons le prix de notre insouciance, c'est parce que la réalité comporte deux caractéristiques cruellement déconcertantes : [...].
Nous nous trouvons tiraillés entre une invitation crédible à supposer que demain ressemblera beaucoup à aujourd'hui, et la possibilité que survienne bientôt un événement effroyable après lequel plus rien ne sera jamais pareil.
Nous crions quand nous n'arrivons pas à trouver la télécommande parce que nous croyons implicitement en un monde où les télécommandes ne sont pas égarées.
La colère est causée par la conviction presque comique par ce qu'elle a d'optimiste (et si tragique qu'elle soit par ailleurs dans ses effets) que telle ou telle source de mécontentement n'a pas été incluse dans le contrat de la vie.
La confiance en soi c'est savoir jusqu'où on peut souffrir.
Ce n'est pas un hasard si l'intérêt pour les paysages sublimes en Occident s'accrut au moment précis où la croyance traditionnelle en Dieu commençait à décroître. C'était comme si ces paysages permettaient aux voyageurs d'éprouver les sentiments transcendants qu'ils n'éprouvaient plus dans les villes et les campagnes cultivées.
Un paysage ne peut prétendre au sublime que s'il évoque une puissance plus grande que celle des hommes et potentiellement menaçante pour eux. Les lieux sublimes incarnent un défi à notre volonté.
Pourquoi ce chaos, cette richesse touchaient-ils Flaubert ? Parce qu'il était convaincu que l'existence est foncièrement chaotique et que, sauf en art, les tentatives pour créer de l'ordre impliquent un refus borné et pudibond d'admettre notre condition.
Il faut apprendre à se demander ce qu'il manque à ceux qui trouvent beau tel ou tel objet, et à apprécier leurs choix, même si on ne ressent pas le même enthousiasme.
L'art peut aider à retrouver des dispositions manquantes et à réinstaurer un certain équilibre au sein d'un psychisme boiteux.
Exagérer à dessein des éléments positifs du monde peut être essentiel pour distiller et concentrer l'espoir dont on a besoin pour tracer notre chemin à travers les difficultés de la vie.
Plus la vie est difficile, plus la grâce d'une représentation d'une fleur peut émouvoir.